Voyage initiatique sur le Nitassinan pour 10 jeunes Montréalais

Par Émélie Bernier 12:00 PM - 7 février 2023 Initiative de journalisme local
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Le comédien Roy Dupuis, cofondateur et porte-parole de la Fondation Rivières, est à la source de cette expédition durant laquelle des segments du documentaire Après la Romaine, d’Alexis de Gheldere et Nicolas Boisclair, ont été tournés. Le documentaire devrait être diffusé en 2023.

Enseignant à l’École secondaire Saint-Luc de Montréal, Gabriel Léonard est un passionné de plein air préoccupé par le « déficit nature » qui affecte nombre d’élèves en milieu urbain. Quand Roy Dupuis et la Fondation Rivières ont lancé une invitation à vivre une descente de la rivière Magpie en rafting, il a tout de suite attrapé la rame tendue. Au grand bonheur d’une dizaine de ses élèves.


Formé comme enseignant en éthique et culture religieuse au secondaire, Gabriel Léonard a également suivi une formation de 2e cycle en intervention en contexte de plein air à l’UQAM.

« Je voulais amener le plein air dans ma pratique d’enseignant », résume celui qui a créé cette année une option Enjeux écocitoyens et plein air à son école, l’école secondaire Saint-Luc, l’une des plus multiculturelles de la métropole. 110 nationalités fréquentent l’une ou l’autre des classes de Saint-Luc.

« L’objectif du programme est de réfléchir aux enjeux environnementaux et climatiques, mais pas uniquement entre quatre murs! C’est une école qui est au cœur de Montréal, dans un milieu ultra urbain. Plusieurs jeunes n’ont pas ou presque pas de contact avec la nature », ajoute M. Léonard.

Le « déficit nature » est un concept clé qui a mené à la mise en place du programme. « Les élèves de Saint-Luc sont, pour la plupart, victimes de déficit nature. Les jeunes vont de moins de moins à l’extérieur, à cause de l’urbanité, des réseaux sociaux, du mode de vie. Il y a plein d’effets néfastes sur la santé. Ils bougent moins, sont moins actifs, mais ça a aussi un impact sur comment ils se perçoivent dans leur environnement. Il y a une déconnexion! On perd de vue pourquoi la nature est importante », affirme celui qui est l’animateur-fondateur du Club plein air en parascolaire de son école. Le club s’adresse à tous les jeunes, du secondaire 1 à 5.

Lorsque l’invitation de Roy Dupuis et de la Fondation Rivières est arrivée jusqu’au directeur de l’école Saint-Luc, ce dernier a tout naturellement pensé à Gabriel Léonard.

«La Fondation Rivières voulait amener des jeunes de milieu urbain descendre la rivière Magpie pour à peu près les mêmes raisons qui m’ont motivé à mettre en place le programme Enjeux écocitoyens et plein air. Il y avait un projet de documentaire associé à ça. On a travaillé à mettre en place le projet pour une dizaine de jeunes et ç’a été une expérience incroyable! »

L’expérience humaine

Une véritable petite société des nations a pris le courant à bras le corps durant l’expédition.
«Il y avait des jeunes originaires du Pakistan, de Corée, d’Haïti… Plusieurs étaient à peine sortis de l’île de Montréal, ils n’avaient jamais eu l’occasion de voir l’immensité, la beauté du territoire. On souhaitait les amener à vivre une expérience intime avec la nature, qu’ils développent le goût de la protéger, qu’ils comprennent le rôle important que la nature joue dans notre écosystème et en quoi la biodiversité est essentielle à la vie», résume l’enseignant. Le fait que l’aventure ait lieu sur la rivière Magpie a permis d’aborder plusieurs enjeux clés.

«On voulait leur faire prendre conscience de la grandiosité du territoire, de cette rivière qui est dans mire d’Hydro-Québec. Un des buts était de leur montrer les impacts possibles d’un barrage. On s’arrêtait ici et là pour leur montrer à quoi ça ressemblerait si la rivière était harnachée, l’inondation de tel secteur, les entraves au canotage, au rafting… Le commun des mortels, on ne les connaît pas, les conséquences des barrages sur les écosystèmes et la biodiversité! Il n’y a pas de meilleur moyen que de descendre la rivière pour comprendre », affirme Gabriel Léonard sans l’ombre d’un doute.

Le travail de l’Alliance Muteshekau Shipu et le statut de personnalité juridique de la rivière ont fait l’objet d’échanges.

Gabriel Léonard a été marqué par l’esprit d’équipe qui s’est développé entre les jeunes participants.
« Au début, lors des rencontres de préparation, ils se parlaient à peine, ils étaient très gênés. Durant le séjour, ils ont créé des liens immuables! Sur le plan humain, ç’a généré quelque chose de fantastique. Et sur le plan de la conscience environnementale, il y a eu un éveil incroyable», se réjouit celui qui a très hâte de voir le documentaire Après la Romaine, dont des segments ont été tournés durant l’expédition. Celui-ci devrait être diffusé en 2023.

Roy Dupuis, les documentaristes Alexis de Gheldere et Nicolas Boisclair, les guides de l’entreprise Noryak aventures, Gabriel Léonard et les 10 élèves sont tous revenus transformés de l’expédition, selon le prof. «Honnêtement, ç’a été transformateur à tous les niveaux autant pour les jeunes que pour moi et tout le monde qui a participé à l’expédition!», lance Gabriel.

Voir leur éblouissement m’a convaincu de l’importance de faire découvrir la nature sauvage aux jeunes.

Haro sur le déficit nature

Gabriel Léonard est conscient de la chance que ses élèves, et lui-même, ont eue. « C’est un projet qui a donné beaucoup de sens à ce que je fais et je me considère chanceux de l’avoir vécu. Il faut qu’on continue d’amener les jeunes victimes de déficit nature dans les milieux sauvages comme ça! Ça peut être beaucoup moins complexe qu’organiser qu’une descente de rivière sur la Côte-Nord tout en étant aussi profitable! »

Il se prend à rêver à l’intégration du plein air dans le cursus de toutes les écoles secondaires et même primaires. « Dans le documentaire, on ouvre là-dessus. On se demande ‘’s’il pourrait y avoir quelque chose qui se fait au sein du gouvernement, que ce soit inclus dans la formation générale? On pense que ça devrait faire partie de l’éducation, pour tous les élèves des milieux urbains et même les autres! Pour l’instant, pour que des projets comme celui-là fonctionnent, ça dépend beaucoup de l’engagement des enseignants du milieu », analyse-t-il.

Les élèves de Saint-Luc ont de la chance: ils peuvent compter sur un enseignant engagé , encore davantage depuis l’aventure sur la Magpie. « Voir leur éblouissement m’a convaincu de l’importance de faire découvrir la nature sauvage aux jeunes », conclut-il.

Les photos sont une courtoisie de Gabriel Léonard.

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