Crabe des neiges: la précarité de stocks inquiète

Par Shirley Kennedy 12:00 PM - 23 mars 2021
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La mise à l’eau des bateaux de pêche est complétée. Ils sont prêts pour le largage des casiers le mercredi 24 mars. Le 25 ou 26 mars selon les conditions météo, le crabe des neiges sera disponible pour la vente au détail.

Ce mercredi avant le lever du soleil, les crabiers de la zone 17 largueront les casiers pour une seconde saison sur fond de pandémie qui s’annonce courte et particulièrement inquiétante pour certains. Disponible pour la vente au détail d’ici quelques jours, le crabe se vendra à prix d’or. D’autant plus que la ferveur des amateurs du précieux crustacé n’a d’égale que la baisse notable des stocks et la perte d’habitat de la ressource.

Alors qu’une baisse substantielle de 43 % a été encaissée par l’industrie en 2020, s’ajoute un 5 % supplémentaire cette année dans la zone 17 qui concerne le secteur de Trois-Pistoles au Bas-Saint-Laurent, jusqu’à Rivière-à-Claude en Gaspésie, et des Escoumins jusqu’à Pointe-des-Monts pour la rive nord du Saint-Laurent.

Une situation de plus en plus préoccupante tel que le partage Pierre Léonard, coordonnateur des pêches de la Première Nation des Innus Essipit. « Je me questionne beaucoup sur la température des eaux qui sont relativement chaudes. On perd de l’habitat chaque année », révèle-t-il, ajoutant que ce phénomène lié aux changements climatiques doit être pris au sérieux.

Le réchauffement climatique n’est pas le seul écueil qui inquiète les chercheurs et les industriels de la pêche au crabe des neiges. « L’absence de glace pose un réel problème » ajoute le porte-parole d’Essipit en matière de pêche commerciale.

Ce dernier cite Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique, qui est lui aussi préoccupé par la précarité de différentes espèces dont le crabe des neiges.

Selon le scientifique, les eaux du golfe du Saint-Laurent sont restées largement au-dessus du point de congélation cet hiver, alors qu’habituellement, elles se refroidissent très près du point de congélation avant de réchauffer la surface au printemps, ce qui a pour effet de créer une couche intermédiaire froide qui constitue l’habitat du crabe des neiges.

Éventuellement, la température de l’eau risque de s’approcher du seuil de tolérance du crabe qui est de 3 degrés Celsius.

Pierre Léonard, coordonnateur des pêches de la Première Nation des Innus Essipit. Photo : Courtoisie

À l’image des inventaires du crabe des neiges, les données se font de plus en rares en raison de la pandémie qui a freiné la collecte des experts en 2020.

« L’équipe de Biorex n’a pu embarquer sur les bateaux l’an dernier, donc les seules données que nous avons reçues sont celles de la pêche post-saison qui est financée par les pêcheurs », précise M. Léonard.

La prudence sera préconisée auprès de la flotte de 21 pêcheurs traditionnels et la vingtaine de pêcheurs non traditionnels qui œuvrent dans le secteur.

Bien qu’il déplore la pénurie de données, Pierre Léonard avance que la présence d’observateurs est trop risquée et pourrait compromettre la saison des pêcheurs pour qui le mois d’avril est crucial.

« Les gens de Biorex voyagent et malgré le protocole, je crois qu’il serait préférable de ne pas risquer de contaminer un équipage en début de saison. L’apparition des variants de la COVID-19 jumelée au fait que les équipages ne sont pas vaccinés pourrait mettre toute l’industrie en péril », prévient-il, espérant que les scientifiques puissent accéder aux navires plus tard en saison.

Tandis que l’inventaire du marché américain est presque nul en raison de la demande excessive, l’industrie locale se désole de ne pouvoir privilégier les consommateurs d’ici.

« Nous peinons à fournir le marché américain et nous sommes assujettis au marché de l’exportation dans nos marchés locaux. Puisque la zone 17 est la première zone à ouvrir dans le secteur, il sera impossible de répondre à la demande au Québec lors de la semaine qui précède Pâques », explique Pierre Léonard.

Au moment d’aller sous presse, il était impossible de connaître la teneur de la hausse du prix appréhendée. « Le prix sera malheureusement assez dur à prendre pour le consommateur », prévient Pierre Léonard.

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