Comptoirs d’impôt gratuits : l’APIC s’interroge sur les nouvelles mesures fédérales

Par Steeve Paradis 6:00 AM - 15 janvier 2021
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Le coordonnateur de l’APIC Côte-Nord, Frédéric Boudreault, a plusieurs interrogations à propos des nouvelles mesures d’aide d’Ottawa pour les organismes qui tiennent des comptoirs d’impôts gratuits.

L’Agence du revenu du Canada (ARC) vient d’annoncer de nouvelles mesures d’aide pour les organismes qui tiennent des comptoirs d’impôt gratuit, comme le fait l’Association de protection des intérêts des consommateurs (APIC) Côte-Nord pour la Manicouagan. Mais ces mesures viendront-elles vraiment en aide à l’APIC? L’organisme s’interroge.

En gros, ces mesures visent à verser 4 $ par déclaration de revenus remplie aux comptoirs d’impôt gratuits. Bon an mal an, comme l’APIC fait entre 1 000 et 1 100 déclarations de revenus par année, elle pourrait donc recevoir entre 4 000 et 4 400 $ avec les bonifications au Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt. Depuis 2019, l’organisme reçoit également 2 $ par déclaration de Revenu Québec.

« On a calculé chez nous que tout compris, ça nous revient à 22,43 $ par déclaration d’impôt. Avec 6 $, on est encore loin du compte, mais on n’offre pas ce genre de service pour faire de l’argent, mais plutôt parce que ça a une grande importance pour les personnes démunies », a lancé le coordonnateur de l’APIC, Frédéric Boudreault.

M. Boudreault, qui a appris de la bouche du représentant du Manic ces nouvelles mesures d’aide, avait toutefois certaines inquiétudes, à l’aune du peu de renseignements qu’il avait sous la main au moment de l’entrevue.

« Le fédéral semble mettre beaucoup d’importance sur la gratuité des services. Or, à l’APIC, on demande 10 $ pour une déclaration d’impôt, soit 5 $ pour le service et 5 $ pour devenir membre de l’association, ce qui représente de 10 000 à 11 000 $ par année. Si on nous empêche d’avoir ces 10 000 $ pour nous en donner 4 000 en retour, il y a de quoi s’interroger », fait-il valoir.

Les bénévoles

Le coordonnateur indique aussi que ça devient ardu de trouver des bénévoles pour remplir les déclarations de revenu. « Il y a de plus en plus de contraintes en provenance du fédéral, de sorte que ça rallonge et complexifie le processus pour dénicher des bénévoles », a-t-il soutenu en soulignant « qu’en moyenne au Canada, un bénévole fait 38 déclarations et à l’APIC, c’est 259 déclarations par bénévole ».

Évidemment, avec la crise de la COVID-19, les bénévoles qualifiés sont une denrée encore plus rare, au point où certains organismes sont forcés de revoir leur engagement.

« Avec la pandémie, beaucoup d’organismes ont eu la réflexion à savoir s’ils poursuivent dans le programme ou non et certains ont choisi d’arrêter. Le Centre d’action bénévole de Sept-Îles n’est d’ailleurs pas revenu dans le programme. Avec le conseil d’administration, on devra nous aussi avoir la même réflexion », a confié Frédéric Boudreault.

Une année encore compliquée à venir

L’APIC Côte-Nord n’est que l’une des nombreuses organisations dont les activités ont été perturbées par la pandémie en 2020. L’année qui vient de s’amorcer ne devrait pas être plus facile.

« L’an passé, nos activités ont été suspendues à peine trois jours après qu’on ait commencé à remplir les déclarations d’impôt en raison du confinement. Par la suite, il a fallu fonctionner sur rendez-vous, contrairement à d’habitude, avec désinfection après chaque personne et plexiglass », affirme le coordonnateur de l’organisme.

« Pour cette année, on est encore dans l’inconnu, mais ça va se faire encore sur rendez-vous, enchaîne-t-il. On ne peut pas, avec nos clientèles, faire ça à distance. Elles n’ont pas nécessairement d’Internet, de téléphone cellulaire ou de numériseur pour numériser leurs documents. Ce sont souvent des gens démunis. »

Selon Frédéric Boudreault, l’APIC ne fait pas seulement des déclarations de revenu, « on fait aussi beaucoup d’accompagnement et d’éducation, sans ça on ne ferait pas notre travail. Ils (les clients) ont vraiment besoin du contact en personne ».

Et cette année, en plus de la pandémie qui s’éternise, ceux et celles qui ont reçu des versements de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pourraient avoir une surprise. On se rappellera que les contribuables qui ont reçu de tels versements devront payer de l’impôt.

M. Boudreault croit que la clientèle de l’APIC, composée entre autres de personnes âgées ou de personnes souffrant de problèmes de santé mentale, risque de faire les frais de cette situation.

« Ce sera encore plus compliqué avec la PCU cette année. Certains, qui ne paient habituellement pas d’impôt mais qui devront peut-être en payer cette année, vont faire un saut. On s’attend à avoir beaucoup d’incompréhension de notre clientèle à ce chapitre », conclut-il.

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