OPINIONS | « On prend vraiment les gens de région pour des imbéciles » – Réjean Porlier

Par Réjean Porlier 6:16 PM - 27 février 2022
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Le premier ministre François Legault a récemment annoncé le transfert de postes en région.

Bonjour, Kuei, Hello,

Il n’y a aucun doute, le gouvernement du Québec devrait réussir son cours « diversion 101 » les doigts dans le nez.

Je teste votre mémoire : que vous rappelle le 20 septembre 2018? François Legault promet de décentraliser 5 000 emplois de la fonction publique vers les régions d’ici 10 ans. C’était devant la FQM.

Du même souffle, il promettait de supprimer 5 000 emplois chez les fonctionnaires s’il était élu. Pourquoi donc d’après vous, cette promesse a-t-elle refait surface la semaine dernière?

En politique, les messages sont rarement fortuits. Tout est calculé!

La semaine dernière, avant cette annonce qui marque l’imaginaire, avouons-le, nous avons beaucoup parlé de cette déclaration du ministre Fitzgibbon à l’Assemblée nationale et qui visait de couper les ailes au projet de coopérative aérienne TREQ, souhaitée par les régions du Québec.

Je dénonçais personnellement cette mission de démolition du ministre, alors que TREQ représente pour les régions, la lumière au bout du tunnel, comme le dirait le premier ministre. Une occasion de transformer un obstacle au développement des régions en outil de développement combien nécessaire!

Bref, j’accusais publiquement le gouvernement de tenir deux discours, soit de prétendre être à l’écoute des régions, à l’affût de leurs préoccupations, mais dans les faits, de les priver d’un de leurs principaux leviers, un accès libre et efficace au territoire, ce que représente TREQ pour de nombreux élus et acteurs du milieu.

Et voilà que par hasard, refait surface cette promesse électorale de 2018, alors que la campagne n’est même pas lancée! C’est ce qu’on peut qualifier de diversion.

Aujourd’hui, je réitère et je signe « On prend vraiment les gens de région pour des imbéciles ». Tout ça dans un contexte où on apprenait une fois de plus que la démographie de la Côte-Nord était toujours à la baisse. Est-ce là, sérieusement, la stratégie du gouvernement pour renverser l’inquiétante tendance démographique des dernières années?

Si tel est le cas, je vous annonce d’emblée qu’il s’agira d’un coup d’épée dans l’eau et que cet engagement ne passera pas à l’histoire. Pourquoi? Puisqu’il n’y aura pas de transfert de poste et de ceux et celles qui les occupent, il y a de fortes chances que ces postes créés en région soient occupés pour la grande majorité par des gens déjà établis en région.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre généralisée, ces nouveaux postes s’ils devaient être comblés, risquent de se traduire en autant de postes libérés ailleurs.

Souvenons-nous de plus que le premier ministre promettait du même souffle de couper un nombre identique de postes de fonctionnaire. Dès le primaire on nous apprenait que 1 – 1 = 0, alors j’imagine que 5 000 – 5 000 = 0.

Finalement, ces supposés nouveaux postes créés le seront dans un contexte identique à celui qui prévalait avant leur création, c’est-à-dire :

1) Nos jeunes qui quittent aux études pour ne pas revenir, phénomène pour lequel il faut exploser l’offre universitaire en région, avec des offres exclusives pour attirer des jeunes d’ailleurs qui viendront fonder leur famille chez nous.

2) Un territoire difficile d’accès où les coûts de transport sont exorbitants et nuisent à l’attraction et la rétention des travailleurs et leur famille.

Quel est donc le plan de match ou le début de la stratégie du gouvernement du Québec pour ces deux éléments clés et tellement préoccupants pour notre région?

TREQ, c’est le début d’une stratégie innovante, mais surtout, c’est une solution initiée par les régions. S’appliquer à la démolir plutôt que la soutenir, c’est faire la preuve d’un désintéressement pour les idées régionales, ce qui détonne d’un discours décentralisateur sincère.

En terminant, difficile pour moi de ne pas remarquer le fait qu’avec la réanimation de cette promesse aveuglante de créer 5 000 postes en région, le gouvernement ait choisi de nommer à l’avance les villes récipiendaires, celles qu’on dit dévitalisées, ouvrant grande la porte aux guerres de clochers.

Comme si on pouvait envisager le déploiement de services en fonction de la dévitalisation des villes et villages plutôt qu’en fonction de rapprocher les services des utilisateurs.

À ce compte-là, les postes vont se promener au rythme des dévitalisations. Déjà, plusieurs crient à l’injustice, ce qui n’augure rien de bon pour la concertation régionale.

Diviser pour mieux régner, un autre élément de l’arsenal politique. Comme quoi, plus ça change et plus c’est pareil, l’intérêt pour les régions suit le cycle des ressources naturelles et ceux … des élections!

Réjean Porlier

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