Bilan de 10 ans d’épidémie sur la Côte-Nord – Les chercheurs connaissent un peu mieux la tordeuse des bourgeons de l’épinette

Par Steeve Paradis 1 février 2019
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Après plus de 10 ans d’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette dans la région, les chercheurs ont fait plusieurs constats, dont l’impact des changements climatiques sur cet insecte. Photo archives Le Manic

Après plus de 10 ans d’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette dans la région, les chercheurs ont fait plusieurs constats, dont l’impact des changements climatiques sur cet insecte. Photo archives Le Manic

Baie-Comeau – Certaines idées reçues à propos du comportement de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) sont en train de changer à mesure que la recherche dans le domaine évolue. Ressources naturelles Canada a récemment tenu un colloque sur le bilan de plus de 10 ans d’épidémie de cet insecte sur la Côte-Nord.

Louis De Grandpré, chercheur scientifique en écologie végétale et dynamique forestière rattaché au Centre de foresterie des Laurentides, a constaté de visu les premiers signes de défoliation dans la région en 2006. Depuis, il suit à la trace cette épidémie, afin notamment de mieux prédire les comportements des dites épidémies, de leurs impacts sur le cycle du carbone et de leurs implications sur l’aménagement forestier.

Concernant justement l’aménagement, les chercheurs ont étudié l’état des lieux là où il y a des coupes de récupération d’arbres frappés par la TBE et là où il n’y a pas de ce type de coupe. Leur constat pourrait modifier les façons de faire.

« Dans les peuplements dominés par l’épinette noire, les petites tiges qui repoussent souffrent plus après la récupération. Notre hypothèse est que ce n’est pas idéal de faire une coupe de récupération dans ce type de peuplement. Dans les peuplements mélangés ou dominés par le sapin, on n’a pas observé la même chose. Il serait peut-être bon d’attendre la fin de l’épidémie avant de couper dans les pessières (peuplement d’épinettes) », d’affirmer M. De Granpré.

Le climat en cause

Une autre des hypothèses est que les changements climatiques influencent le comportement et la répartition géographique de la tordeuse.

« On a d’abord regardé l’impact des épidémies passées et on a observé que durant les années 60, les arbres de la Côte-Nord ont connu une moins bonne croissance en raison d’un stress climatique dû à un temps plus froid. Ç’a donc pu augmenter la faiblesse des arbres et ainsi favoriser l’arrivée de la tordeuse. L’hypothèse est que le stress climatique est un facteur dans les épidémies », a expliqué le chercheur.

M. De Granpré a également comparé les données climatiques des années 60 à celles de 2006 et sans surprise, il a constaté un climat plus chaud. Donc, la tordeuse va plus au nord.

« On constate des épisodes de migration vers le nord, mais toutefois aussi vers la rive sud », indique-t-il en soulignant que l’été dernier, de nombreux papillons de la TBE ont été capturés dans la région de Fermont. « Autour de Manic-5, on voit beaucoup de défoliation mais plus au nord que ça, on ne croit pas qu’il y aura une grande épidémie », puisqu’il y a moins d’arbres.

Rien ne se perd…

Autre constat des chercheurs, c’est la récupération plutôt rapide constatée dans des peuplements fortement défoliés au départ. Ça s’expliquerait en partie par le « gaspillage » de la TBE, qui laisse beaucoup de nourriture derrière elle.

« Les aiguilles (de sapin ou d’épinette), tombent au sol, tout comme les excréments des chenilles. Ces éléments, plutôt que de se perdre dans le système, sont récupérés rapidement par les arbres. Donc, plus un arbre est défolié et plus il récupérerait rapidement et plus la chenille aurait de la nourriture », a lancé le scientifique, évoquant ainsi « le principe de la saucisse Hygrade ».

De l’avis de Louis De Grandpré, l’épidémie actuelle de tordeuse de bourgeons de l’épinette sur la Côte-Nord tirerait à sa fin dans les territoires situés les plus près du fleuve. Le chercheur et son équipe observent particulièrement les peuplements de sapin dans la région de Baie-Comeau afin de voir de quelle manière ils vont se régénérer dans les prochaines années.

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