Mois de la sensibilisation au cancer du sein : « J’ai choisi de voir vieillir mes enfants » – Jennifer Gauthier

Par Johannie Gaudreault 6:28 PM - 13 octobre 2020
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Jennifer Gauthier a choisi de voir vieillir ses enfants Melian et Julien en subissant une double mastectomie préventive en 2013. Courtoisie

Bien qu’elle soit porteuse du gène BRCA2 augmentant ses risques de développer un cancer du sein et des ovaires à 87 %, Jennifer Gauthier, native de Forestville, se trouve chanceuse d’avoir eu le choix de procéder à une mastectomie préventive, soit l’ablation des deux seins.

Ce n’était pas le cas de sa mère Lison St-Pierre, atteinte d’un premier cancer du sein en 1995, à l’âge de 33 ans.

« Elle ne savait pas qu’elle était porteuse du gène BRCA2 et les recherches ont tellement évolué au cours des dernières années. C’est Angelina Jolie qui a popularisé la mastectomie et cette mutation génétique en 2013 », se remémore Jennifer Gauthier, qui réside à Lévis depuis deux ans, après avoir habité à Baie-Comeau pendant quelques années.

À 18 ans, la jeune femme a passé le test de génétique pour savoir si elle était porteuse du gène et le résultat s’est avéré positif.

« Les cancers du sein peuvent se développer pour plusieurs causes, mais moi, c’était dans mes gènes. J’avais 87 % de risques d’en avoir un et 10 ans plus tôt que la génération précédente. Donc, à 23 ans, j’aurais pu en être atteinte. »

Après le résultat, la Forestvilloise était suivie de près par ses médecins. « Tous les trois mois, je passais des échographies des seins et des prises de sang. Quand ils voyaient quelque chose à l’écho, ils m’envoyaient passer une résonance magnétique à Québec. C’était intense, ça me rassurait, mais j’étais toujours stressée et inconfortable », raconte-t-elle.

En 2009, après plusieurs années de souffrance, Jennifer perd sa mère des suites du cancer du sein. À 24 ans, elle était elle-même devenue maman d’une petite fille.

« Elle a eu un deuxième cancer, mais c’est son premier qui est revenu lui causant des métastases au cerveau et sur les os. C’était un cauchemar parce que ça s’est éternisé longtemps et je l’ai vue souffrir énormément. »

C’est en 2011 qu’elle commence à penser à l’ablation des seins à des fins préventives, lorsque sa tante reçoit elle aussi un diagnostic de cancer du sein. « Pour elle, ça été pas de niaisage. Enlevez-moi les seins. C’est elle qui m’a parlé de cette opération. » La possibilité de procéder à une mastectomie n’est pas entrée dans l’oreille d’une sourde.

« À partir de ce moment, j’ai su que je devais le faire. Au début, j’avais peur parce qu’on me racontait des histoires d’horreur comme quoi ils reconstruisaient les seins avec la graisse du ventre et du dos. Mais, ma tante m’a spécifié qu’on pouvait choisir de le faire avec des implants et presque en même temps que moi, Angelina Jolie a démystifié l’opération », témoigne Jennifer.

Elle s’informe donc à son médecin pour subir la mastectomie préventive. Comme elle se mariait en mars 2013, l’opération a été retardée en mai de la même année. « Je devais me préparer mentalement avant l’opération. J’ai rencontré une psychologue pour tranquillement me faire à l’idée de perdre mes deux seins. »

Le 6 mai 2013, elle entre donc au bloc opératoire pour la première étape de son importante chirurgie. Un an et trois opérations plus tard, elle ne regrette rien.

« Ç’a été un processus long et très douloureux. Mais, je voulais voir vieillir mes enfants. Ils sont toute ma vie et aujourd’hui, à 35 ans, j’ai la chance d’être encore auprès d’eux. Ça peut paraître drastique, mais j’ai tellement vu ma mère souffrir. Moi, j’avais le choix », s’exclame la jeune femme, sans la moindre hésitation dans la voix.

Sept ans plus tard

Sept ans plus tard, Jennifer Gauthier ne fait qu’espérer que ses deux enfants Melian et Julien ne soient pas atteints de la mutation génétique tout comme elle.

« Ils ont une chance sur deux d’avoir le gène BRCA2 et on doit attendre leur majorité pour faire le test. Ils doivent donner leur consentement légal », explique-t-elle. Notons que pour son garçon, le gène pourrait faire en sorte qu’il développe un cancer de la prostate.

Quant à Jennifer, qui travaille comme archiviste médicale au centre de cancérologie de l’Hôtel-Dieu de Lévis, elle est toujours suivie en gynéco-oncologie question de tracer les marqueurs de développement du cancer des ovaires.

Elle s’est fait enlever les trompes de Fallope en 2018 et à 40 ans, elle aura le choix de se départir de ses ovaires.

« Si je me les fais enlever toute de suite, je deviendrai en ménopause. Je préfère donc attendre encore quelques années », rigole la Forestvilloise.

Pour ce qui est du cancer du sein, ses risques d’en développer un sont passés de 87 % à 0,5 % après la mastectomie préventive.

Raconter son histoire est une façon pour Jennifer Gauthier d’informer les autres femmes que « l’ablation des seins est une avenue possible, ce que les médecins ne précisent pas tout le temps ».

« Il faut s’informer sur les méthodes offertes et choisir celle qui nous convient le mieux », avise-t-elle. Si elle avait des conseils à donner aux futures patientes d’une mastectomie double, elle leur proposerait « d’être accompagnées en tout temps pour la première semaine, de se préparer des repas à l’avance, faciles à faire réchauffer, parce que le haut du corps est presque complètement invalide ».

Aujourd’hui, Jennifer réussit à voir le positif de son parcours de vie. « Mes enfants ont vécu beaucoup d’anxiété en raison de mes opérations et ils m’ont posé beaucoup de questions sur la mort. Grâce à ça, chez nous, la mort, ce n’est pas un sujet tabou. Maintenant âgés de 10 et 12 ans, ils comprennent que j’ai eu la chance que ma mère n’a pas eue parce que les recherches ne cessent d’évoluer. »

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