La cohabitation des animaux et des humains dans les parcs de la Sépaq sous la loupe

Par Émélie Bernier 12:00 PM - 11 janvier 2023 Initiative de journalisme local
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Un orignal a déclenché une des nombreuses caméras du dispositif de recherche. Cette photo, parmi des milliers d'autres, sera utilisée pour comprendre les impacts de la présence des humains sur la grande faune et pour déterminer les secteurs névralgiques à protéger. Courtoisie Sépaq

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Lors de votre dernière randonnée au mont du Lac des Cygnes, peut-être avez-vous eu la chance d’apercevoir un ours noir, un coyote, un orignal. Cette vision vous a impressionné, voire ému, mais qu’en est-il de l’effet de votre présence sur ces animaux? Un projet de recherche débuté cet été tentera de répondre à cette question.

Les parcs de la SÉPAQ font courir les foules. Si la hausse de l’achalandage était constante depuis plusieurs années déjà, la pandémie a instillé le goût du plein air à des milliers de nouveaux adeptes. Cet engouement s’est évidemment traduit par une pression soutenue sur le réseau, une bonne nouvelle d’un côté puisque les parcs rapportent un joli pactole à l’État (240, 5M$ en revenus fiscaux et parafiscaux pour le gouvernement du Québec en 2021-2022), mais une préoccupation sur le plan de la conservation.

Courtoisie Sépaq

 «À la Sépaq, on a une double mission : donner accès au milieu naturel au grand public et protéger la biodiversité. L’augmentation de la fréquentation a été très accentuée avec la pandémie, d’où l’importance de mesurer l’impact de la présence des randonneurs, des chiens, des vélos de montagne dans les sentiers sur la grande faune», indique le biologiste Marc-André Villard. À cette fin, la Sépaq a fait appel à une équipe de recherche de l’Université du Québec à Rimouski.

355 caméras activées par le mouvement ont été disséminées dans les parcs des Grands Jardins (170) et du Mont Orford au printemps 2022 pour une durée de quelques mois. Les parcs de la Jacques Cartier et des Monts Valin en accueilleront autant lors de la 2e phase de la collecte de données l’été prochain. Le cerf de Virginie, l’orignal, le caribou forestier, le loup gris, le coyote et l’ours noir sont dans la mire de ces caméras et des chercheurs qui analyseront les images ainsi recueillies.

D’autres études du genre menées notamment dans des parcs canadiens ont permis de constater des changements de comportements chez certaines espèces. « Des animaux diurnes vont adopter des habitudes nocturnes, par exemple. Certaines espèces vont se servir de la présence humaine pour se protéger de leurs prédateurs, c’est l’effet de bouclier humain», illustre M. Villard.

La recherche vise à relier le taux de fréquentation d’un sentier à la réponse de la faune d’abord, mais également à détecter des sites éloignés importants pour les animaux.

Courtoisie Sépaq

«On dispose des caméras près des sentiers, mais également dans des endroits qui en sont éloignés pour évaluer l’utilisation de ces milieux par la grande faune, voir s’il y a des sites particulièrement importants pour la mise bas, la reproduction, par exemple. Ça va nous aider à mieux planifier les aménagements futurs. On ne fera pas exprès pour mettre un camping où il y a des sites importants », renchérit le biologiste.

Les quatre parcs à l’étude ont été choisis pour représenter un échantillonnage.

« On a choisi des parcs de différentes grosseurs avec des niveaux de fréquentation très variables. On a toute la gamme et on espère pouvoir faire des inférences, extrapoler à partir des résultats. Les extrapolations valent ce qu’elles valent, mais avec quatre parcs assez différents, on espère quand même en apprendre assez sur l’utilisation de l’habitat pour poser les bons gestes », ajoute M. Villard.

Encadrer le développement

Pourrait-on en venir à fermer ou à restreindre l’accès à certains secteurs névralgiques des parcs? Le biologiste Marc-André Villard livre une réponse prudente.  « Dans un monde idéal, on a des aménagements où on peut accueillir des visiteurs qui vont se sensibiliser à l’environnement, mais les populations d’espèces sensibles au dérangement demeurent stables ou sont en augmentation. C’est pour cette raison que c’est important de faire des travaux comme ce projet-là, pour éviter de franchir des seuils dans le niveau d’aménagement. Ne pas faire d’aménagement va à l’encontre de la mission, qui inclut l’accessibilité et l’éducation, mais trop de développement peut aller à l’encontre de l’objectif de conservation»,  conclut-il.

Les résultats de l’étude seront connus en 2024.

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