Les deux avocats complètent leurs représentations sur la peine

Par Charlotte Paquet 12 juillet 2017
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Dave Deschênes connaitra sa sentence le 15 septembre. Photo Le Manic

Baie-Comeau – Les représentations sur la peine dans le dossier de Dave Deschênes se sont conclues le 5 juillet devant la juge Nathalie Aubry. Le ministère public réclame entre 15 et 18 mois d’emprisonnement pour l’homme impliqué dans l’accident qui a couté la vie au jeune Samuel Arsenault, mais la défense suggère plutôt un sursis de sentence ou tout au plus un emprisonnement de 90 jours à purger de façon discontinue.

On se souviendra que Deschênes a reconnu sa culpabilité, en mars 2017, à une accusation de délit de fuite mortel en relation avec l’accident survenu le 7 septembre 2014. Âgée d’à peine 18 ans, la victime circulait sur son motocross sur le boulevard Manicouagan, à Baie-Comeau, en début de nuit, lorsqu’elle a heurté un lampadaire dans les instants qui ont suivi une collision avec le véhicule conduit par l’accusé.

Il aura fallu 10 longs mois avant que Deschênes soit formellement accusé de délit de fuite mortel et de conduite dangereuse causant la mort, en juillet 2015. Cette dernière accusation a été retirée faute de preuve à présenter par la Couronne.

Selon l’exposé des faits admis par les parties, harassé du bruit causé par un motocross, Dave Deschênes est sorti de chez lui pour interpeller le conducteur responsable. Un impact s’est produit entre son véhicule et le motocross, qui circulait sans phare ni déflecteur. Dans les secondes qui ont suivi, le véhicule de Samuel Arsenault heurtait une bordure et percutait un lampadaire. Le jeune homme est mort sur le coup.

La représentante du ministère public, Me Émilie Goulet, réclame une peine entre 15 et 18 mois d’emprisonnement assortie d’une interdiction de conduire pendant une période de cinq ans. L’avocat de la défense, Me Christian Maltais, associe sa suggestion de sursis de sentence (ou une peine de 90 jours d’emprisonnement tout au plus) à une probation de trois ans avec suivi médical.

Rappelons qu’il aura fallu trois journées d’audiences pour permettre aux deux procureurs de compléter leurs représentations. La première s’est tenue le 12 mai.

La défense

Me Maltais a beaucoup insisté sur le fait que son client avait contacté les policiers très rapidement pour rapporter l’accident. Oui, il a quitté les lieux en état de panique et dans un état d’aveuglement volontaire pour retourner à son domicile, a-t-il dit, mais il en est rapidement ressorti pour se rendre à la Sûreté du Québec.

L’avocat a régulièrement parlé d’un délai d’une dizaine de minutes, car la trentaine de minutes de plus que cela aura pris s’explique, selon lui, par l’absence de policiers au poste de la MRC de Manicouagan, rue Mingan, en début de nuit, ce qui l’a obligé à rouler jusqu’au quartier général du boulevard Comeau.

« Ça fait deux ans qu’on fait le procès à Dave Deschênes et qu’on dit qu’il s’est sauvé comme un bandit, mais ce n’est pas quelqu’un qui a été en cavale 10 mois de temps, on parle de minutes », a insisté le procureur de la défense.

La collaboration de l’accusé tout au long de cette nuit dramatique et dans les mois qui ont suivi a été relevée à maintes reprises par son avocat, tout comme son repentir, sa dépression et l’intimidation dont lui et sa famille ont été l’objet.

Me Maltais n’a pas manqué de souligner la conduite téméraire de la jeune victime sur son motocross le soir et la nuit fatidiques. Il a notamment parlé de vitesse, de conduite sur une seule roue et de l’absence de phare, de déflecteur et de frein arrière fonctionnel.

