Pas d’amateurs pour la construction du pont, clame Union 138

Par Steeve Paradis 10 avril 2018
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Le site de la montagne de La Boule (photo) est celui privilégié par la coalition Union 138 pour la construction d’un pont sur le Saguenay afin que la route 138 ne soit plus coupée par une rivière. Photo Journal Haute-Côte-Nord

Baie-Comeau – Pour la coalition Union 138, le futur bureau de projet de pont sur la rivière Saguenay ne devrait écouter que les spécialistes internationaux des longs ponts suspendus, même si aucune entreprise québécoise ne figure parmi ceux-ci. Le Manic s’est entretenu la semaine dernière avec quatre importants acteurs du regroupement.

« Le message qu’on veut passer au gouvernement, c’est que les entreprises qui n’ont pas d’expérience de ce type de pont devraient être écartées par le bureau de projet », a lancé Pierre Breton, qui s’intéresse depuis des décennies au dossier. « Si on veut le succès (avec ce projet), adressons-nous aux personnes compétentes et évitons l’interférence du ministère des Transports, qui tient à tout prix aux traversiers », a-t-il ajouté.

« Il est temps de faire des études sérieuses, avec de véritables analyses, mais il ne faut pas tout refaire », d’enchaîner le président de Boisaco, Steeve St-Gelais.
Celui qui est aussi coprésident de la coalition Union 138 souhaite ainsi qu’on évite les propositions « farfelues », comme un pont à quatre voies ou un tunnel d’accès de six kilomètres, le genre de proposition qui « discrédite le projet », à son avis.La coalition identifie particulièrement l’entreprise danoise COWI, seule firme spécialisée du genre ayant des bureaux au Canada, qui a déjà confirmé au regroupement la faisabilité du projet.

« Cette firme a l’avantage d’avoir expérimenté une nouvelle technologie pour prolonger à 200 ans la durée de vie des ponts », a lancé M. Breton, évoquant un système permettant la déshumidification des piliers et des câbles soutenant les ponts.

De gré à gré

Johanne Munger, secrétaire de la coalition Union 138, va même jusqu’à parler de donner le contrat à COWI de gré à gré, puisqu’elle a démontré son expertise pour des ponts suspendus. « Pour faire construire les nouveaux traversiers, on y est allé de gré à gré. Même chose pour le tronçon de la 138 entre Kégaska et La Romaine. Pourquoi le gouvernement ne pourrait pas faire de même avec le pont », s’interroge-t-elle.

La coalition assure que dans l’état actuel des connaissances, il est possible de compléter la construction d’un pont et des routes d’approche pour 500 M$ sur le site de la montagne de La Boule, au nord de Tadoussac. « Mais c’est certain que si on donne le projet à des consortiums comme ceux qu’on a entendus à la Commission Charbonneau, ça risque d’être plus cher», a ironisé Pierre Breton.

Cent kilomètres plus loin

Pour la coalition, les enjeux sont nombreux quand on parle d’un éventuel pont sur le Saguenay. La sécurité, la fluidité du trafic et l’impact environnemental sont notamment soulevés. Le volet économique n’est pas le moindre.

« La santé économique de nos communautés est gravement affectée par les traversiers. C’est comme si on était 100 kilomètres plus loin qu’on l’est réellement », illustre M. St-Gelais, qui souligne que les entreprises n’ont pas le choix d’intégrer cette attente dans leurs coûts. « Juste pour Boisaco, c’est au-delà d’un million de dollars par année», a-t-il soutenu.

L’un des arguments évoqués par les gens qui n’endossent pas nécessairement le projet de pont concerne les pertes d’emploi liées aux opérations de la traverse Tadoussac/Baie-Sainte-Catherine. La coalition y est sensible et se veut rassurante.

