Il y a urgence climatique à Pessamit, dénonce Amnistie internationale

Par Alexandre Caputo 9:49 AM - 4 novembre 2022 Initiative de journalisme local
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Pessamit

Pessamit. Photo Amnistie Internationale Canada francophone

Amnistie internationale Canada francophone (AICF) dénonce, à travers sa dernière étude, les effets dévastateurs de l’exploitation inconsidérée du territoire ainsi que les résidus néfastes de la colonisation pour la communauté innue.

« Les changements climatiques actuels sont le résultat du non-respect envers la planète que nous dénonçons depuis des années », lance à AICF, M. André Côté, directeur du secteur Territoire et ressources du Conseil des Innus des Pessamit.

Les coupes à blanc ainsi que la construction de 13 centrales hydroélectriques et de 16 barrages d’Hydro-Québec ont décimé le territoire ancestral du Nitassinan, si bien que les activités traditionnelles des Innus se retrouvent compromises, indique l’AICF.

La création des bassins pour les barrages a par exemple provoqué l’inondation, et donc, la destruction, de plusieurs forêts et terres cultivées, ce qui a causé la mort de nombreux animaux, explique-t-on.

« Le caribou, lui, disparaît de plus en plus à cause de la déforestation », ajoute M. Côté.

Mort lente du Nitassinan et de la culture innue

Selon l’étude, qui s’est déroulée sur une période de 18 mois, les changements climatiques affectent non seulement la qualité du Territoire et de son écosystème, mais aussi la capacité pour les peuples à transmettre leur culture.

« Si on regarde le savoir autochtone et les changements climatiques, il y a quelques savoirs qui vont disparaître. Parce que c’est au niveau des froids », explique Jean-Luc Canape, membre de la communauté de Pessamit. « Ce ne sera plus des connaissances à faire apprendre à du monde, mais ce sera des connaissances qu’on va se souvenir qu’avant c’était comme ça », renchérit-il.

On pense notamment aux déplacements sur le Nitassinan qui sont beaucoup plus complexes qu’à l’époque, voire impossibles à certains endroits. Ce serait le résultat de la fonte des neiges trop rapide qui avale les plages et les points de portage.

Les conclusions de AICF concernant la dégradation du territoire et les effets des changements climatiques sur les droits des peuples autochtones vont de pair avec ce que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a pu constater, lors de son étude indépendante.

« Ceux qui ont fait les barrages, ils s’installent, mais ne font pas attention. Il y a des poissons dans les rivières, mais ils ne s’en préoccupent pas. Il y a des animaux, ils ne s’en préoccupent pas », déclarent dans le résumé exécutif du rapport de AICF Philippe Rock et Robert Dominique, aînés de la communauté de Pessamit.

« Il n’y a aucune espèce d’animal qui peut se protéger des rayons de soleil, parce qu’il n’y a plus d’arbres », ajoute M. Adélard Benjamin, coordonnateur de projet au Conseil des Innus de Pessamit.

Effets résiduels d’une Loi obsolète

Malgré quelques amendements au fil des années, la Loi sur les Indiens de 1876 est toujours en vigueur.

Cette Loi, qui visait à contrôler les Premiers Peuples et à les assimiler à la culture euro-canadienne, ne reconnaît pas l’autorité du peuple innu sur le Nitassinan, ce qui encore, entraîne une perte dans la préservation de la culture.

Pour exploiter le Territoire, les gouvernements ainsi que les entreprises doivent d’abord obtenir le consentement libre et éclairé des peuples y détenant des droits ancestraux. Cette règle est cependant peu considérée par les entités ciblées.

« C’est un droit reconnu par le droit international, et tout particulièrement par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, auquel le Canada adhère », soutient Mme Érika Guevara Rosas, directrice régionale pour les Amériques à Amnistie internationale sur le site internet de l’organisme.

« Des siècles d’oppression et de spoliation imposent plus que jamais que leurs [le peuple innu] points de vue comme leurs idées et leurs revendications soient prises en compte, sans tergiversation », déclare-t-elle.

AICF y est allé de plusieurs recommandations pour conclure son rapport, entre autres pour les différents paliers de gouvernance de la province.

Du nombre, la reconnaissance et l’intégration des droits ancestraux tels que définis dans les traités des Nations Unies, des compensations monétaires à la communauté de Pessamit ainsi que l’implantation d’une collaboration dans la lutte aux changements climatiques et dans la gestion du Nitassinan.

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