La présence d’alcool dans le sang de la victime au moment de l’accident, alors qu’ielle détenait un permis probatoire assorti d’une tolérance zéro, a aussi été notée par l’avocat. Quand la représentante du ministère public s’est levée pour rejeter la pertinence de cet élément tout en insistant sur le fait que cela contribuait à ternir l’image de Samuel Arsenault, Me Maltais a répliqué ainsi : « Si Dave Deschênes avait eu de l’alcool ou de la drogue dans le sang, on vous l’aurait dit. »

La poursuite

Pour sa part, Me Goulet a soutenu que le soir de l’accident, Deschênes avait choisi de prendre les choses en main pour faire cesser le bruit causé par un motocross à l’extérieur, alors qu’il aurait pu avoir le réflexe élémentaire de contacter les policiers, a-t-elle dit.

La représentante du ministère public a aussi parlé de la distance imprudente du véhicule de l’accusé par rapport au motocross « dont la stabilité était précaire » et de l’abandon de la victime dans un endroit désert. « Il a choisi de laisser Samuel Arsenault seul à son sort, advienne que pourra », a-t-elle souligné.

Puisque Deschênes est un homme dans la quarantaine, on ne peut parler d’immaturité ou d’erreur de jeunesse, a poursuivi Me Goulet. La dissimulation de son véhicule accidenté dans les minutes suivant l’accident est bien réelle, a-t-elle ajouté.

L’accusé a été décrit par la procureure comme un homme manipulateur et égocentrique. Sa dépression sévère et ses pensées suicidaires ne s’expliquent pas par la mort du jeune Arsenault, mais plutôt pas ses craintes d’être emprisonné, selon celle qui considère que Deschênes n’éprouve aucun remords sincère.

Enfin, Me Goulet considère que les manœuvres téméraires de la victime, son taux d’alcoolémie et l’absence de phare ou de déflecteur sur son véhicule hors route ne doivent pas être vus comme des facteurs atténuants pour la sentence. « Ça ne change rien dans la responsabilité morale de Dave Deschênes », a-t-elle ajouté.

Ce n’est pas moins choquant que le quadragénaire ait quitté les lieux de l’accident parce que la victime s’énervait avant, a insisté l’avocate tout en invitant la juge Aubry à rendre une sentence dissuasive.

 


 

La juge veut prendre le recul émotionnel nécessaire

Baie-Comeau – Les familles Arsenault et Deschênes auraient préféré que le prononcé de la sentence de Dave Deschênes se fasse plus tôt, mais la période des vacances jumelée à l’envergure du dossier et au recul émotionnel nécessaire de sa part incitent la juge Nathalie Aubry à choisir la date du 15 septembre pour rendre sa décision.

Dans un message lancé à l’auditoire à la fin de l’étape des représentations sur la peine, la juge de la Cour du Québec, chambre criminelle, a parlé de son instinct pour choisir cette date plutôt qu’une autre d’ici le 21 juillet, une période qui aurait fait l’affaire des deux parties. Le mois d’aout était à oublier puisque la magistrate sera en vacances à son tour.

« Vous venez de passer deux jours très épuisants. Je sais que vous voulez que ça se termine très rapidement et moi aussi. La vie de deux familles a été modifiée à la suite de manques de jugement de part et d’autre. J’aime autant prendre jusqu’au 15 septembre », a indiqué la juge.

Comme elle l’a expliqué, en raison du volume de pièces soumises par la Couronne et la défense qu’elle doit relire, des recherches à faire, de la rédaction de sa décision et du recul émotionnel qu’il lui faut prendre, elle voit mal comment elle pourrait y parvenir d’ici la troisième semaine de juillet.

La juge Aubry reconnait que septembre 2017 marquera le troisième anniversaire du jeune Samuel Arsenault. Trois ans, c’est long pour les familles, mais elle-même n’est au dossier que depuis mars dernier seulement, a-t-elle souligné.

Dans les faits, elle y est depuis l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité de Dave Deschênes à une accusation de délit de fuite mortel et l’acquittement d’une accusation de conduite dangereuse en raison de l’absence de preuve à offrir par la poursuite.

Tout juste avant de clore l’audience, ses dernières paroles, la juge les a adressées aux parents de la jeune victime, Nancy Imbeault et Rock Arsenault : « Je souhaite que vous ayez un peu de repos et de répit cet été. Prenez du temps pour le petit frère de Samuel aussi ».

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