Uapukun Mestokosho: de la neige d’Ekuanitshit aux sables d’Égypte

Par Émélie Bernier 6:00 AM - 29 novembre 2022 Initiative de journalisme local
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Uapukun Mestokosho devant les pyramides d’Égypte. Courtoisie

Uapukun Mestokosho poursuit sa croisade pour le Nitassinan, ce territoire qu’elle chérit et où elle a grandi. La jeune militante innue était de la COP 27 en Égypte où elle a participé à un panel sur la protection des rivières, un important moteur de son engagement.

«J’ai été là avec l’Observatoire international des droits pour la nature parce que je suis impliquée dans cet organisme. La présidente Yenny Véga Cardenas me sollicite beaucoup pour participer à des événements et des conférences. J’ai déjà été au Brésil, à l’ONU, au Forum permanent pour les droits des peuples autochtones, mais c’était ma première COP», confie Uapukun Mestokosho. Elle y était en lien son implication dans la protection de la rivière Magpie, pour laquelle le statut de personnalité juridique a été obtenu en 2021 grâce au travail de l’Alliance Muteshekau-shipu. C’est aussi ce qui la mènera à Montréal pour la COP 15 dans les prochains jours.

Uapukun Mestokosho à la COP 27. Courtoisie

L’aventure égyptienne s’est avérée à la fois «fatigante» et nourrissante pour la jeune femme. «Au début, j’hésitais à vouloir y aller. C’est stressant! J’ai décidé à la dernière minute et je n’ai pas regretté.»
Elle y a fait plusieurs rencontres. «J’ai apprécié pouvoir rencontrer d’autres peuples autochtones, des jeunes impliqués pour la protection de notre terre mère. Nous avons fait une cérémonie, eu de beaux échanges.»

Participer au panel la stressait, mais elle a livré son message notamment grâce à la projection d’un de ses films, réalisé avec la Wapikoni mobile. «Beaucoup de monde ont apprécié le film et sont venus me voir. Selon moi, les images parlent beaucoup. Je pense que c’est grâce à ça que je suis rendue où je suis, les films que je fais sont le moyen de mon engagement », résume la jeune femme.

Elle ramène de précieux souvenirs d’Afrique. «Mon élément est l’eau, il faut que je me baigne dès que je peux, alors ce qui m’a le plus marquée est d’avoir nagé dans la mer rouge avec les coraux vivants, les poissons colorés… C’est un souvenir que je n’ai pas pu photographier, mais c’est le genre de choses qui me motive à continuer. Voyager, aller dans ces événements, voir des paysages naturels extraordinaires, rencontrer des gens qui font ce même travail-là de protection de la nature, ça m’inspire. J’ai besoin de ça, ça me donne de l’énergie», glisse Uapukun, le regard brillant de l’autre côté de l’écran.


Le militantisme d’Uapukun Mestokosho se nourrit de ses rencontres et de ses expériences. Courtoisie.

Appel aux gardiens du territoire

Parmi les projets qui allument le cœur de Uapukun Mestokosho se trouve le programme «Gardiens du territoire» qui existe dans d’autres parties du monde et qu’elle aimerait voir s’implanter dans sa communauté et au-delà.

«C’est un programme pour former des gens qui vont être les yeux et les oreilles du territoire. Tout est à faire. Chaque communauté a ses spécificités, ses besoins. C’est notre programme et on va le faire selon qui nous sommes, ce qu’on a envie.» Une collaboration avec Parcs Canada est prévue.
«Au début, on parlait juste de la Magpie, mais moi, je veux le faire pour tout le territoire, les iles… Ce serait bien que toutes les communautés innues et même non innues aient des gardiens. Je vois ce programme vraiment holistique, à grande échelle», dit-elle.

Tout cet engagement lui prend du temps, mais elle y tient. «Personnellement, je n’aime pas être devant un ordi tout le temps. Je préfère être dehors, sur le terrain. Passer du temps avec la nature, pour moi, ce n’est pas juste en prendre soin. Le terrain prend soin de moi, me guérit. On a aussi un grand travail de guérison par rapport au traumatisme intergénérationnel, la colonisation, les pensionnats, c’est en étant près de la nature qu’on se guérit», avance-t-elle avec conviction.

Retour sur une campagne discrète

(EB) Uapukun Mestokosho a porté les couleurs de Québec solidaire aux dernières élections. Elle a fait une campagne très discrète, sans tambour ni trompette.

«C’était spécial, la campagne électorale. C’était l’fun de voir comment ça se passe, apprendre, voir la réaction des Innus par rapport à ça. C’est important qu’on vote, pour faire une différence. Je pense que ma candidature a pu créer un peu d’intérêt dans ma communauté», relate-t-elle.

L’issue de l’élection la laisse mitigée. «Je suis contente que ce soit une Innue, une femme, mais je ne suis pas contente avec le parti», affirme-t-elle sans hésiter. Les visées de la CAQ sur la rivière Magpie sont un affront à sa communauté et au Nitassinan.
Se présentera-t-elle de nouveau aux élections? Elle ne se prononce pas, mais le titre de députée ne lui fait ni chaud ni froid.
«Mon titre, c’est Innue d’Ekuanisthit. C’est comme ça que je me présente, ça ne va pas changer.»

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