Des familles d’accueil à pleine capacité sur la Côte-Nord
Un manque criant de familles d'accueil est observé sur la Côte-Nord. Photo : iStock
La Côte-Nord dispose de 143 familles d’accueil, un chiffre en constante augmentation. Pourtant, ce n’est pas suffisant pour combler les demandes de placement d’enfants en difficulté. À la fin novembre, deux places seulement étaient libres et le taux d’occupation atteignait 99 %.
En trois ans, le nombre de ressources s’est accru de 29 puisqu’on en comptabilisait 114 en 2019. À ce moment, le CISSS de la Côte-Nord dénonçait déjà un urgent besoin de familles d’accueil supplémentaires et c’est encore le cas aujourd’hui malgré cette hausse des ressources.
« Les besoins sont en augmentation. Dans les bilans réalisés par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), ce qu’on voit, c’est que le volume des signalements augmente d’année en année. En 2022, on faisait état d’une hausse des signalements de 12,5 % », observe la chef de l’administration des programmes RI-RTF enfants au CISSS de la Côte-Nord, Nancy Bergeron.
Les secteurs de Forestville et Baie-Comeau sont particulièrement touchés par la pénurie de familles d’accueil. Aucune place n’est libre actuellement dans ces deux endroits. À Sept-Îles, on s’en sort à peine mieux puisque les places sont très limitées.
Les impacts sont grands : le taux occupationnel atteint presque la pleine capacité et le nombre de places s’amoindrit. Toutefois, un petit baume sur le cœur des intervenantes, les placements extrarégionaux ne sont pas encore d’actualité.
« Jusqu’à maintenant, on réussit à jongler avec les familles d’accueil pour créer de nouvelles places afin de faire en sorte que les enfants demeurent sur le territoire. Ce n’est pas encore arrivé qu’on doive placer un enfant à l’extérieur de la région », assure Mme Bergeron.
Les réseaux sociaux ont sauvé la mise au CISSS quelques fois depuis les dernières années. Des profils d’enfants plus complexes y sont parfois publiés afin de trouver une ressource pour les accueillir. « On réussit toujours à trouver preneur », ajoute la chef de l’administration qui espérait compter dans ses rangs 150 familles d’accueil l’année passée.
Elle s’est drôlement approchée de ce nombre, mais les besoins sont toujours criants. Cette année, elle en souhaite au moins 155 puisqu’il en manque une quinzaine pour répondre aux besoins tout en réalisant de bons jumelages/pairages entre les profils d’enfants et les ressources.
« Ce ne serait pas trop et ça ferait en sorte qu’on pourrait avoir différents types de familles d’accueil, soutient Mme Bergeron. En ce moment, des familles d’accueil de quelques enfants qui veulent aider se retrouvent avec des placements à long terme alors que ce n’était pas leur projet initial. Ça pourrait nous aider à cibler et à envoyer les enfants dans le bon type de ressource. »
Des fermetures de foyers d’accueil, il y en a eu plusieurs depuis les trois dernières années, la pandémie ayant son rôle à jouer, selon la responsable nord-côtière. « C’est sûr que ce n’était pas facile, mais on est en recrutement constant. On est pas mal toujours en évaluation de familles d’accueil sur le territoire. »
Il ne faut pas passer sous silence les familles d’accueil qui prennent leur retraite ainsi que celles qui ont tenté l’expérience. « Finalement ce n’était pas un projet qui leur convenait parce que ce n’est pas le rôle auquel elles s’attendaient, par exemple. C’est un investissement devenir famille d’accueil », illustre Nancy Bergeron.
Les familles d’accueil de proximité (par un membre de la famille) et les familles d’accueil régulières sont dans une proportion moitié-moitié environ. « Quand on doit confier un enfant, un peu plus de la moitié du temps, il est confié à un tiers », confirme la chef de service.
Pour le moment, le CISSS n’a pas de familles d’accueil d’urgence sur son territoire. « Le problème avec ce genre de familles d’accueil, c’est que ça consiste en de l’aide sur une courte période. On est un peu sur le frein parce que pour réussir à en avoir, ça nous prend des familles d’accueil long terme, ce qu’on n’a pas », se désole Mme Bergeron.
Si des personnes postulent pour être famille d’accueil d’urgence, leurs noms seront conservés en banque, mais le CISSS n’est pas prêt à les mettre en fonction immédiatement.
Devenir famille d’accueil
Devenir famille d’accueil demande un intérêt sérieux puisque les démarches peuvent s’avérer fastidieuses pour les moins motivés. Le processus d’accréditation peut s’étendre sur plusieurs mois et vise notamment à vérifier les motivations des futures ressources.
Les personnes ayant un intérêt à devenir famille d’accueil peuvent commencer par s’informer sur le site Internet du CISSS de la Côte-Nord. En bas de page, un formulaire est disponible pour laisser ses coordonnées.
Il est également possible d’appeler l’un des deux points de service (Baie-Comeau ou Sept-Îles), l’intervenante ressource de Forestville étant absente jusqu’au printemps, pour mentionner son intérêt.
« Ce qui est privilégié par le CISSS, c’est de prendre du temps avec les postulants pour expliquer d’entrée de jeu le rôle d’une famille d’accueil, ce que ça demande, c’est quoi les exigences ainsi que pour répondre à toutes les questions », indique Nancy Bergeron.
