Des sédiments récoltés à 400 mètres de profondeur dans le réservoir Manicouagan

Par Steeve Paradis 2:20 PM - 28 avril 2022
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Le professeur Léo Chassiot (à droite) regarde une colonne de sédiments tout juste remontés des profondeurs du lac Manicouagan. Photo INRS

Une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a récemment passé une quinzaine de jours dans la région afin d’effectuer des relevés sédimentaires au fond du lac Manicouagan, d’une profondeur quand même notable de 400 mètres. On souhaite ainsi retracer l’histoire environnementale du secteur, avec une attention spéciale aux impacts qu’a eue la construction du barrage Daniel-Johnson.

« Avec ces sédiments, on pourra notamment connaître l’état du lac tel qu’il existait avant l’ennoiement par le barrage et les effets du barrage sur son environnement », a indiqué le professeur Léo Chassiot, qui a dirigé l’équipe sur le terrain. Et cet ennoiement, il n’est pas mineur, a enchaîné le chercheur.

« Ce qui va être intéressant pour nous, ce sera de voir quels sont les changements induits par cet ennoiement. Il est évident qu’on verra des changements drastiques, car 140 mètres d’eau de plus, ça bouleverse énormément de choses. » On peut penser entre autres à des forêts noyées, des glissements de terrain.

Selon le professeur Chassiot, également assistant de recherche à l’Université Laval, les cartes datant d’avant le barrage démontrent bien que le lac n’avait pas la même ampleur. « Le lac Manicouagan n’occupait que la partie est du lac actuel, et il y avait le lac Mouchalagane à l’ouest. Les deux lacs ont été reliés avec l’ennoiement. »

L’équipe analysera, entre autres, l’évolution des dépôts sédimentaires avant et après le barrage, la qualité et la quantité de matière organique, des traceurs du taux d’oxygénation et la présence de métaux.

Les Innus impliqués

M. Chassiot n’a pas manqué de souligner que ce projet de recherche est mené en collaboration avec le Conseil des Innus de Pessamit, qui opère la station Uapishka conjointement avec la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka. « Ç’a été un succès grâce à cette collaboration », a-t-il ajouté.

Évidemment, les membres des Premières Nations qui fréquentaient le territoire avant la construction du complexe Manic-Outardes ont vu une toute autre configuration.

« L’analyse des sédiments pourra nous dire les impacts que peuvent avoir les activités humaines sur l’évolution d’un grand lac comme le lac Manicouagan », lance le chercheur. Quant à l’impact socioculturel de cet ennoiement sur le mode de vie traditionnel des Innus, il sera étudié par des professeurs en sciences humaines.

Un bon défi

L’expédition sur le terrain, qui a eu lieu du 15 au 30 mars, a quand même représenté un bon défi technique pour l’équipe du professeur Chassiot. Faire du carottage, soit extraire des colonnes de sédiments, par une profondeur de plus de 400 mètres, ce n’est pas une mince affaire.

Il aura fallu deux motoneiges avec deux gros traîneaux pour apporter l’équipement sur les lieux du carottage, répartis sur une vingtaine de sites un peu partout sur le lac. L’équipe a également dû installer un trépied maison pour solidifier l’appareil qui servait à remonter les sédiments dans des tubes de PVC transparent.

« La profondeur du lac a rajouté au challenge pour l’équipement, quand on dépasse 400 mètres de fond », a fait observer le scientifique. « Si on enlève les 140 mètres dus à l’ennoiement, ça donne tout de même 260 mètres de profondeur naturelle. »

Maintenant que le travail sur le terrain est complété, l’équipe de l’INRS se penche sur l’analyse sous tous ses angles de ses sédiments. Selon Léo Chassiot, il faudra encore une bonne année avant que ces données révèlent tous leurs secrets.

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