Catherine Larochelle, la dernière survivante de l’accident de la grande côte des Éboulements
Ce dimanche, une messe commémorative pour souligner les 25 ans de la plus grande tragédie routière du Canada se tiendra en l’église de Saint-Bernard. Catherine Larochelle prendra sa place dans la chorale, près de son amie Lorraine Fortin, comme d’habitude. « On fait toujours une commémoration le dimanche de l’Action de grâces pour souligner ça. On va aller décorer l’église, on a invité les familles, ceux qui vont vouloir vont être les bienvenus », raconte la dame, avenante.
(NDLR: Cette entrevue a été réalisée le 6 octobre)
Mme Larochelle est la dernière survivante de l’accident d’autobus de la grande côte des Éboulements. Elle partageait jusqu’à récemment ce titre avec Lucille, la sœur de Lorraine, décédée en juillet.
« Ils m’ont demandé pour que j’aille allumer le gros lampion dans le chœur. Je vais y aller et après, je vais reprendre ma place.» Elle ne cherche pas la lumière des projecteurs.
Depuis quelques semaines, le téléphone sonne souvent à la maison. Les médias veulent tous un petit morceau de son histoire… Elle ne répond pas toujours, mais son amie Lorraine lui a parlé de la journaliste du Charlevoisien rencontré sur le site de l’accident en début de semaine dernière et elle a accepté de m’accorder un entretien.
D’emblée, elle confie qu’elle n’a aucun souvenir de l’accident dont elle et son mari sont sortis vivants. Vivants, mais pas indemnes. «Mon mari a défoncé la vitre avant avec sa tête et il a été éjecté. Il a eu un gros traumatisme crânien », raconte-t-elle. Il était assis à l’avant et elle à l’arrière de l’autobus. « Il avait demandé à une dame si elle acceptait de changer de place avec lui. Elle était à côté de moi et elle est morte. Il était devant, il a survécu. M. Desgagnés qui restait à côté l’a secouru, il s’est occupé de lui, lui a tenu la main, lui a dit de ne pas bouger… On s’est revu, on a gardé contact. »
Catherine Larochelle s’en est sortie avec des os brisés et d’énormes ecchymoses. On lui a dit qu’elle avait trempé dans l’eau glacée de la rivière des Seigneurs avant que les secours ne l’extirpent de là. « J’avais un bras cassé, la moelle était décollée… Mon dos était noir, à la grandeur. Mais j’ai été chanceuse. Le Seigneur m’a sauvée.»
À l’hôpital, lorsqu’elle est revenue à elle, elle n’avait aucune idée de ce qui venait de se passer. Elle y est restée quelques semaines, le temps de se remettre sur pied. «Un jour, je marchais dans les corridors de l’hôpital avec une infirmière et je lui ai demandé pourquoi je n’avais aucune mémoire de l’accident. On se souvenait de rien, sauf d’avoir arrêté dams une petite boutique acheter des petits cadeaux, d’avoir croisé des travaux sur la route. L’autobus avait modéré…Et après, black out. Elle m’a dit que du moment que l’autobus a levé, on est devenu tous inconscients. « Vous ne vous en souviendrez jamais »… Le cerveau est bien fait. »
Dans les mois qui ont suivi, une psychologue est venue régulièrement les voir à la maison.
« Mon mari et moi, on allait bien, on ne comprenait pas trop pourquoi elle venait aussi souvent. J’étais dans mon jardin, je sarclais mes fleurs, j’étais toujours en train de faire quelque chose. La psychologue m’a dit « je viens me ressourcer, vous me donnez le goût de la vie .» Elle n’en revenait pas que je ne me sois pas arrêtée, que je continue à vivre. C’est ça qui est le mieux. »
Elle se rappelle les mois qui ont suivi l’accident. « Partir de chez nous pour une marche, il y avait assez de maisons vides c’était décourageant. Une chance les enfants ont pris les maisons des parents. C’était dull une secousse …» À Saint Bernard, une tradition hivernale attirait les curieux et faisait le bonheur des résidents. « On faisait des monuments de glace ici dans le village, beaucoup de monde, de tout partout, venait voir ça. Il y avait des beaux! Chaque secteur avait sa place pour faire un monument. Même nous, on en a fait un devant le barbier, notre garçon nous avait été… Cet hiver- là, après l’Accident, ils ont dit « on ne fait pas les monuments ». J’ai dit « hey, c’est assez mort de même, continuez, pour remettre de la vie! ». Et ils m’ont écouté! On s’est remis à sortir, le monde est venu nous voir, voir les monuments. Ça a remis la vie dans le village à Saint Bernard… », raconte la dame.
Elle-même Fermière, elle se souvient comme hier du local soudain devenu trop grand… Mais la vie a repris son cours.
« Je me la suis posée souvent la question, comment ça se fait que je suis là et que les autres sont partis? Comment ça, mon mari et moi, on était encore là après ça! On a sorti quatre vivants de cet autobus-là… Ce n’est pas nous qui sommes boss de notre heure de départ. Elle n’était pas arrivée. Ou le Bon Dieu ne voulait pas de nous et le diable non plus », lance-t-elle avec un petit rire taquin.
Catherine Larochelle rigole beaucoup. Elle a choisi la vie, le bonheur. À 83 ans, elle remercie encore chaque jour son Dieu de lui avoir permis de continuer son bout de chemin au lendemain de ce funeste 13 octobre.
«Il faut vivre! C’est triste pour ceux qui ont perdu des membres de leurs familles, mais faut pas rester en deuil toute notre vie. J’ai eu le cadeau de la vie… »
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