« Les gens sont poussés à l’extrême limite jusqu’à l’abandon »

Par Charlotte Paquet 7:00 AM - 20 octobre 2021
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Beaucoup de gens abandonnent en raison des procédures, déplore Claire Tremblay.

En se faisant le porte-voix de son père de 82 ans dans trois dossiers de réclamation pour maladies professionnelles auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), Claire Tremblay a réalisé jusqu’à quel point se battre pour obtenir gain de cause exige du temps, de l’énergie et de la patience. Aujourd’hui, elle compatit plus que jamais avec les personnes malades qui se lancent là-dedans sans trop de soutien.

« Beaucoup de gens abandonnent en raison des procédures. Ce que je trouve déplorable, c’est que les gens sont poussés à l’extrême limite jusqu’à l’abandon », indique celle qui n’a jamais lancé la serviette pour son père Denis. « Je pense que quelqu’un qui est malade n’a pas l’énergie pour ça. »

Démarches incalculables et « procédurites » à profusion ont marqué ses deux dernières années et demie de combat. À la retraite d’un emploi où elle jonglait avec d’importants contrats, Mme Tremblay se dit consciente des atouts qu’elle avait dans sa manche..

Le syndicat

Autre constat de la dame, le Syndicat national de l’aluminium de Baie-Comeau (CSN) n’a guère pu l’aider, ce que son président Michel Desbiens ne nie pas. Comme il l’a expliqué, jusqu’à il y a une dizaine d’années, le service juridique de la CSN soutenait les travailleurs actifs et retraités de l’aluminerie pour le respect de leurs droits devant la CNESST. Aujourd’hui, c’est du cas par cas avec les retraités.

« On n’est pas d’accord de ne pas s’occuper des retraités. Nous, on veut s’occuper de nos retraités », martèle le président, qui dit passer régulièrement son message aux hautes instances de la CSN.

En entrevue avec Le Manic, la présidente nationale de la CSN, Caroline Senneville, précise d’entrée de jeu que la CSN est la seule centrale syndicale à offrir un service dédié à la défense de ses membres devant la CNESST. Le changement d’orientation au fil des ans a été une décision des membres.

« C’est un choix qu’on a dû faire, car les contestations explosaient du côté de la CSN. C’est une question de priorités de services aux membres et de sous. C’est des choix difficiles qu’on fait collectivement, mais à un moment donné, c’est les gens actifs qui paient des cotisations syndicales. »

Le monde médical

Enfin, dans le bilan que tire Claire Tremblay de son expérience, il y a la façon de faire du monde médical qui l’interpelle au plus haut point : « Je me demande pour quelle raison, lorsqu’un patient reçoit un diagnostic de cancer du poumon ou de la vessie et que c’est un travailleur actif ou retraité d’aluminerie, on ne l’informe pas que ce pourrait être reconnu comme lésion professionnelle ».

Évidemment, Claire Tremblay ne peut présumer de rien, mais il n’en reste pas moins que son père a reçu son diagnostic dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, où des alumineries sont présentes, et son médecin n’a jamais abordé le lien possible entre ses cancers et son travail chez Alcoa. « Et je suis sincèrement convaincue que bien d’autres n’en ont jamais entendu parler non plus. »

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