À qui le tour la prochaine fois?

Par Raphaël Hovington 8:40 AM - 24 mars 2023
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Après Laval, Amqui! Pourquoi? D’où vient toute cette violence? Qu’est-ce qui la nourrit? Comme de nombreuses personnes, je suis resté sans mot devant mon téléviseur en apprenant cette terrible nouvelle. Un homme se sert de son camion comme d’une arme meurtrière pour tuer et blesser des personnes, adultes et enfants, qui déambulaient au cœur de l’après-midi sur un trottoir dans une paisible petite localité de la Vallée de la Matapédia.

On se dit toujours que ces événements arrivent ailleurs, sauf chez nous. Il suffit de se souvenir de drames semblables survenus en Allemagne (Berlin le 19 décembre 2016) et même ici, au Canada, en Ontario (Toronto le 23 avril 2018). On se dit toujours qu’on est à l’abri de pareilles catastrophes qu’on croit être le lot des grandes villes. Mais le drame d’Amqui nous met devant l’évidence : cela peut survenir n’importe où, à n’importe quel moment de la journée.

Il suffit de si peu de choses. Il suffit qu’un individu perde tout contact avec la réalité, peu importe la raison, ou encore qu’il écoute ses démons intérieurs pour que tout bascule et que des êtres innocents paient de leur vie ces accents de rage et de folie meurtrière. Est-il fou? Est-il responsable de ses gestes? Peut-il répondre de ces actes devant ses pairs?

La question reste entière. La réponse viendra un jour. La justice suivra son cours. Dans l’intervalle, c’est toute une population qui est secouée au risque d’être prise en otage par la peur, sa quiétude ayant été durement éprouvée. À quand le prochain drame? Quelqu’un voudra-t-il imiter le geste fatidique et criminel de cet individu, en apparence sans histoire.

Ici, à Baie-Comeau, nous avons aussi connu des drames. La Journée internationale des femmes s’estompe lentement du calendrier, mais cela ne pas sans rappeler que plusieurs femmes ont payé de leur vie le fait d’être des femmes et de vouloir s’affranchir de la violence conjugale. Je ne veux pas citer de noms car cela pourrait réveiller de vieilles blessures mais, il faut se rendre à l’évidence, la violence sous toutes ses formes, verbales ou physiques, demeure un ennemi à combattre, un adversaire inexcusable, une calamité contre l’humanité.

À Amqui, la population est sous le choc. Le Québec ne peut que s’associer au drame que vivent plusieurs familles. Deux hommes sont morts. D’autres victimes luttent contre la mort. De jeunes enfants ont bien failli périr alors qu’un conducteur fou revendiquait le droit de vie et de mort sur eux en grimpant sur le trottoir avec son camion pour assouvir sa folie meurtrière. Qu’est-ce qui le motivait? On l’ignore. Était-il dans un état normal? On l’ignore. Est-il fou? Aujourd’hui, on ne se risque plus à juger de l’état d’esprit d’une personne.

Toute la classe politique a défilé dans ce paisible village pour réconforter la population. Les cloches ont retenti sur le coup de 15 h 05 durant plusieurs jours pour que personne n’oublie ces instants fatidiques. J’ai entendu le témoignage d’un homme qui a eu la vie sauve par une fraction de seconde. Il raconte avoir entendu un boum et s’être retourné pour voir des êtres voler dans les airs. Il n’a eu que le temps de s’extirper de la scène pour échapper à la mort.  Il s’est porté au secours des victimes et a même pris un jeune garçon dans ses bras pour le réconforter alors que l’enfant saignait et qu’il avait perdu ses bottes sous l’impact.

Un récit bien triste que celui de cet homme que le destin a épargné ce jour-là et qui se souviendra sans doute tout au long de sa vie de cet événement, un peu à la manière de nos vaillants soldats qui sont ont combattu durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, alors que les scènes de carnage faisaient partie de leur quotidien. Comment oublier? Certains n’y sont jamais parvenus. On souhaite tous que M. Moreau puisse tourner la page et trouver la sérénité dans sa petite famille en compagnie de ses deux jumelles.

Puis, de toute évidence, il ne faut pas chercher trop loin pour s’apercevoir que même chez nous, en Côte-Nord, c’est déjà arrivé. Oui, Sept-Îles se souvient encore aujourd’hui des événements tragiques survenus le 10 mai 1972 durant un rassemblement syndical. Un mort! Trente blessés!

Tant que l’humanité n’aura pas dompté ses démons, il y aura toujours des actes de violence à déchirer le cœur. Comme vous, peu importe où vous habitez, je ne peux que souhaiter que cela n’arrive jamais sur une rue de ma ville.

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