La coupe forestière durant la chasse divise

Par Steeve Paradis 6:00 AM - 2 juin 2021
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Faire cohabiter chasseurs et industries forestières sur le même territoire, c’est un tour de force que bien des gestionnaires de zones d’exploitation contrôlée (ZEC) tentent d’accomplir à chaque année. Les responsables de la ZEC Labrieville et ceux de l’entreprise Boisaco ne sont toutefois pas parvenus à réaliser l’exploit pour 2022, de sorte qu’amants de la chasse et travailleurs forestiers risquent de se croiser lors de la deuxième semaine de chasse à l’orignal.

D’entrée de jeu, il faut savoir que le ministère des Forêts, de la Faune et de Parcs (MFFP), responsable à la fois de la chasse et de la coupe forestière, n’émet pas de restrictions de récolte forestière durant la chasse. Les industriels forestiers ont plutôt la responsabilité de convenir, avec les autres utilisateurs du milieu, d’une « harmonisation opérationnelle des périodes de travaux pour la récolte forestière », selon les termes du ministère.

Cette bonne entente entre la ZEC Labrieville et Boisaco vient toutefois d’être mise à mal récemment lorsque l’entreprise forestière a signifié qu’elle entendait faire de la coupe dans le secteur Joe durant la chasse en 2022.
La ZEC a clairement signifié qu’elle ne le voulait pas, mais comme elle en a le droit, la compagnie a utilisé le mécanisme de règlement de différends, où elle a obtenu en bonne partie raison. Boisaco pourra ainsi couper sur ce territoire durant la deuxième semaine de chasse à l’orignal en 2022, mais il n’y aura pas de transport de bois durant cette période.

« Pour nous, c’est toute une douche d’eau froide. On a pourtant toujours entretenu d’excellents liens avec Boisaco », lance d’entrée de jeu Laurier Goulet, président de la ZEC Labrieville. « Des chasseurs vont là depuis des années. Les tensions peuvent devenir assez vives, car il va y avoir des chasseurs quand même (durant la coupe), même si certains ont déjà annulé leur réservation. »

Règlement de différends

Aux yeux de M. Goulet, les dés sont pipés quand un industriel forestier et un autre utilisateur de la forêt doivent utiliser le processus de règlement de différends du ministère. « C’est un comité de trois personnes et les trois sont dans le domaine de la foresterie. Il n’y a aucun représentant de la faune, tout va aux forestières », déplore-t-il en y voyant « une espèce de laxisme de la part du ministère ».

Dans des documents dont Le Manic a obtenu copie, on lit en effet que le 1er avril, le MFFP a proposé une solution aux deux parties, solution rejetée par la ZEC. En deuxième instance, le ministère a donné raison à la compagnie, avec les restrictions sur le transport mentionnées plus haut.

Pour le président de la ZEC, le fait de ne pas procéder à des opérations en forêt durant la chasse « était une sorte de règlement moral, qui existe depuis toujours ». Mais comme cette supposée règle n’en est pas vraiment une, « on veut que le ministère interdise la coupe de bois durant les deux semaines de chasse à l’orignal ».

La Fédération québécoise des gestionnaires de zecs a d’ailleurs déposé un mémoire en ce sens au gouvernement lors des travaux en commission parlementaire sur le projet de loi 88, modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.

Un non-sens

« Pour Zecs Québec, il est inconcevable que certaines opérations forestières puissent avoir lieu sur une parcelle de territoire en même temps qu’une période de chasse. C’est un non-sens. Plusieurs demandes de règlements de différends ont été portées à l’intention du ministère par l’industrie forestière afin d’opérer pendant les 2 semaines de chasse », soutient la fédération dans son mémoire. La situation à la ZEC Labrieville y est nommément évoquée.

« La position de Zecs Québec ne peut pas être plus claire : il ne peut y avoir d’harmonisation possible concernant la réalisation d’opérations forestières en période de chasse à l’orignal. Pour Zecs Québec, il en va de la survie des zecs », poursuit le mémoire.

En conclusion, Laurier Goulet dit croire que le marché actuel du bois d’œuvre, plutôt élevé, joue en défaveur des utilisateurs de la forêt qui ne sont pas des industriels forestiers. « On n’est pas fous, on voit bien qu’avec le prix du bois qui explose, on comprend que les compagnies veulent couper. »

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