Maladies professionnelles : le long combat de Claire Tremblay pour son père

Par Charlotte Paquet 6:00 AM - 20 octobre 2021
Temps de lecture :

Denis Tremblay, un retraité de l’aluminerie Alcoa, a combattu deux cancers du poumon et un cancer de la vessie en trois ans. Sa fille Claire s’est battue pour les faire reconnaître comme maladies professionnelles par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Photos courtoisie

Le long combat de Claire Tremblay pour faire reconnaître comme maladies professionnelles les deux cancers du poumon et le cancer de la vessie de son père, un retraité de l’aluminerie Alcoa, vient de se terminer. Pour elle, l’heure est venue de partager son expérience, histoire d’allumer des lanternes peut-être.

« Mon objectif, c’est de faire connaître la possibilité qu’ont les malades, les gens qui ont le cancer du poumon ou de la vessie et qui ont travaillé dans une aluminerie, de faire reconnaître ça comme une maladie professionnelle. C’est de faire circuler l’information », précise la Baie-Comoise, en insistant sur le fait qu’il ne s’agit aucunement d’une croisade contre Alcoa.

Au gré de ses conversations avec des gens de la Manicouagan depuis le début des procédures à titre de représentante de son père, Denis Tremblay, en janvier 2019, la dame affirme avoir réalisé jusqu’à quel point le dossier des maladies, professionnelles dans l’industrie de l’aluminium était peu connu. Elle a décidé de faire sa part pour y remédier.

« Si je réussis à toucher juste une, deux ou trois personnes, pour moi, ce sera une très belle satisfaction », assure-t-elle.

L’histoire

Denis Tremblay a 82 ans. Retraité d’Alcoa (à l’époque la Société canadienne de métaux Reynolds) en 1999 après 30 ans de service, il est retourné vivre dans sa région d’origine, le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

En août 2016, un premier cancer au poumon gauche le frappe. En novembre 2018, un nouveau cancer, à la vessie celui-là, est diagnostiqué. Dix mois plus tard, donc après que sa fille ait lancé ses démarches, il doit combattre un troisième cancer, localisé au poumon gauche.

C’est par le plus grand des hasards et par un ancien collègue de son père croisé dans un centre commercial de Baie-Comeau que Claire Tremblay apprend les liens possibles entre les cancers de son paternel et son travail à l’aluminerie en raison de son exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Faut-il rappeler que du début de la production d’aluminium à Baie-Comeau en 1957 jusqu’à la fin des années 80, des HAP provenant des cuves de la technologie Soderberg étaient rejetés dans l’environnement.

« À mon retour à la maison (après la rencontre de l’ancien collègue), je me suis mise à chercher sur la Toile des informations qui pourraient m’aider à me lancer dans cette aventure. J’ai mis la main sur une présentation de la FTQ, un colloque en santé et sécurité au travail, tenu à Trois-Rivières le 15 octobre 2015 », explique Mme Tremblay. Et c’était parti pour de longues et dures démarches.

Les conclusions

La Commission des normes de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a reconnu comme maladie professionnelle la perte significative de la capacité pulmonaire de M. Tremblay découlant de ses deux cancers du poumon. Il a reçu une compensation financière tenant compte de sa perte et de son âge, comme c’est toujours le cas.

Pour le cancer de la vessie, ç’a été une autre histoire. La CNESST a refusé de le reconnaître comme maladie professionnelle. Il en fallait plus pour décourager Claire Tremblay, qui a poursuivi ses démarches.

Une date de comparution devant le Tribunal administratif du travail (TAT) a été fixée pour le 23 juin 2021 afin de lui permettre de défendre son dossier. À un mois d’avis, Alcoa a accepté de négocier une compensation avec Mme Tremblay et une conciliatrice du TAT. En août, les parties ont conclu une entente, dont le montant est gardé confidentiel.

Fait à noter, le délai prescrit pour déposer une demande de réclamation à la CNESST est normalement de six mois après le diagnostic de la maladie. Dans le cas de M. Tremblay, il se sera écoulé deux ans et demi entre les deux, mais une lettre de son médecin traitant a permis de justifier la situation, notamment en raison de sa dépression profonde après le premier cancer.

Galerie photo

Partager cet article