Les victimes du trou noir manifestent à nouveau

Par Charlotte Paquet 16 mars 2018
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Guylaine Marceau et des collègues de travail de Crustacés Baie-Trinité étaient à Baie-Comeau, vendredi, pour participer à la manifestation. Photo Le Manic

Baie-Comeau – Une soixantaine de travailleurs saisonniers et quelques membres de la communauté ont fait les cent pas devant le bureau de Service Canada à Baie-Comeau, vendredi avant-midi, afin de dénoncer l’insuffisance des mesures du dernier budget fédéral pour aider à traverser la période du trou noir. Une fois de plus, ils ont réclamé une véritable aide d’urgence.

« On fait les cent pas devant les bureaux de Service Canada, car j’imagine que quelqu’un qui vit le trou noir doit faire les cent pas chez lui parce que, quand il n’y a pas de revenu qui rentre, ça doit être excessivement difficile de s’organiser et ça désorganise plusieurs familles de la Côte-Nord », explique Guillaume Tremblay, président du Conseil centrale Côte-Nord de la CSN.

Appuyées du député de René-Lévesque, Martin Ouellet, de la députée de Manicouagan, Marilène Gill, et de quelques représentants du monde communautaire et municipal, les victimes du trou noir, qui se retrouvent sans revenu entre la fin de leur période de prestation et leur retour au travail, ont dénoncé haut et fort leur situation. Après une dizaine de minutes à déambuler dans le calme, elles ont d’ailleurs sorti leurs trompettes et autres objets sonores pour faire du bruit, beaucoup de bruit.

Selon le plan de match de la CSN, le concert devait durer une quinzaine de minutes, cesser pendant un temps et reprendre, mais l’intervention de la Sûreté du Québec a entrainé le dispersement des gens un peu plus d’une demi-heure après le début du rassemblement.

Trop peu

« On avait des très grosses attentes dans le dépôt du budget et, visiblement, ça n’a pas répondu aux espoirs qu’on avait. Ce matin on est venu leur dire notre mécontentement et à quel point on n’était pas satisfait », souligne Guillaume Tremblay.

Injecter 10 M$ pour la formation des travailleurs saisonniers au pays, comme le prévoit le budget, ce n’est pas ça qui va régler le problème du trou noir, martèlent les travailleurs saisonniers et leurs défenseurs. « La majorité d’entre eux n’ont pas besoin de formation supplémentaire pour faire le travail qu’ils occupent chaque année », précise Line Sirois, coordonnatrice d’Action-chômage Côte-Nord.

Selon la CSN, les pertes économiques découlant du problème du trou noir se situent autour de 18 M$. Dans la région, ce montant correspond à une période de six semaines sans revenu pour 6 500 travailleurs (selon les estimations de Service Canada) qui touche un salaire de 400 $ par semaine.

Les travailleurs saisonniers n’en sont pas à leur première manifestation pour tenter de faire bouger les choses, mais en vain puisque le problème du trou noir demeure. La députée Marilène Gill dit en avoir ras-le-bol. Avec ses mesures pour la formation, le gouvernement faire fausse route et démontre « une incompréhension totale » de la situation. Elle considère que cela risque même de priver les employeurs de l’industrie saisonnière d’une main-d’œuvre qualifiée et encourager l’exode des petites localités. « Le travail saisonnier, ce n’est pas de la charité », insiste-t-elle.

Crustacés Baie-Trinité

Guylaine Marceau et quelques-uns de ses collègues de travail chez Crustacés Baie-Trinité ont participé à l’activité de mobilisation de vendredi. « On est ici pour dénoncer ça. Ça nous prend 700 heures pour 14 semaines (de prestations), ça n’a pas de câline de bon sens. On travaille à l’usine et on a de la misère à faire nos heures. On se classe puis toute », indique-t-elle.

La citoyenne déplore aussi que la période du trou noir entraine des gens à l’endettement puisqu’en étant privés de revenus, ils n’ont d’autre choix que de joindre les deux bouts grâce à leurs cartes de crédit. À leur retour au travail, les premières payes servent à les rembourser. « Plusieurs n’ont pas le droit à l’aide sociale en raison des biens qu’elles possèdent », note celle dont la saison de travail s’amorce au début avril pour se terminer à la fin juilllet.

« On manifeste, on manifeste, mais pour rien. Des fois, j’aurais le gout de baisser les bras, mais quand je vois ce monde-là autour de moi, je suis encouragée à manifester », conclut celle qui garde espoir malgré tout.

Fait à noter, la démarche de visibilité de vendredi a aussi été menée ailleurs sur la Côte-Nord ainsi qu’au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et au Nouveau-Brunswick, où l’industrie saisonnière procure de l’emploi à plusieurs personnes.

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