« C’est sûr que l’inconnu fait peur, mais on a le temps de voir venir les choses pour ce qui est des emplois liés aux traversiers », fait valoir Richard Bélanger, l’autre coprésident d’Union 138. « (Le pont) va nous donner un élan de compétitivité. Il va pouvoir concrétiser des potentiels qui ne peuvent l’être présentement à cause du traversier », renchérit le président de Boisaco. « Il y aura de belles possibilités de développement de villégiature. Tadoussac ne sera plus coincée entre une route et le fleuve. Et les ponts sont également des attraits touristiques », d’ajouter Mme Munger.

La route aussi

Les quatre membres du regroupement n’ont pas manqué de rappeler que la construction d’un pont sur le Saguenay n’est pas le seul objectif de la coalition Union 138. Le prolongement de la route en Basse-Côte-Nord, jusqu’à Blanc-Sablon, figure sur le même pied d’égalité.

« La coalition a une vision plus globale que le pont, c’est le désenclavement de la Côte-Nord », a affirmé Richard Bélanger, qui soutient au passage que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador serait sur le point de dévoiler un projet de construction d’un tunnel entre l’île et Blanc-Sablon. M. Bélanger estime qu’il est temps de saisir le momentum, car « le gouvernement fédéral a toujours été derrière les projets de Terre-Neuve ».

Rappelons que la coalition ne regroupe pas que des Nord-Côtiers. Le préfet de la MRC de Charlevoix-Est, Sylvain Tremblay, est l’un des fondateurs, tout comme le chef de la Première Nation des Innus d’Essipit, Martin Dufour, et Steeve St-Gelais de Boisaco.

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Les nouveaux traversiers « pas précédés d’études sérieuses »

Baie-Comeau – Il ne fallait évidemment pas compter sur les dirigeants de la coalition Union 138 pour vanter l’arrivée prochaine des nouveaux navires à la traverse Tadoussac/Baie-Sainte-Catherine. Surtout, rappellent-ils, qu’ils ne feront qu’amplifier un problème déjà criant.

« Quand on a eu l’occasion de poser des questions claires là-dessus, on a été à même de constater que la décision de construire de nouveaux traversiers n’avait pas été précédée d’études sérieuses », fait valoir Steeve St-Gelais de Boisaco. « Et le ministère des Transports nous a répondu qu’il n’a pas été consulté. »

Les nouveaux traversiers – le premier devant être livré en 2018 – déverseront sur la 138 l’équivalent de 115 véhicules, comparativement à 75 pour les bateaux passeurs actuels, le Jos-Deschênes et le Armand-Imbeau. Incidemment, leurs remplaçants porteront les mêmes noms, mais avec II à la fin.

« De voir arriver sur la route 50 % plus de véhicules à la sortie du traversier ne fera qu’augmenter la problématique existante », a exprimé celui qui préside l’important groupe forestier de Sacré-Cœur.

Coûts exorbitants

Pour sa part, Pierre Breton déplore l’explosion des coûts dans le remplacement de ces traversiers, coûts qui auraient pratiquement déjà payé le pont. Le prix des traversiers dépassera les 250 M$, le gouvernement en a déjà convenu, sans oublier les travaux de modification aux deux quais.

« De plus, les bateaux coûtent entre 14 et 15 millions par année et il faut les reconstruire aux 20 ans. Sur une période de 40 ans, si on inclut tout, on parle de l’ordre de milliard de dollars », soutient M. Breton, qui s’intéresse depuis longtemps à la question en tant que membre de la Société du pont sur le Saguenay.

Sécurité et biodiversité

Pour les deux hommes, il n’y a pas que les dollars qui parlent dans ce dossier. L’essor socioéconomique de toute une région, la sécurité routière et la biodiversité du secteur, qui fait d’ailleurs partie du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, sont également en jeu, croient-ils.

« À long terme, c’est facile de comprendre qu’un pont, c’est la solution. Le Québec se targue d’être un leader mondial en développement durable, mais un traversier à cet endroit va dans le sens inverse de cette prétention », a souligné M. St-Gelais.

« Avec un pont, il y a tout un potentiel de développement pour le parc marin », conclut M. Breton.

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