Quel bonheur d’avoir assisté au plus récent spectacle de Louis-Jean Cormier au Centre des arts de Baie-Comeau le 17 avril! Après plus d’une année sans pouvoir voir un seul spectacle, j’ai eu la chance de déguster un festin musical qui m’a redonné l’envie de chanter, à travers mon masque; de bouger mes pieds et mes mains, tout en étant bien calé dans mon siège et de profiter pleinement de l’instant présent, malgré les grandes incertitudes que nous vivons depuis le début de la pandémie. Oui, en ces moments de ras-le-bol généralisé, ça m’a fait du bien!
Cela dit, dans ce spectacle, qui était peut-être notre dernier étant donné les mesures sanitaires changeantes, il y avait un petit quelque chose de philosophique en lien avec ma Côte-Nord. Je parle d’un retour aux sources éphémère. J’ai vécu une expérience unique qui m’a fait prendre conscience des grands espaces que nous avons ici en région.
On pouvait le sentir dans les chansons de Louis-Jean, des chansons tirées de son nouvel album Le ciel est au plancher. En fait, j’avais l’impression de partir en road trip, de parcourir des kilomètres sur la 138 (c’est aussi le titre d’une des chansons de l’album) avec la musique dans le tapis. Les paroles et les mélodies m’ont fait voyager d’un bout à l’autre de la Côte-Nord en l’espace d’un petit deux heures.
Oui, j’ai vécu une expérience riche en émotions de toutes sortes, un bain de nostalgie et de fantaisie, et assisté à des moments forts, parfois même loufoques. Je me rappelle un moment en particulier : Louis-Jean s’est permis de reprendre quelques-unes de ses chansons un peu à la Gregory Charles, c’est-à-dire sans même connaître à l’avance la prochaine chanson.
Tout allait bien jusqu’à ce que, coup de théâtre, il ait un trou de mémoire : il avait oublié quelques paroles de sa propre chanson, ce qui peut arriver à n’importe qui dans de pareilles circonstances. C’est un moment impromptu qui m’a ouvert les yeux, et peut-être ceux d’autres spectateurs, sur l’oubli. Cet instant à la fois surprenant et agréable où une personne, dont la mémoire n’a pas l’habitude d’oublier, acceptait de ne pas se laisser prendre au jeu de la perfection.
Ç’a été un moment que j’ai adoré puisque je me suis demandé s’il en est ainsi pour nous tous quand nous vivons des moments d’oubli. Autrement dit, acceptons-nous de voir les choses différemment quand nous réalisons que nous n’avons aucun contrôle sur certains aspects de la vie comme le fait d’oublier les paroles d’une chanson que nous connaissons pourtant depuis belle lurette?
Dans cette histoire, il semble que le fait d’oublier nous libère d’un grand stress et nous force à lâcher prise sur ce que nous ne contrôlons pas. En vérité, ce court moment d’oubli m’a fait le plus grand bien.
Oui, pour un instant, j’ai oublié que je portais un masque et que j’étais confiné dans mon siège, le corps dans une salle de spectacle à Baie-Comeau un beau samedi après-midi et l’esprit voyageur entrainé par le rythme musical de Louis-Jean Cormier. C’est un spectacle qui m’a fait vivre la joie d’oublier.
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