« C’est un peu terrorisant de mettre sa propre santé en jeu » – Dre Marion L’Espérance

Par Sylvain Turcotte 7:38 PM - 1 avril 2020
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Dr Marion L’Espérance, entourée de son mari Frédéric Vachon et de leurs enfants, Héloïse, Raphaël, Édouard et Charles Hugo.

Marion L’Espérance est mère de famille de quatre enfants, Héloïse et Raphaël, 9 ans, Charles Hugo, 7 ans, et Édouard, 4 ans. C’est aussi une chirurgienne. Depuis une dizaine de jours, le quotidien a bien changé à l’hôpital de Sept-Îles, en cette période de pandémie à la COVID-19.

Son quotidien professionnel est maintenant fait principalement de téléconsultations et de gestion des urgences chirurgicales. Ce qu’elle trouve difficile à gérer, c’est l’incertitude en lien avec la fin de la crise et « pour combien de temps nous devrons reporter des traitements et des chirurgies jugées non urgentes. Gérer l’incertitude des patients que l’on partage est difficile en l’absence de réponse à leur donner », mentionne-t-elle.

Elle est maintenant plongée dans le branle-bas de combat qu’implique l’arrivée du coronavirus.

« Présentement, c’est bien en deçà de ce qu’on est capable de soutenir, nous sommes encore en phase de planification et de réorganisation. On est en attente du tsunami », souligne Marion L’Espérance, des propos qui démontrent le portrait du milieu de la santé en cette période de crise.

Selon elle, on n’est qu’au début de la crise. Il faudra suivre son évolution. « Et tant qu’il n’y aura pas de vaccin, ça sera difficile de revenir à une vie normale ». Elle implore également tous les membres du réseau de la santé de prendre la chose au sérieux. « La sensibilisation doit partir des membres ». Elle salue cependant le beau mouvement de collaboration à tous les niveaux à l’hôpital de Sept-Îles. « Il y a une belle proactivité.»

Sentiment de peur

La peur, c’est ce qui envahit le quotidien professionnel de Marion L’Espérance depuis l’apparition du coronavirus au Québec, même avant ça. « On a peur pour notre santé, de l’attraper, de ramener ça à la maison. Il y a 51 médecins qui sont décédés en Italie », indique-t-elle.

« C’est un peu terrorisant de mettre sa propre santé en jeu », rajoute-t-elle, mentionnant qu’elle aurait choisi l’armée si elle avait voulu d’un métier avec cette crainte. Elle voulait soigner les gens. « Ça change les perspectives de la médecine de se retrouver au front. »

Cette peur, elle essaie de ne pas la ramener à la maison, tant bien que mal. C’est là qu’elle peut arrêter de penser à ce virus, autant se faire que peut, sachant que son homme, Frédéric Vachon, enseignant de profession, a tenu le fort.

« C’est difficile de laisser les craintes à l’hôpital. Mon mari permet de gérer, de m’enlever une charge mentale. C’est le roc, il permet de diminuer l’anxiété. »

Le quotidien à la maison, dans un environnement en bord de mer, se passe bien pour les jumeaux, Héloïse et Raphaël, ainsi que Charles Hugo et Édouard.

« On voit ça positif », lance la jumelle. « Le confinement, c’est chouette, on voit nos parents », renchérit son jumeau. Les quatre enfants sont bien au fait de toutes les précautions, et ils ne manquent de rien pour occuper leurs journées. La maison est pleine de jeux, de livres et d’instruments de musique. Et il y a aussi l’environnement extérieur qui leur permet de bouger. « On fait aussi l’école à la maison avec des projets spéciaux », mentionne la maman.

D’ailleurs, la famille y est allée d’originalité en fin de semaine pour parler du coronavirus, créant une mélodie sur l’air de Le Petit bonheur de Félix Leclerc (disponible ICI). « On voulait passer un message, faire une activité de sensibilisation. »

Cette crise, cette prise de conscience face à la vie, a ses bons côtés, selon Marion L’Espérance. « Je vois cette crise comme un cadeau du ciel au niveau personnel…. un arrêt dans nos vies occupées, la chance de prendre le temps de lire, d’apprendre une nouvelle langue, d’apprendre à nos enfants à devenir de meilleurs citoyens en leur apprenant à cuisiner, à coudre, etc. Nous n’avons que peu d’écrans et aucun jeu vidéo à la maison, donc on s’occupe beaucoup à autre chose », conclut-elle.

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