Serge Bouchard invite les jeunes à découvrir la réalité de l’autre

Par Charlotte Paquet 5 avril 2017
Temps de lecture :

Pessamit – Apprendre à vivre ensemble et à découvrir l’autre « de façon curieuse, enthousiaste et positive », voilà le défi que les jeunes ont à relever, selon l’anthropologue Serge Bouchard. Et s’il y a une chose dont ce passionné de la culture innue depuis 50 ans se dit confiant, c’est qu’ils y parviendront.

Le conférencier, qui est également animateur et auteur, était l’un des trois invités, avec les artistes innus Florent Vollant et Shauit, de la sixième édition de l’événement InnuRassemble, qui s’est déroulé à Baie-Comeau et à Pessamit, la semaine dernière. Son message, il l’a transmis à près de 1 500 étudiants du secondaire, qui ont eu une oreille réceptive, d’après lui.

Véritable encyclopédie vivante sur l’histoire du peuple innu en particulier, mais des Premières nations en général, Serge Bouchard vient à la rencontre des autochtones de la Côte-Nord depuis 50 ans. « J’ai une expérience de vie et j’ai toujours fait la promotion de la beauté et de la grandeur de la culture des Premières nations et de l’injustice qui leur a été faite », confie-t-il en entrevue.

Le Canada fête en 2017 ses 150 ans d’histoire, mais les peuples des Premières nations, eux, n’ont aucune raison de fêter, laisse tomber l’homme.

« Depuis 150 ans, on a fait tout à fait le contraire (la promotion des peuples) au Canada. C’est 150 ans d’acharnement à vouloir faire disparaitre les Premières nations. Il serait peut-être temps qu’on passe à un autre appel. Il serait peut-être temps qu’on se rapproche, qu’on s’étudie, qu’on se respecte et qu’on s’admire les uns les autres », insiste-t-il.

D’après l’anthropologue, la Côte-Nord ne fait pas bande à part. Il fait référence à ce qu’il qualifie de « développement sauvage » réalisé à partir des années 50 avec la construction des barrages et l’exploitation des gisements miniers. « On a fait la Manic (les ouvrages hydroélectriques) sans jamais penser qu’il y avait des Indiens et que c’était des territoires de chasse. Les Innus ont été interdits de pêcher le saumon sur leurs propres rivières », rappelle-t-il, tout en notant la tradition de dureté et d’injustice envers ce peuple.

C’est fini ce temps-là

Aujourd’hui, Serge Bouchard considère que ce temps-là est fini. Les autochtones ont beau avoir été bousculés, ils sont toujours vivants, ils prennent leur place et ils font partie de l’avenir de la Côte-Nord, du Québec et du Canada, dit-il.

« On est dedans. Dans les communautés, il y a une renaissance de fierté et d’éducation », observe l’anthropologue, qui s’en réjouit grandement. Du côté de Pessamit, cependant, les Innus ne viennent pas de se réveiller puisque ça fait longtemps qu’ils le sont, selon lui.

Les jeunes Innus d’aujourd’hui, Serge Bouchard les voit demain comme de grands voyageurs à travers le monde, polyglottes et médecins, ingénieurs ou autre. « Aujourd’hui, le monde est à leur portée », affirme-t-il. Avec tout ce qu’il a subi d’insultes, de misères et de revers, le peuple innu devrait être mort, croit l’homme, mais il aura prouvé qu’il n’y a rien à son épreuve puisqu’il chemine vers le monde postmoderne avec sa distinction culturelle.

Exit les conseils de bande

Le devenir des Innus passe par l’extinction des conseils de bande, dont ils sont prisonniers, affirme l’anthropologue. Ces conseils, il les voit comme des artefacts du colonialisme, de la Loi sur les Indiens et comme l’artisan des malheurs de ce peuple.

Il tarde à ce passionné de la culture innue qu’une révolution politique soit lancée de façon « à couper les ponts avec le fédéral, à créer une assiette fiscale, à travailler sur des ententes et à défendre la société distincte ».