Un carnage d’orignaux mène à de l’intimidation à l’égard de Pessamit

Par Charlotte Paquet 11 avril 2018
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Voici la scène qui a été croquée tôt mercredi matin à l’intersection des routes 138 et 385 à Forestville. Photo courtoisie

Baie-Comeau – Un carnage d’orignaux au nord de Forestville, suivi d’un acte d’une barbarie peu commune visiblement destiné à intimider la communauté de Pessamit, a laissé bien du monde coi, la semaine dernière, en plus d’être à l’origine de deux enquêtes pour épingler les coupables, l’une menée par la direction de la Protection de la faune et l’autre par la Sûreté du Québec.

On se souviendra qu’un geste de braconnage d’une ampleur rarement vue a été posé dans le secteur du kilomètre 24 de la route 385, possiblement dans les premiers jours du mois d’avril. Un véritable massacre de 10 orignaux abattus et dépecés, dont deux femelles gestantes, chacune avec leurs deux veaux, a été découvert, le 8 du mois, par un couple de Forestville.

La dénonciation de la situation sur Facebook, avec photos à l’appui,  a soulevé l’indignation chez M. et Mme Tout-le-monde, mais aussi au sein des employés de la Protection de la faune. Au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, le porte-parole Sylvain Carrier a parlé de «  sauvagerie et de barberie ».

Une enquête a immédiatement été lancée. Certains témoignages ont laissé entendre que les responsables pourraient être des Innus. D’ailleurs, M. Carrier a confirmé que « ça pointe vers une chasse autochtone hivernale », tout en rappelant que la Cour suprême du Canada a déjà reconnu les droits ancestraux en matière de chasse et de pêche.

L’enquête se poursuit et, à ce stade-ci, il est trop tôt pour identifier quiconque. Selon M. Carrier, plusieurs pistes sont étudiées.

La tension monte

La tension a cependant monté d’un cran. Deux jours après la publication des photos, un ou des individus mal intentionnés ont récupéré les restes des orignaux, laissés sur place par les agents de protection de la faune, qu’ils ont accrochés à un immense panneau identifiant le territoire du Nistassinan de Pessamit à l’intersection de la route 138 et de la route 385.

Si la vue d’orignaux démembrés dans la neige a semé un vent d’indignation, la photo des restes des bêtes suspendus au panneau a ajouté à l’horreur. Ce qui a eu toute l’allure d’un geste d’intimidation à l’égard de la communauté innue de Pessamit n’a laissé personne indifférent, à commencer par la principale concernée.

Après avoir dénoncé haut et fort l’acte de braconnage au nord de Forestville, en rappelant qu’il est tout à fait contraire au mode de pratique traditionnelle, le Conseil des Innus de Pessamit s’est dit déçu et choqué par le nouveau chapitre à l’histoire.

De très mauvais goût

« C’est sûr que les gens s’attendaient à des réactions de la population puisque les membres de la communauté sont comme pointés du doigt, mais pas à des gestes comme ça», a indiqué André Côté, le directeur du secteur territoire et ressources, en parlant d’une mise en scène de très mauvais goût avec ces restes d’orignaux et les deux petits accrochés au panneau.

« On ne sait pas qui a fait ça et dans quel état il était, mais on sent que c’est quelqu’un qui visait la communauté », a poursuivi M. Côté, qui précise que même si les responsables étaient effectivement des Innus, le conseil n’endosserait pas plus les actes perpétrés.

Le porte-parole met la population en garde de généraliser dans le dossier. « Il ne faut pas associer les gestes qui ont été faits à l’ensemble de la communauté », a-t-il dit. M. Côté a d’ailleurs dressé un parallèle avec la tuerie à la Grande mosquée de Québec en 2017, au terme de laquelle le peuple québécois avait bien précisé ne pas endosser le geste posé par son auteur, Alexandre Bissonnette.

Disposition des restes

À la demande du Conseil des Innus de Pessamit, les agents de protection de la faune sont rapidement intervenus pour décrocher les restes des orignaux, restes dont ils auraient normalement dû disposer bien avant.

« La Protection de la faune reconnaît avoir tardé à récupérer les restes », admet le porte-parole du MFFP. Selon lui, après avoir récolté des prélèvements sur le site du massacre d’orignaux, les restes auraient dû être enlevés. Si cela avait été fait, il n’y aurait pas eu ce nouveau chapitre à l’histoire et destiné à intimider les Innus.

D’ailleurs, le méfait à un panneau appartenant à la communauté a été « vigoureusement » condamné par le ministère, qui a déposé une plainte à la Sûreté du Québec. « On recueille et on valide des informations », a reconnu le sergent Hugues Beaulieu. Si des suspects sont identifiés, le dossier sera ultimement transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

SOS Braconnage

Par ailleurs, le MFFP rappelle aux personnes qui pourraient être témoins d’un acte de braconnage de le rapporter au service SOS Braconnage (1 800 463-2191), mais d’éviter d’en faire la diffusion sur les réseaux sociaux. « Le travail des enquêteurs serait facilité », a souligné M. Carrier.

En effet, quand la situation est rendue publique, cela permet aux braconniers de s’empresser de détruire ou de camoufler des éléments de preuve qui, autrement, auraient peut-être pu conduire les enquêteurs jusqu’à eux.

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