Le port du couvre-visage, un beau casse-tête pour les personnes sourdes
Nancy Laflamme porte le couvre-visage avec l’inscription demandant à son interlocuteur de retirer le sien, afin qu’elle puisse lire sur ses lèvres.
Qu’on soit pour ou contre, le port du couvre-visage obligatoire dans les lieux publics fermés n’empêche à peu près personne de pouvoir communiquer. C’est cependant loin d’être le cas pour les personnes sourdes, qui deviennent doublement démunies quand elles ne peuvent pas lire sur les lèvres de leur interlocuteur.
« En fait, pour les sourds, le port du masque, c’est invivable », lance d’entrée de jeu Suzanne Comeau, agente d’aide à la communication pour le Service régional d’interprétariat de l’Est du Québec (SRIEQ).
Nancy Laflamme, une personne sourde, confirme l’affirmation, en rajoutant que « ça peut aussi être très difficile de lire sur les lèvres de quelqu’un derrière un plexiglass en raison des reflets de la lumière ».
Évidemment, pour les besoins de l’entrevue avec Le Manic, Mme Laflamme s’exprime en langage des signes et ses propos sont interprétés par Mme Comeau.
Mme Laflamme tient toutefois à assurer qu’elle n’est pas du tout contre le port du couvre-visage. La majorité des personnes sourdes est aussi en faveur, ajoute Mme Comeau. « Comme dans le reste de la population, il y en a aussi qui sont contre, mais la majorité comprend très bien que c’est pour contrer la propagation de la COVID », soutient l’interprète.
Certains malentendants se promènent donc avec un masque sur lequel il est écrit : Je lis sur les lèvres. « Si les gens voient ça, on leur demande donc de baisser leur masque et de rester à deux mètres. C’est pour que les personnes entendantes comprennent mieux ce qu’on demande », de faire valoir Mme Laflamme.
Suzanne Comeau a donc fait imprimer ces masques. Elle a aussi fabriqué des couvre-visages avec une visière, ce qui permet aux personnes sourdes de pouvoir lire sur les lèvres.
Un mauvais message
Curieusement, des personnes refuseraient de baisser le couvre-visage, même pour se faire comprendre d’un sourd, selon l’agente d’aide à la communication du SRIEQ. De l’autre côté, certaines personnes sourdes refusent de porter le masque avec l’inscription Je lis sur les lèvres, de peur que les autres les prennent « pour des gens faibles ou des idiots. Penser ça, ça envoie un mauvais message ».
Parmi les tracas quotidiens d’une personne sourde, on peut penser à tout ce qui concerne le domaine de la santé. On pourrait penser que la technologie facilite les échanges, mais encore faut-il que l’équipement soit disponible.
« Quand la pandémie a commencé, le ministère de la Santé a envoyé un courriel pour que tous ses établissements achètent des tablettes électroniques. Dans la région, ça fait cinq ans que je demande d’avoir un système de vidéo à distance, comme Zoom, pour communiquer par exemple avec des médecins à Sept-Îles. Ce n’est toujours pas le cas », de lancer Mme Comeau.
« J’ai communiqué avec le bureau du député (Martin Ouellet) et celui du premier ministre sur ce sujet. On espère beaucoup que le CISSS de la Côte-Nord comprenne bien les besoins des personnes sourdes. »
Autre point qui tracasse Nancy Laflamme. Elle aime bien suivre à la télé les points de presse des autorités gouvernementales en ce qui concerne la COVID-19. Mais depuis quelque temps, l’interprète en langage pour sourds n’est plus dans l’image, contrairement au début de la pandémie. « Pourquoi avoir arrêté l’interprète? », s’interroge-t-elle, avec raison.
Elle invite aussi le maire de Baie-Comeau, Yves Montigny, à faire appel aux services d’un interprète lors de ses interventions publiques télédiffusées. « Moi aussi, j’aime ça la politique », conclut-elle.
Qu’est-ce que le SRIEQ?
Le Service régional d’interprétariat de l’Est du Québec (SRIEQ) est un organisme privé sans but lucratif qui a pour objectif d’offrir des services en interprétation dans la langue des signes québécoise et oraliste aux personnes sourdes, sourdes-aveugles, malentendantes et entendantes.
Sur la Côte-Nord, elle offre des services sur un territoire s’étendant de Forestville à Havre-Saint-Pierre. Un peu plus d’une vingtaine de clients utilisent ses services, disponibles quatre jours par semaine dans la région. « C’est frustrant, car ce n’est pas assez. Il faudrait cinq jours par semaine », de lancer Nancy Laflamme.
L’aide à la communication, c’est plus qu’un interprète, fait valoir Suzanne Comeau, qui joue ce rôle dans la région. L’agent d’aide peut notamment prendre les rendez-vous chez un médecin ou aider à clarifier une rencontre avec un notaire.
Pour obtenir les services d’aide à la communication sur la Côte-Nord, on compose le 418 295-2115 du lundi au jeudi de 9 h à 17 h et on laisse un message. Pour une urgence comme les policiers, les ambulanciers ou l’hôpital, un service 24 heures par jour et 7 jours par semaine est disponibles, au 1 800 268-1037.
On peut également visiter le www.srieq.ca pour en apprendre plus long sur les services offerts.
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