14 ans et moins au travail : peu commun dans la région

Par Renaud Cyr 12:00 PM - 19 janvier 2023
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Yan Deschênes et Alexandra Beaulieu, pharmaciens-propriétaires des pharmacies Brunet de Forestville et Chute-aux-Outardes (ainsi que Guy Noël Menan), entourent Emy Gagnon âgée de 15 ans. Photo : Johannie Gaudreault

L’annonce d’un nouveau projet de loi par le ministre du Travail Jean Boulet a retenu l’attention dans l’actualité peu avant les fêtes. L’âge minimum requis pour entrer au travail serait fixé à 14 ans dès la prochaine rentrée scolaire. Comment se traduirait ce projet de loi chez nous? Nous avons donné la parole aux entreprises.

Les différentes discussions avec les employeurs ont démontré que les jeunes de moins de 14 ans sont plutôt une exception dans le bassin de salariés d’ici. En Haute-Côte-Nord, ils ont tendance à côtoyer la main-d’œuvre déjà en place, plus âgée et surtout plus expérimentée.

« Nous n’employons pas beaucoup de jeunes de moins de 14 ans. Nous visons ceux qui sont un peu plus vieux, comme les 16 ans et plus », soutient d’entrée de jeu Jacques Bérubé, propriétaire des franchises McDonald’s de Forestville et Baie-Comeau.

« Nous ne donnons pas beaucoup d’heures aux plus jeunes que nous employons, ça leur laisse le temps de se consacrer à leurs projets et à leurs études », précise-t-il.

Même son de cloche du côté des Entreprises Essipit. « L’âge moyen de nos étudiants est de 19 ans. Si nous regardons seulement la moyenne d’âge des jeunes mineurs travaillant pour nous, elle est à 16 ans. Mais ces derniers représentent environ 25 % de nos employés étudiants », explique Karine Boucher-Plourde, directrice des ressources humaines pour le Conseil de la Première Nation des Innus Essipit.

Peu d’impact

À l’instar de la majorité des entreprises d’ici, les Entreprises Essipit cherchent à embaucher des jeunes de plus de 14 ans.

« À l’heure actuelle, nous privilégions toujours les jeunes de 14 ans et plus pour nos emplois étudiants en saison », tranche Mme Boucher-Plourde.

Dans le cas de McDonald’s, par exemple, la présence de nombreuses machines (friteuses, plaques chauffantes, etc.) peut inquiéter en raison de potentiels accidents de travail.

« On comprend que les jeunes âgés de 14 ans et moins sont un peu jeunes pour travailler pour nous », laisse tomber le propriétaire des filiales.

Pour les Entreprises Essipit, même si les employés plus jeunes sont davantage orientés vers le service et l’entretien, la nature saisonnière de l’emploi fait en sorte qu’ils travaillent hors de l’année scolaire.

« Au final, une limite d’âge est ce qui est le mieux pour les jeunes, car travailler et achever leurs apprentissages peut parfois être difficile », indique Stéphanie Gagnon, présidente de la Chambre de commerce de la Haute-Côte-Nord.

Une main-d’œuvre appréciée

Alexandra Beaulieu, pharmacienne-propriétaire des pharmacies Brunet de Forestville (Yan Deschênes) et Chute-aux-Outardes (Yan Deschênes et Guy Noël Menan), ne pourrait plus se passer de ses jeunes employés pour combler les trous dans ses horaires de travail.

« Avec le manque de main-d’œuvre qu’on connaît présentement, une chance qu’on les a. Ils sont une bonne solution au problème selon nos expériences jusqu’à maintenant. On essaye donc d’en prendre soin le plus possible en leur permettant de concilier le travail avec leurs études et leur vie sociale », affirme-t-elle.

Auparavant, la pharmacienne admet avoir été plus stricte sur l’âge des employés qu’elle embauchait. Maintenant, elle se permet d’engager des jeunes de 14 ans.

« Selon leur niveau de maturité, il y en a qui sont très fiables et compétents malgré leur âge. On n’a pas été déçu jusqu’à maintenant », souligne-t-elle.

Pour l’employeuse, il n’est pas question de faire ombrage aux études de ses jeunes travailleurs. Elle respecte leurs demandes en termes d’horaire de travail et s’assure de le faire coïncider avec leur période scolaire.

« La plupart souhaite travailler une fin de semaine sur deux, témoigne Alexandra Beaulieu. Ça leur permet de gagner de l’argent tout en continuant de faire leurs activités et d’étudier. »

L’entrepreneure voit d’un bon œil le dépôt d’un projet de loi encadrant le travail des jeunes tel que présenté par le ministre Jean Boulet.

« Je trouve que ce n’est pas une mauvaise chose. De notre côté, on n’engageait pas en bas de 14 ans de toute façon, alors ça ne nous limitera pas. Pour le nombre d’heures, je trouve aussi que c’est raisonnable », commente Mme Beaulieu.

Cette dernière n’a d’ailleurs jamais eu affaire à des étudiants qui souhaitaient abandonner leurs études, au contraire. Certains décident même d’orienter leur carrière vers le domaine pharmaceutique après leur passage au sein des équipes de la pharmacienne.

« Ils ont tous de beaux projets de carrière et on les encourage. Si on se crée de la relève, c’est tant mieux », ajoute-t-elle.

Avec Johannie Gaudreault

Sondage auprès des entreprises

La Chambre de commerce de la Haute-Côte-Nord désire dans les prochaines semaines, procéder à un sondage qui permettra de faire la lumière sur la main-d’œuvre en bas âge auprès de ses membres. Ce sont plus d’une centaine de membres qui seront sollicités durant tout le mois de février, afin d’examiner l’impact du projet de loi lors de son évolution et de son adoption.

Pour la présidente Stéphanie Gagnon, la question de l’âge minimum soulevée par le projet de loi reste un faux dilemme : « La possibilité pour une jeune de travailler dans certains corps de métiers avant 14 ans est déjà réglementée. J’ai tendance à penser qu’il faudrait peut-être encadrer le type de travail qu’ils feront ». « Le sondage nous permettra d’avoir l’heure juste, afin de donner de l’aide aux entrepreneurs d’ici, en leur procurant des ressources et des repères pour mieux encadrer le travail des jeunes chez eux », conclut-elle.

Les milieux urbains, qui comptent des commerces et des succursales de grande surface menacés par une fermeture, doivent souvent embaucher une grande proportion de main-d’œuvre peu âgée. Poussée à l’extrême, cette situation peut ressembler à l’infâme sketch du Bye bye 2022… et nous en sommes heureusement épargnés.

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