Scandium et aluminium, un mariage prometteur pour Baie-Comeau?

Par Charlotte Paquet 6:00 AM - 23 décembre 2021
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Le Groupe minier Impérial étudie la possibilité d’exploiter son gisement de scandium situé à 220 km à l’est de Schefferville. Il a Baie-Comeau dans sa mire pour la transformation du minerai et la production d’alliages avec l’aluminium. Courtoisie Wikimedia Commons

Le développement de produits d’alliage scandium et scandium-aluminium pourrait-il permettre au Groupe minier Impérial d’approvisionner le marché nord-américain à partir de son gisement sur la Côte-Nord, à Alcoa de pénétrer un nouveau marché très prometteur et à la ville de Baie-Comeau de diversifier son économie sur le plan industriel et technologique?

Une étude de marché internationale du scandium, un minerai critique et stratégique, a été lancée au cours de l’automne. Attendus d’ici à la fin du premier trimestre de 2022, les résultats seront intégrés à l’étude préliminaire économique réalisée par la firme WSP pour le compte de l’entreprise montréalaise.

Cette dernière vient de dévoiler les grandes lignes de son étude de marché, réalisée grâce à des aides financières totalisant 100 700 $, soit 50 700 $ d’Investissement Québec et 50 000 $ du Fonds d’actions entrepreneuriales d’Innovation et Développement (ID) Manicouagan.

« Les résultats de l’étude seront un apport important à l’étude préliminaire économique et quantifieront l’important potentiel de croissance du marché mondial des produits en alliage de scandium une fois que notre exploitation de Crater Lake sera mise en service », a indiqué Peter J. Cashin, président et chef de la direction de Groupe minier Impérial, en faisant référence au gisement situé dans les limites de la MRC de Caniapiscau.

L’étude doit aussi cerner les avantages économiques et stratégiques apportés par une chaîne d’approvisionnement durable en scandium pour le Québec et son industrie de l’aluminium. Il est notamment question de « l’impact économique de l’écosystème de l’aluminium à Baie-Comeau ».

« Ce qu’on a l’intention de produire à Baie-Comeau dans une usine d’alliage, c’est des alliages avec 2 % de scandium et 98 % d’aluminium », a ensuite précisé le grand patron d’Impérial au bout du fil, en ajoutant que « le marché est mondial ».

D’après lui, la zone industrialo-portuaire de Baie-Comeau représente un choix idéal pour transformer le minerai et fabriquer les alliages. Ses principaux avantages sont la disponibilité d’hydroélectricité verte à faible coût, le port en eau profonde et l’expertise de la main-d’œuvre dans le secteur de l’aluminium. Il a aussi rappelé que « Baie-Comeau est au bout de notre propriété, à 700 km à vol d’oiseau ».

Bien positionnée

Le directeur du développement industriel chez ID Manicouagan, Guy Simard, abonde dans le même sens au sujet des avantages stratégiques de Baie-Comeau. Selon lui, la ville est très bien positionnée pour répondre aux besoins de producteurs de métaux alliés, non seulement par la présence de l’aluminerie Alcoa, mais aussi de sa fonderie à valeur ajoutée pour l’industrie automobile nord-américaine.

« On aimerait ça. Ça rentre dans notre vision de développer notre filière de métallurgie verte à Baie-Comeau », indique M. Simard, en référence au projet dans les cartons du Groupe minier Impérial.

« On pense que ce projet-là fait du sens pour deux stratégies importantes du gouvernement du Québec », ajoute-t-il en référence à la stratégie québécoise de développement de l’aluminium et au plan d’action pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques.

Le projet est prometteur pour Alcoa, avance le directeur du développement industriel. « Moi, j’y crois beaucoup à l’alliage aluminium-scandium. Avec très peu de scandium, on améliore les propriétés de l’aluminium », assure-t-il, en parlant de sa résistance.

L’oxyde de scandium permet notamment d’améliorer les performances des piles à combustible solide, tandis que les alliages scandium-aluminium sont prisés dans les secteurs de l’automobile et de la défense, entre autres.

Le maillage stratégique avec l’aluminerie sourit au maire

(CP) S’il y en a un qui se croise les doigts pour que le projet du Groupe minier Impérial chemine vers sa concrétisation, c’est bien le maire de Baie-Comeau, Yves Montigny.

« À Baie-Comeau, on a du terrain, Alcoa est à côté et on a de l’énergie à profusion. Clairement, c’est normal que ça intéresse des entreprises », réagit l’élu.

Bien que le projet vienne à peine d’être rendu public, ce n’est pas d’hier que la Ville et l’entreprise montréalaise sont en discussion. « C’est un projet qui se regarde depuis un bout », selon M. Montigny. Les premiers pourparlers remontent à 2018.

Pour lui, le grand intérêt dans la fabrication d’alliages scandium-aluminium à Baie-Comeau, c’est évidemment le maillage stratégique à portée de main avec l’aluminerie Alcoa.

Enfin, interpellé quant aux similitudes entre le projet du Groupe minier Impérial et celui de la minière Mason Graphite, générateur de grande déception dans la Manicouagan, Yves Montigny a d’abord rappelé que le scandium est déjà un produit dans la mire de Rio Tinto, qui a lancé une usine pilote de production d’oxyde de scandium en juin 2021 à Sorel-Tracy.

Puis, le maire a eu ces paroles : « Il faut lancer au but à plusieurs reprises si on veut compter et marquer des points. »

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