Le changement d’heure, une pratique révolue?

Par Julien-Pierre Desmeules-Paré 8:00 AM - 31 octobre 2020
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Le changement d’heure est à nos portes. En effet, c’est le dimanche 1er novembre à 2 h du matin que le changement d’heure s’effectuera. Le temps reculera d’une heure pour revenir à l’heure normale, aussi appelée l’heure solaire. Plusieurs associations demandent aux gouvernements d’arrêter cette pratique qu’ils disent responsable de nombreux accidents de travail ainsi que d’accidents cardiovasculaires.

Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent contre cette mesure jugée dépassée selon certains. Le docteur Joseph De Koninck, professeur émérite en psychologie à l’université d’Ottawa, y va des mêmes conclusions. « Le changement d’heure a pour effet la désynchronisation de notre horloge biologique », explique celui qui étudie les effets du sommeil et des rêves sur la santé physique et psychologique des individus depuis plus de 45 ans.

Les études sont unanimes. Le changement d’heure influence énormément l’équilibre de notre horloge biologique qui s’avère être très sensible aux changements de luminosité. Plusieurs fonctions de notre système sont inconscientes et directement reliées à la période d’exposition au soleil. Notre système digestif en est un bon exemple, car il se synchronise avec la lumière du jour et devient plus efficace lors des périodes de repas.

Notre température corporelle est également grandement influencée par la lumière. Notre corps atteint sa plus basse température le matin, aux environs de 4 h et se réchauffe progressivement durant l’avant-midi pour redescendre en début d’après-midi et finalement, atteindre la chaleur corporelle optimale vers 17 h.

M. De Koninck explique qu’à partir de ce moment, le corps se refroidit et se met en mode de préparation au sommeil. Vers 21 h, le moment est venu pour le corps de sécréter de la mélatonine, une hormone responsable de notre cycle de sommeil et qui est produite en forte concentration le soir.

Le simple fait de déplacer notre heure de sommeil est suffisant pour créer les effets négatifs du changement d’heure. D’ailleurs, le mot « jet lag » ou décalage social est utilisé pour parler des effets ressentis lorsque nous voyageons dans un autre fuseau horaire.

Les résultats de tout ce déséquilibre sont notamment une diminution de la concentration, une augmentation de la fatigue, la dépression et une augmentation des risques des maladies du cœur. Si les avis sont unanimes contre le changement d’heure, les experts ne s’entendent pas tous pour dire quelle heure devrait être priorisée, l’heure normale (solaire) ou l’heure avancée.

Et la COVID-19 dans tout ça?

Il est évident que si le corps subit une sorte de choc durant cette période, il est d’autant plus clair que ce choc sera grand alors que la deuxième vague de COVID-19 sévit au Québec. Selon le Dr De Koninck, il y a une augmentation marquée du stress chez les patients depuis le début de la pandémie, ce qui a pour effet une augmentation des mauvais rêves et un sommeil plus difficile.

Le télétravail, qui est devenu une pratique populaire, provoque la sédentarité et diminue l’exposition du soleil que l’on accumule simplement en se déplaçant pour aller travailler.

Il rappelle que des personnes peuvent avoir perdu des êtres chers dans les derniers mois à cause du virus et que l’état de choc post-traumatique est bien présent chez certains individus.

Le chercheur y va de quelques recommandations pour la population. Premièrement, il conseille de ne pas changer notre heure de sommeil. « C’est une bonne occasion d’en profiter pour réaligner votre sommeil et de rattraper une heure que les gens ont grandement besoin. Endormez-vous à la même heure qu’à votre habitude » dit-il. Le professeur émérite rappelle du même coup l’importance du sommeil sur la santé mentale pendant la crise qui afflige la population mondiale. Il conseille aussi de bouger et de sortir pour vous exposer à la lumière.

Finalement, un bon conseil cette année sera encore une fois de ne pas oublier de changer l’heure.

D’où vient le changement d’heure?

Il est intéressant de constater la raison pour laquelle le changement d’heure est une pratique répandue presque partout dans le monde. On trouve des traces du changement d’heure aussi loin qu’en 1780 alors que Benjamin Franklin était président des États-Unis.

Pour économiser sur les chandelles, les dirigeants ont réfléchi à un moyen de repousser la noirceur d’une heure. En allongeant la période de luminosité, la population évitait de brûler les chandelles, qui étaient le seul moyen d’affronter la noirceur dans les résidences de l’époque et évidemment, elles étaient beaucoup plus coûteuses et rares que de nos jours.

La tendance s’est perpétuée sur plusieurs générations alors que la population cherchait par la suite à économiser l’huile que l’on retrouvait dans les lampes. De nos jours, on parle plutôt d’économiser l’électricité en retardant l’heure d’utilisation des lumières.

Par effet collatéral, les agriculteurs ont également bénéficié de ces changements, leur permettant ainsi de repousser l’heure des vendanges.