Mère et fils réunis, après 84 ans de séparation

Par Daniel Naud 6:00 AM - 5 août 2022
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Une grande partie de la famille de Julienne Mark, rassemblée auprès des cendres de Jean-Eudes Tremblay, juste avant le rituel de la grande entrée du Pow wow de Pessamit.

Un fils qui n’a jamais connu sa mère, car elle est décédée lors de son accouchement, est enterré auprès d’elle, 84 ans plus tard. Il a fallu toute une vie et un petit coup du hasard pour que cet homme retourne à sa terre natale, et que cette mère retrouve son enfant, au-delà de la mort.

L’histoire commence en 1938, alors que Julienne Mark, résidente de Pessamit, rend l’âme en donnant naissance à un petit garçon.

Suite à cette tragédie, les enfants de la défunte sont envoyés un peu partout, dont le nouveau-né qui trouvera une famille d’accueil à Ragueneau, et portera le nom de Jean-Eudes Tremblay.

La vie s’écoule et en 2021, des anciens de la communauté de Pessamit annoncent à Ninon Labrie, une des filles de Mme Mark, qu’une pierre tombale portant l’inscription du nom de sa mère existe dans le cimetière de l’endroit.

Il s’agit d’une grande nouvelle, car la famille avait toujours cru, que la matriarche reposait sous une simple croix non identifiée, et donc impossible à localiser avec certitude.

Des recherches s’amorcent et l’épitaphe est retrouvée, ainsi que l’emplacement précis de Mme Mark.

Yves, un des fils de Jean-Eudes Tremblay décédé en 2019, suggère de rapatrier l’urne de son père, placée dans un columbarium à l’extérieur de la région afin de réunir la mère et son enfant. La proposition fait l’unanimité dans la famille.

Une demande d’inhumation est faite à la Fabrique de la paroisse. Le curé recommande à M. Tremblay de s’adresser au Conseil des Innus de Pessamit. Devant la requête, le Conseil contacte le comité organisateur du Pow wow pour voir s’il est possible de souligner ces retrouvailles particulières, lors de l’évènement à venir.

Le comité organisateur offre à la famille l’honneur de participer à la grande entrée, qui marque l’ouverture officielle de chaque journée du Pow wow.

Toutefois, à la dernière minute, les organisateurs suggèrent à la famille qu’un rituel, réservé à elle seule, se déroule dans l’arène, en présence des cendres et présidé par un danseur traditionnel.

Ce moment privilégié a été touchant, comme le décrit lui-même M. Tremblay sur sa page Facebook:

« C’est ce grand danseur traditionnel, venu spécialement de la Timiskaming First Nation, qui m’accompagna moi et ma famille au centre d’un cercle de bienveillance lors du retour de mon père Jean-Eudes sur sa terre natale auprès de sa mère Julienne Mark. Être si près de lui (le danseur) et être aussi symboliquement près de mon père, entouré par 700-800 Innus et être accueilli avec toute ma famille lors de la grande entrée fut un des moments les plus marquants jamais vécus. »

L’inhumation a eu lieu un peu plus tard, redonnant le fils à sa mère, d’un bout à l’autre d’une vie, soit après 84 ans de séparation.

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