Une fois l’intérêt vérifié, le processus d’accréditation peut s’enclencher. « On va demander des références médicales, une référence de l’employeur, des références de la parenté et de personnes non parentes. Il y a aussi la vérification des antécédents judiciaires et entre deux et quatre rencontres avec les postulants pour vérifier leurs motivations, s’assurer que c’est le meilleur projet pour eux », précise la chef de l’administration.
Quand l’accréditation est accordée, les deux parties signent une entente d’un an au départ, renouvelable une fois pour permettre l’expérimentation de la nouvelle famille d’accueil. C’est plutôt rare qu’une famille abandonne après moins d’une année en poste.
« Ça arrive, mais la majorité de nos familles d’accueil vont demeurer et vont vivre de belles expériences positives avec les jeunes qu’on leur confie », certifie Mme Bergeron.
5 mythes à déconstruire
C’est payant.
Oui, être famille d’accueil vient avec une rétribution par jour par enfant. Mais, ce ne devrait pas être la principale motivation d’un postulant. Le seuil minimum pour un enfant s’élève à 31 000 $ annuellement et cette somme augmente selon le niveau de services que requiert l’enfant.
Ça prend une grande maison.
Parmi les critères d’accréditation, il est vrai que l’enfant doit avoir sa propre chambre. Mais, selon Nancy Bergeron, les dimensions ne sont pas exagérées et sont facilement respectables par les familles d’accueil.
Il faut être un couple.
Si ce critère a déjà fait partie des conditions auparavant, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les personnes seules peuvent devenir familles d‘accueil tout comme les familles homoparentales, par exemple.
On ne peut pas faire garder.
Ce mythe contient une once de vérité. Les familles d’accueil ont la responsabilité de faire garder les enfants placés par la DPJ par des « gardiens compétents ». Les enfants doivent obtenir le même service que s’ils étaient avec les postulants.
On ne peut plus travailler.
Les personnes devenant famille d’accueil peuvent occuper un emploi, mais elles doivent s’assurer d’offrir suffisamment de temps aux enfants qui leur sont confiés. « Certaines en font une profession et accueillent plusieurs enfants pour rester avec eux à la maison. Les deux sont des situations acceptables », confirme Mme Bergeron.
Une famille comme les autres
Il y a deux ans, le 18 décembre 2020, Mélodie Blanchette et Frédéric Gauthier, résidents de Sept-Îles, se sont lancés dans l’aventure des familles d’accueil. Une expérience qui comporte son lot de défis « comme n’importe quelle famille ».
Après avoir vécu la joie d’être parents d’un petit garçon aujourd’hui âgé de quatre ans, le couple n’a plus été capable de concevoir un petit frère ou une petite sœur à leur premier enfant. « C’est cliché, mais comme on avait des problèmes d’infertilité, on a voulu aider en accueillant des enfants en famille d’accueil », raconte Mme Blanchette.
Les deux amoureux hésitaient entre se tourner vers l’insémination artificielle ou l’adoption. Mais, quand ils ont su qu’il manquait de familles d’accueil sur le territoire, « on s’est sentis interpellés », affirme la jeune femme de 34 ans.
Le processus d’accréditation s’est donc enclenché et tout s’est déroulé dans l’ordre. « Ça n’a pas été du tout compliqué. C’était rapide et en dedans de trois mois, tout était réglé », témoigne Mélodie, ajoutant que le travail des intervenantes a été formidable pour expliquer le fonctionnement des familles d’accueil et s’assurer que c’était le projet idéal pour ce jeune couple.
La famille Blanchette-Gauthier fait partie des familles d’accueil régulières. « On sait donc que les enfants peuvent nous quitter un moment donné », admet la mère. C’est ce qui est arrivé avec les deux premiers bambins qui leur ont été confiés.
« Au départ, on offrait qu’une seule place. Mais, quand l’intervenante nous a contactés en février 2021 pour recevoir des frères de 7 et 9 ans, on n’a pas pu refuser. On a vraiment créé un beau lien avec eux. Ils sont demeurés 8 mois avec nous avant de repartir dans leur famille. Mais, ils viennent encore nous voir et c’est vraiment un cadeau pour nous. »
Par la suite, Mélodie et Frédéric ont accueilli un premier bébé naissant qui est aujourd’hui âgé de 13 mois ainsi qu’une deuxième petite fille qui fête son premier anniversaire cette année.
« On a donc deux bébés d’un an dans la maison en ce moment et on adore ça. Dans leur cas, elles sont placées avec nous jusqu’à majorité à moins d’un changement de jugement », dévoile celle qui a reçu un bel appui dans son milieu.
Ce n’est pas toujours facile de concilier travail et famille en étant parents. Quand on est famille d’accueil, il est possible de le faire si on a un bon réseau de soutien. Mélodie et Frédéric continuent de travailler, elle comme hygiéniste dentaire et lui comme ingénieur.
« On a une belle entente avec notre centre de la petite enfance. Il considère nos deux cocottes comme fratrie, donc ç’a été plus facile d’avoir une place pour la deuxième. Grâce à ce soutien, je peux continuer à travailler, mais en ayant du temps à offrir aux enfants parce qu’être famille d’accueil, ça demande du temps, de la stabilité et de l’amour », souligne Mme Blanchette.
Finalement, malgré tous les préjugés qui entourent les familles d’accueil, la Septilienne encourage les intéressés à offrir leur aide.
« Ce sont des montagnes russes d’émotions, mais on a un beau partenariat avec la DPJ. On n’est pas laissés à nous-mêmes. C’est une expérience enrichissante que je conseille à tous ceux qui ont de l’amour à donner aux enfants qui en ont besoin », de conclure Mélodie Blanchette.
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