La situation de la Côte-Nord vue par une experte

Par Emy-Jane Déry 9:00 AM - 3 septembre 2021
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Isabelle Brabant. Photo Facebook

Isabelle Brabant est reconnue comme étant une sommité dans l’univers des sages-femmes au Québec. Elle est l’auteur du livre Une naissance heureuse, que plusieurs mamans ont utilisé pour bien s’informer, faute d’accès à des services plus naturels sur la Côte-Nord.

Le métier de sage-femme est reconnu officiellement au Québec depuis seulement une vingtaine d’années. Isabelle Brabant était des premières cohortes issues de projets pilotes dans les années 90.

« Ça ne demande pas la même chose pour accompagner une femme qui accouche que pour opérer un cancer de l’utérus », lance-t-elle pour expliquer sa profession.

Les sages-femmes étudient spécifiquement les naissances durant quatre années d’université. Elles sont donc spécialisées dans cet aspect, contrairement aux médecins ou gynécologues dont les professions couvrent différentes problématiques.

« C’est unique dans toute la médecine. C’est-à-dire, qu’un cardiologue comprend très bien comment fonctionne un cœur qui va bien, mais un gynécologue ne comprend pas très bien comment ça fonctionne un accouchement où on n’a pas besoin de lui », illustre-t-elle.

« Et on le comprend, car au départ, la spécialité s’est développée autour de : on fait appel au médecin quand ça ne va pas bien », explique Mme Brabant, qui rappelle qu’à une certaine époque pas si lointaine, les femmes accouchaient à la maison et le médecin était seulement appelé en cas de problème.

Les hormones

L’experte explique que les hormones ont un grand rôle à jouer durant les accouchements. Plus la femme est dans un environnement rassurant, plus elles feront leur travail adéquatement.

En général, ce sont 90% des naissances qui se déroulent sans grave problématique. Isabelle Brabant met toutefois un bémol à cette donnée.

« Plus tu demandes aux femmes d’accoucher sans intimité dans un environnement qui n’amène pas au degré d’intimité que ça prend pour pouvoir se laisser aller au travail des hormones, plus les hormones ne fonctionnent pas bien et on se retrouve avec un taux de complication qui est plus élevé », explique Mme Brabant.  

Une réalité de distance

Sur la Côte-Nord, la réalité du grand territoire mène justement plusieurs femmes notamment de la Minganie et de la Basse-Côte-Nord, à devoir sortir de leur environnement pendant parfois plusieurs semaines pour aller accoucher à l’hôpital de Sept-Îles.

« Ce n’est pas quelque chose qui est serein », affirme la sage-femme. « S’il y a d’autres enfants, ils restent seuls ailleurs, ça crée de l’inquiétude pour la mère qui se demande comment ça se passe pour lui », illustre-t-elle.

Dans ce contexte, certaines femmes se retrouvent même privées de la présence de leur conjoint, ce qui ajoute aux difficultés.

« Je pense qu’il faut se questionner sur qu’est-ce qui pourrait être mis en place, qui nous rapprocherait de quelque chose qui pourrait être mieux vécu par les femmes de la Côte-Nord », dit Mme Brabant.

Elle pense notamment à un service d’accompagnement, soit la présence de doulas.

« Au moins, qu’elles ne soient pas seules là-dedans, qu’elles aient un guide dans tout ça.»

Ultimement, pour remédier à l’absence de sages-femmes sur la Côte-Nord, Mme Brabant croit qu’il faudra intéresser directement des Nord-Côtières au métier.

« C’est un travail extraordinaire, j’y ai consacré ma vie, mais c’est aussi exigeant. On ne donnera pas le goût d’aller faire la formation juste avec une prime ou un prix à gagner. Il faut que ce soit un travail qui nous passionne, qui nous inspire. »

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