Qui voudra rééditer l’exploit du colonel McCormick?

Par Raphaël Hovington 10:47 AM - 7 janvier 2022
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Pour notre chroniqueur, il faut pratiquement espérer un miracle pour voir la relance de l’usine de papier journal de Résolu à Baie-Comeau.

L’usine de Résolu va passer l’hiver au « frette », sans chauffage, ce qui inquiète grandement le Comité de relance de ce complexe industriel que la papetière Produits Forestiers Résolu a fermé en mars 2020. Le porte-parole de PFR n’est pas de cet avis, même que les tuyaux ont été vidés pour éviter qu’ils ne gèlent ou n’éclatent durant la saison froide.

Résolu continue de payer des taxes sur sa propriété et ses équipements, mais cela fond comme peau de chagrin depuis la vente de sa participation dans la Compagnie hydroélectrique Manicouagan en 2009. Quelques années plus tard, l’ex-maire Claude Martel effectuait une sortie sur la place publique soutenant que PFR et le gouvernement du Québec avaient une « dette morale » envers la Côte-Nord et, plus particulièrement, envers Baie-Comeau.

Et pour cause, la papetière engrangeait un pactole de 615 millions de dollars pour résoudre ses propres ennuis financiers tandis qu’Hydro-Québec devenait l’actionnaire majoritaire du complexe hydroélectrique du colonel McCormick.

Ce barrage s’est avéré être une véritable petite mine d’or, en contribuant au développement de Baie-Comeau et de sa banlieue depuis le début des années cinquante. Sa vente aura entraîné une perte de revenus de taxes estimés à 1,7 M $ par année car, c’est bien connu, les barrages d’Hydro-Québec ne sont pas taxés. Pour les gens d’ici, c’était un choix qui la privait d’un formidable levier de développement économique.

Et là, ça continue. Pour le prochain exercice, la Ville de Baie-Comeau devra faire le deuil d’environ 170 000 $ par année de revenus de taxes. Pire encore, elle ignore ce qu’il adviendra de l’usine qui lui a donné naissance en 1937. La mondialisation de l’économie, ayant entraîné un détachement d’appartenance et d’esprit fondateur, comme dirait Mgr Napoléon-Alexandre Labrie s’il était encore de ce monde, jumelée au déclin progressif de la presse écrite n’augure rien de bon pour l’avenir de l’usine de Baie-Comeau.

Si le colonel McCormick a payé des primes d’un quart de million de dollars pour devancer la mise en marche de la machine numéro 1, survenue le 24 décembre 1937, soit presque deux mois avant la date prévue, quel miracle faudrait-il accomplir aujourd’hui pour relancer cet audacieux  complexe industriel qui a permis à la Côte-Nord de s’industrialiser?

Le comité de relance garde espoir, mais je présume que ni le préfet Marcel Furlong, ni le maire Yves Montigny, n’entretiennent trop d’illusions quant au sort de l’usine. Le journaliste Guillaume Roy, du Maître papetier, qualifiait de « mitigés » les espoirs pour la relance de l’usine de Baie-Comeau, en avril 2021, un an après la fermeture qui depuis a occasionné la rupture des liens d’emploi de la grande majorité des travailleurs en poste chez Résolu à Baie-Comeau.

Qu’adviendra-t-il de l’usine? Résolu détient la réponse à cette question mais ce géant est-il vraiment intéressé de poursuivre ses activités à Baie-Comeau alors qu’il est déjà très diversifié au pays et dans le monde. Quand on pèse 2,8 milliards de dollars, est-on vraiment enclin à vouloir conserver un complexe qui n’en vaut plus que 36 M?.

Dans son bilan de fin d’année, le député de René-Lévesque Martin Ouellet n’a pu cacher son impatience, ni sa déception. Il veut que Résolu règle le problème. En réaction, le porte-parole de Résolu s’est fait rassurant. Il a même déclaré au préfet de la MRC de Manicouagan que l’entreprise a reçu des propositions d’achat, sans plus de détails. S’agit-il d’un écran de fumée pour museler la critique?

Pourtant ce site ne manque pas d’atouts, surtout qu’il est situé à quelques jets de pierre d’un port de mer en eau profonde. Du côté des élus municipaux, le temps est venu de chercher par tous les moyens à diversifier notre économie. Nous avons frappé un mur en 2020. Il faut espérer un nouveau miracle. Celui-ci ne viendra pas de Résolu. Amazon a besoin d’espace. Pourquoi ne pas se tourner vers Jeff Bezos? Qui sait s’il ne voudrait pas rééditer l’exploit du colonel McCormick?

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