Cryptomonnaie, énergie et dette morale d’Hydro-Québec pour la Manicouagan

Par Charlotte Paquet 14 février 2018
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Directeur de la division Distribution chez Hydro-Québec, David Murray a été interpellé sur la nécessité de faire vite pour garantir l’approvisionnement en énergie nécessaire à l’implantation de l’entreprise Bitfarms. On l’aperçoit (à droite) aux côtés du maire de Baie-Comeau, Yves Montigny, du préfet de la MRC de Manicouagan, Marcel Furlong, et du maire de Sept-Îles, Réjean Porlier. Photos Le Manic

Directeur de la division Distribution chez Hydro-Québec, David Murray a été interpellé sur la nécessité de faire vite pour garantir l’approvisionnement en énergie nécessaire à l’implantation de l’entreprise Bitfarms. On l’aperçoit (à droite) aux côtés du maire de Baie-Comeau, Yves Montigny, du préfet de la MRC de Manicouagan, Marcel Furlong, et du maire de Sept-Îles, Réjean Porlier. Photos Le Manic

Baie-Comeau – La Ville de Baie-Comeau veut battre le fer pendant qu’il est chaud dans l’univers incroyablement effervescent des blockchains et des bitcoins. Bien décidée à ne pas échapper les retombées provenant de la cryptomonnaie, mais freinée par les besoins pressants en énergie de promoteurs, la municipalité a lancé un véritable cri du cœur au patron d’Hydro-Québec Distribution, David Murray.

M. Murray était l’invité la semaine dernière de la Chambre de commerce de Manicouagan dans le cadre d’un déjeuner-bénéfice pour la présentation du plan stratégique de développement de la société d’État. Une centaine de gens d’affaires et d’élus l’ont écouté. À la période de questions, le dossier de l’inaccessibilité de l’énergie nécessaire aux entrepreneurs dans ce domaine en émergence a rapidement pris toute la place.

« Donnez-nous un coup de main pour qu’on puisse se relever (économiquement parlant) », s’est écrié le directeur général de la municipalité, François Corriveau. Selon lui, au moins neuf projets sérieux sont sur la table de travail de la Ville. Il y aurait des gens d’affaires prêts à s’installer à Baie-Comeau, mais qui ne peuvent le faire pour une question de disponibilité d’énergie.

M. Corriveau a insisté auprès du conférencier pour lui rappeler qu’Hydro-Québec avait une dette morale à l’endroit de la Manicouagan, dont les grandes rivières ont permis la construction de barrages à l’origine de l’hydroélectricité. « Hydro-Québec a été construit par nos parents et nos grands-parents. On a l’impression de se faire trahir par nos parents », a-t-il ajouté.

Le directeur général a clos son envolée oratoire en implorant une fois de plus la société d’État d’intervenir. « S’il vous plait, pensez à nous », a-t-il conclu pendant qu’une salve d’applaudissements retentissait dans la salle de l’hôtel Le Manoir.

La prudence est de mise

Le président de la division Distribution a insisté sur la prudence que doit observer Hydro-Québec dans ce nouveau domaine de la cryptomonnaie. « Il faut être prudent. C’est une nouvelle industrie. Il y a beaucoup de spéculations. C’est un tout nouveau monde qu’on découvre », a-t-il ajouté.

La société d’État veut éviter de gaspiller l’argent des Québécois. « On veut travailler avec ces joueurs-là (les promoteurs). On pense qu’il y a des possibilités pour la région, mais il faut être prudent. On est à comprendre le sérieux des gens avant d’investir là-dedans », a précisé David Murray.

Des lignes existantes

À très court terme, Baie-Comeau souhaite que la centaine de mégawatts (MW) produite par la centrale McCormick, et non utilisée par Produits forestiers Résolu depuis la fermeture de deux des quatre machines à papier de sa papetière, puisse servir à l’entreprise Bitfarms. Cette dernière a justement besoin de ce bloc énergétique-là pour installer ses pénates dans le parc Jean-Noël-Tessier.

Cent emplois sont rattachés au projet. « C’est pas vrai qu’on va le perdre et qu’on va manquer une opportunité de 100 emplois », a pour sa part assuré le maire Yves Montigny. « Les lignes sont là. Il faut maintenant être capable d’acheminer l’électricité au terrain ciblé par l’entreprise. Une fois cela fait, l’entreprise va être capable de commencer à produire. »

La Ville réclame donc la collaboration d’Hydro-Québec à cet effet, d’autant plus qu’il est question de lignes existantes, donc moins d’investissements et moins de risques. « Pour notre région, il y a une centaine de mégawatts qui sont là, prêts à être offerts à des compagnies qui ne demandent que ça », a rappelé M. Corriveau, tout en insistant sur l’importance de faire vite pour ne pas tout perdre.

Le porte-parole de la société d’État se montre ouvert. Selon lui, si des lignes électriques sont déjà en place et qu’il est possible de desservir ce nouveau client, pourquoi pas. « Si on peut utiliser ce qu’on a de disponible, go », a lancé M. Murray. Cependant, d’autres éléments doivent être analysés avant de crier victoire, comme la fiabilité de l’approvisionnement.

La centrale McCormick appartient à la Société en commandite hydroélectrique Manicouagan, dans laquelle Hydro-Québec détient une participation de 60 %. L’aluminerie Alcoa possède la différence.

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