Le Bloc s’inquiète pour l’industrie de l’aluminium

Par Steeve Paradis 4:32 PM - 10 février 2020
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Les députés bloquistes Alexis Brunelle-Duceppe et Marilène Gill sont en tournée québécoise pour exiger la protection de l’industrie de l’aluminium dans l’ACÉUM. Ils étaient à Baie-Comeau lundi.

Avec les nouvelles dispositions de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM), le Bloc québécois (BQ) dit craindre pour l’avenir de l’industrie de l’aluminium au Québec. Contrairement à l’acier, il n’y a aucune protection en ce qui concerne l’aluminium et le Bloc estime que ce nouvel accord met l’industrie en péril. Le syndicat de l’aluminerie Alcoa et le maire de Baie-Comeau ne partagent toutefois pas les mêmes inquiétudes.

La protection concernant l’acier fait en sorte qu’en ce qui a trait à l’industrie automobile, l’acier qui y est utilisé doit être fondu et coulé en Amérique du Nord. Pour l’aluminium, cette protection n’existe pas.

Comme il l’a déjà fait savoir, le Bloc estime que l’ACÉUM permettra aux Chinois « d’inonder les marchés » nord-américains. On dit particulièrement craindre que le Mexique, important fabricant de pièces automobiles, délaisse l’aluminium québécois au profit de l’aluminium chinois, moins cher.

« Au Mexique, c’est de l’aluminium de Chine qui est dumpé. De l’aluminium de Chine, ce n’est pas de l’aluminium nord-américain », a fait valoir la députée de Manicouagan, Marilène Gill, qui soutient au passage que selon l’entente, on ne peut revenir sur cette non-protection de l’aluminium. « Dix ans, c’est une éternité », a-t-elle ajouté.

Son collègue de Lac-Saint-Jean, Alexis Brunelle-Duceppe, indique que les alumineries québécoises ont dans leurs cartons six projets d’expansion, dont une éventuelle phase 3 chez Alouette à Sept-Îles, la plus grande aluminerie des Amériques.

Sonner le glas

« Tel qu’il est, l’accord vient sonner le glas de ce projet », a soutenu le député, indiquant au passage que le gouvernement de Justin Trudeau semble disposé à écouter les arguments du BQ et que la vice-première ministre Chrystia Freeland, responsable du dossier de l’ACÉUM, « est de bonne foi ».

M. Brunelle-Duceppe refuse de dévoiler la proposition exacte que le Bloc a faite au gouvernement, afin de « ne pas négocier sur la place publique ». Mais il assure qu’il y a « des mécanismes dans l’entente » qui permettent de faire des amendements et que « les canaux de communications (avec le gouvernement) sont ouverts ».

Le bloquiste rappelle que depuis le défunt Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), signe en 1993, bien des choses ont changé, d’où l’importance de la protection exigée.

« En 1993, la Chine produisait moins d’aluminium que le Québec. Aujourd’hui, elle en produit 15 fois plus. C’est la même chose pour l’acier, qui a pourtant obtenu cette protection. Le contexte mondial a totalement changé. »

Le maire et le syndicat moins soucieux

Autant le maire de Baie-Comeau que le président du syndicat des employés de l’aluminerie Alcoa se veulent plus rassurants que les élus du Bloc québécois en ce qui a trait à la protection de l’industrie de l’aluminium dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM).

« Je ne vois pas d’inquiétudes qui justifient une tournée panquébécoise », a lancé le maire Yves Montigny, se disant rassuré après « les nombreuses discussions » qu’il a eues avec le cabinet du ministre Pablo Rodriguez, lieutenant québécois du gouvernement Trudeau.

Le maire dit avoir reçu des assurances en ce qui concerne l’éventuelle possibilité pour le Mexique d’acheter de l’aluminium chinois, le refondre et ensuite le faire passer pour de l’aluminium nord-américain afin de respecter la clause des 70 % de pièces automobiles faites en aluminium d’Amérique du Nord.

« S’ils font ça, c’est de la triche. Et le Canada a déjà un accord avec les États-Unis pour contester cette façon de faire si ça arrivait », a déclaré M. Montigny.

En bon politicien, le maire n’a pas raté l’occasion de rappeler qu’il y a à Baie-Comeau un projet d’aciérie et qu’avec la protection accordée à l’acier dans l’ACÉUM, « ça donne une belle opportunité pour poursuivre le développement du projet et ça peut nous favoriser à attirer des investisseurs chinois ».

Déjà au Mexique

Pour sa part, le président du syndicat national des employés de l’aluminium de Baie-Comeau a fait valoir que l’aluminium chinois est déjà présent au Mexique et qu’à son avis, ce phénomène devrait avoir peu d’impact sur la production de l’aluminerie baie-comoise, de plus en plus tournée vers les produits à valeur ajoutée.

« Honnêtement, c’est dur de savoir pour l’instant ce que tout ça va donner », a affirmé Michel Desbiens, qui se dit « pas nécessairement inquiet » par les actuelles dispositions de l’ACÉUM mais qu’à tout prendre, « on aurait mieux aimé avoir la même protection que l’acier ».

« Dans le futur, ça peut toutefois peut-être nuire à d’éventuels investissements au Québec », a convenu M. Desbiens, qui soutient au passage qu’il faut « essayer de trouver des mécanismes » qui ne pénaliseront pas l’aluminium nord-américain.

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