« La pointe Paradis est en train de disparaitre » – Pascal Bernatchez
Le chercheur Pascal Bernatchez a l'oeil sur l'évolution de la péninsule Manicouagan depuis de nombreuses années. Photo courtoisie
Baie-Comeau – De la mi-novembre à la fin décembre, le littoral d’une partie du secteur de la pointe Paradis à Pointe-Lebel a reculé de 13 à 15 mètres. Une pareille perte en si peu de temps est énorme. « La pointe Paradis est vraiment en train de disparaitre », affirme Pascal Bernatchez, professeur et titulaire de la Chaire de recherche en géoscience côtière à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Le spécialiste, natif de Baie-Comeau, a l’œil sur la péninsule Manicouagan depuis très longtemps. Ce milieu, dit-il, il l’a vu évoluer. Jusqu’à la fin des années 90, la pointe de sable au bout de la péninsule était importante. À l’époque, le couvert de glace qui s’installait vers la mi-décembre protégeait les berges des grandes tempêtes hivernales. « Ça pouvait reculer, mais ça se réengraissait après. Mais dans les dernières années, ça s’est vraiment exagéré (le recul) », mentionne-t-il.
Les trois épisodes de grandes marées survenues en six semaines à la fin de 2016 ont été dévastateurs comme jamais pour la pointe Paradis (et ailleurs dans l’est du Québec). « C’est vraiment dans les grandes valeurs de recul qu’on a mesurées jusqu’à maintenant dans le secteur », avoue Pascal Bernatchez. « C’est clair que ça urge (de trouver des solutions) quand on voit l’évolution du milieu. Il faut prendre des actions le plus rapidement possible », ajoute-t-il.
Des équipements partent
La fameuse tempête du 30 décembre a fait disparaitre plusieurs équipements de mesure mis en place par l’équipe de l’UQAR afin de documenter le secteur en prévision de l’expérimentation du projet Rolodune, qui s’amorcera ce printemps avec l’objectif de reconstruire la plage en absorbant l’énergie des vagues.
Des équipements de mesure, l’équipe de recherche en géoscience côtière en a aussi installé ailleurs sur la Côte-Nord et en Gaspésie. Les pertes sont nombreuses. « On n’a pas le choix d’avoir des équipements près du littoral et parfois à risque. C’est la première fois qu’en en perd autant », avoue le professeur en parlant d’appareils servant notamment à évaluer l’impact des vagues sur les côtes et la façon dont le gel et le dégel affectent les falaises.
Les solutions existent
Des solutions pour protéger les berges contre l’érosion, il y en a. Au cours des années, les empierrements, présents dans la péninsule Manicouagan, et les murets, qu’on voit davantage en Gaspésie, ont été les méthodes les plus préconisées.
Le littoral des municipalités de Pointe-Lebel et Pointe-aux-Outardes est constitué tantôt de côtes basses et sablonneuses et tantôt de falaises argileuses. Les façons de prévenir les risques côtiers diffèrent ainsi. Selon le spécialiste, en présence de falaises, les enrochements sont plutôt efficaces, mais c’est loin d’être le cas pour les côtes plus basses en raison des risques de provoquer la disparition de plages dans certaines situations.
« Il faut vraiment tester d’autres solutions. Les solutions, elles existent et on les connait. Il y en a toute une panoplie » affirme-t-il, notant au passage que dans le passé, divers projets de protection ont été réalisés au Québec, mais sur des bases individuelles. « Je pense qu’il est temps d’agir. Le problème quand on intervient en urgence, c’est qu’on n’a pas le temps de mettre en place les meilleures solutions », dit-il.
L’heure est maintenant à l’expérimentation de façons de faire adaptées à la dynamique des différents milieux. Un mandat a été récemment attribué par le gouvernement du Québec à l’équipe de chercheurs de l’UQAR.
Il est assorti d’un budget de 3,5 M$ pour mener à bien des travaux qui s’échelonneront sur trois ans. La concertation de plusieurs ministères autour d’un but commun est prometteuse pour l’application des solutions qui seront retenues, croit Pascal Bernatchez.
Au cours des mois de février et mars, des ateliers se tiendront dans chacune des 88 localités concernées par l’érosion des berges dans l’est du Québec. « On veut vraiment identifier les besoins dans chaque municipalité en matière de risques côtiers et on essaiera d’identifier les meilleures solutions », conclut le chercheur.
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