Caroline Lamarre sort de l’ombre pour dénoncer une injustice

Par Charlotte Paquet 31 mai 2016
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Baie-Comeau – « Un maire trouvé coupable d’agression sexuelle contre une employée réintègre son poste, tandis que la victime est laissée pour compte. »

Voilà le titre sans équivoque coiffant le communiqué émis la semaine dernière par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) dans le dossier d’agression sexuelle dont a été reconnu coupable sur un chef le maire de Baie-Trinité, Denis Lejeune. Et, pour la première fois depuis le dépôt des accusations en juillet 2013, l’identité de la victime est rendue publique.

Caroline Lamarre, âgée dans la mi-trentaine, est sortie de l’ombre le 25 mai, quelques jours après que le juge de la Cour supérieure ait levé l’ordonnance de non-publication sur son nom, à la demande de son avocat, Me Steve Bargoné. C’est d’ailleurs par l’entremise du juriste qu’elle dénonce publiquement l’injustice dont elle est victime aujourd’hui.

Sans la levée de l’ordonnance, il aurait été impossible à Mme Lamarre de raconter publiquement son histoire. « Il y a si peu d’employés dans la petite municipalité que nommer l’injustice aurait été aussi vu comme nommer la victime », explique l’avocat.

Retourner au travail

« Tout ce qu’elle veut, c’est retrouver son travail. Elle avait une bonne job et elle faisait bien son travail, tous s’entendent là-dessus », raconte MeBargoné au bout du fil, en insistant sur le fait que Mme Lamarre a cinq enfants à nourrir. « La victime avec un grand V, c’est elle, car en plus de subir l’agression, elle a perdu son travail », ajoute l’homme.

Si la mère de famille n’a pu réintégrer son poste, c’est que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), auprès de laquelle elle avait également porté plainte en juin 2013, a conclu que l’employé avait une limitation fonctionnelle l’empêchant de se trouver en présence du maire Denis Lejeune. La victime a reçu des indemnités du CNESST.

« La municipalité ne peut pas l’accommoder. On ne semble pas avoir cherché des solutions. Moi, je n’étais pas dans le dossier à l’époque, mais le maire aurait pu travailler de l’extérieur du bureau », mentionne Me Bargoné, soulignant au passage que les possibilités pour Mme Lamarre de se trouver un autre emploi dans son domaine sont rarissimes à Baie-Trinité. « On est à Baie-Trinité, pas à Montréal », précise-t-il.

L’avocat déplore que Denis Lejeune soit juge et partie dans le dossier de la réintégration de sa cliente dans ses fonctions de secrétaire à la municipalité. « Le maire en mène large », déplore-t-il. Devant ce fait, Me Bargoné a adressé une lettre au ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Martin Coiteux, pour lui demander de nommer un émissaire indépendant afin« d’accommoder madame et de trouver une solution pour que le maire puisse remplir ses fonctions ailleurs ».

Rappel des faits

Rappelons que Denis Lejeune a été trouvé coupable d’un chef d’agression sexuelle en juillet 2015 et sa sentence a été rendue le 29 janvier 2016. Il a écopé de 120 heures de travaux communautaires et une probation de deux ans en plus de devoir faire un don de 4 000 $ au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels. Puisqu’il n’a pas été condamné à plus de 30 jours de prison, il a pu conserver son poste de maire, selon la loi. Fait à noter, il porté sa condamnation en appel.

À la suite de cette sentence, qualifiée de bonbon, le Regroupement des femmes de la Côte-Nord, en collaboration avec le CALACS de la Côte-Nord, a lancé une pétition réclamant un changement à la loi afin qu’un élu condamné au criminel ne puisse plus siéger. Cette démarche a mené au dépôt du projet de loi 83 à l’Assemblée nationale.

Me Bargoné fonde de grands espoirs sur l’adoption de ce projet de loi qu’il dit trouver fantastique. « On demande au ministre Coiteux de lui donner un effet rétroactif. Ça pourrait avoir des conséquences joyeuses pour la dame », conclut-il.

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