« Nous réclamons le mieux-être pour tous! »

Par Sylvain Turcotte 6:00 AM - 21 juin 2021
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Marjolaine Tshernish, une femme fière de ses valeurs et de sa contribution professionnelle à l’essor de sa communauté de Uashat mak Mani-utenam.

21 juin, la Journée nationale des peuples autochtones. Une journée pour qu’ils puissent démontrer encore plus leur résilience, particulièrement avec les événements vécus, déplorés, pleurés. Une journée pour qu’ils puissent davantage prendre leur place dans la société. Marjolaine Tshernish, directrice générale de l’Institut Tshakapesh, une fière femme autochtone, nous partage l’importance de cette journée.

Que revêt la Journée des peuples autochtones dans un contexte de normalité?
Comme le mentionne la proclamation de 1996, cette journée souligne et reconnaît les diverses cultures des premiers peuples, et vise à reconnaître la contribution remarquable, passée et à venir, à la société canadienne. C’est la 25e édition cette année.

Le 21 juin, c’est l’occasion de célébrer notre résilience et notre présence plus que jamais. Surtout, une opportunité d’exprimer notre fierté identitaire et notre solidarité, de valoriser notre langue et notre culture, l’innu-aimun et l’innu-aitun, de les partager de différentes façons, et dans toutes les communautés.

Dans le contexte actuel avec les événements liés à Joyce Echaquan et Kamloops, que représentera cette journée?

Ces récents événements ont ébranlé plusieurs familles, communautés et leurs membres. Surtout, ils ont ravivé la douleur, les souvenirs, l’incompréhension. Certains membres de notre communauté se sont même exprimés sur ces vives émotions revenues à la surface.

On ne s’imagine pas les impacts qui se perpétuent, et encore. Le raciste systémique est bien réel, présent et représente un enjeu d’une telle envergure que nous allons devoir tous contribuer à les résoudre.

Nous vivons la discrimination, le regard des autres, les préjugés; un allochtone, la majorité, peut difficilement mesurer l’ampleur et les conséquences du racisme et de la discrimination puisqu’il n’y sera pas confronté de façon continue sur toute une vie.

Nous, les Premières Nations, le vivons depuis notre enfance, témoins des injustices envers nos parents et notre communauté. On développe des réflexes, des réactions automatiques, involontaires et immédiates face à une société méconnaissante, voire indifférente.

Nous sommes passés du statut d’individus qui agissaient sur des valeurs et des normes du milieu duquel on était en marge de la société avant les Pensionnats, à ceux qui subissaient comme étant des êtres humains qu’on devait transformer pour répondre à l’image de la société dominante. Aujourd’hui, il y a un glissement, on observe sur les réseaux sociaux une proportion grandissante de groupes minoritaires qui occupent ces espaces pour joindre leurs voix, se rendre visibles et dénoncer les injustices vécues.

Suite à ce contexte historique, cette marginalité qui en est ressorti a transformé notre société de résistance et d’action réclamant une plus grande inclusion, un plus grand respect.

Nous voulons que la lumière soit faite sur les plusieurs événements, mais aussi que cesse une bonne fois pour toutes la discrimination. Nous réclamons le mieux-être pour tous!

Quel message doit être livré cette année?

Nous constatons une honte collective depuis la récente et macabre découverte des dépouilles sur le site de cet ancien pensionnat, mais oserons-nous dire qu’on doit retenir que nous avons besoin de compréhension, de compassion, puisqu’il s’agit définitivement d’une occasion à saisir afin de rétablir les faits, de sensibiliser les sociétés à l’histoire, à nos traditions, à nos cultures et à nos richesses en tant que premier peuple et à notre apport. Il faut abolir les préjugés qui perdurent, créer et consolider des liens avec les communautés avoisinantes.

Femme de valeurs et de traditions

Marjolaine Tshernish est née à Mani-utenam et elle y vit encore. Elle se dit fière d’être innue avec toutes les valeurs et traditions propres à son peuple.

« J’affirme mon identité avec toute l’authenticité de ma famille, surtout ma mère et ma grand-mère », mentionne-t-elle.

Ses fiertés, ce sont celles de parler sa langue maternelle, de vivre sa culture et de contribuer professionnellement à l’essor de sa communauté de Uashat mak Mani-utenam, mais aussi de sa nation.

Marjolaine Tshernish occupe d’ailleurs le poste de directrice générale de l’Institut Tshakapesh, lieu de savoir et de transmission pour la langue et la culture innue, mais aussi pour l’éducation.

Valeurs et traditions

Elle s’identifie aussi aux valeurs propres à la nation innue; le partage, la fierté, l’entraide, la famille, le respect et l’interdépendance. Elles lui ont été transmises par sa famille et ce sont ces valeurs qui guident ses pas.

La mère d’un garçon âgé de 22 ans, qui vole de ses propres ailes, sait aussi l’importance de la femme au sein de la famille. C’est celle qui voit à la préservation de la langue. « Elle est la chef de la famille. Sa voix et ses décisions sont considérées », soutient-elle.

Marjolaine Tshernish souhaite aussi que les traditions se poursuivent, qu’elles soient transmises de génération en génération, que la place importante que doivent occuper les aînés demeure.

Les traditions, ce sont « les richesses de la culture, les légendes et les récits », souligne-t-elle.

Parmi elles, celle du respect de l’animal, pour toutes ses parties. Il y a la viande, mais aussi ce qui pourra être fait de la peau et du reste : mocassins, artisanat et même des médicaments.

L’Innue parle aussi de sa réussite à vivre et à suivre les codes des deux sociétés, « la mienne et celle de la société dominante. Je suis instruite et je parle une des deux langues officielles ».

« Vous savez, nous avons beaucoup plus de normes et de codes à connaître et à suivre nous les Premières nations. Les vôtres et les nôtres. Je crois que bientôt, nous serons un modèle à suivre et quelque chose de fort ressortira de notre parcours. Nous sommes déjà un modèle pour plusieurs domaines, l’importance de la place de nos aînés, notre respect et nos liens envers l’environnement, la justice réparatrice et le maintien de nos traditions », a-t-elle conclu.

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