« Je suis mort pendant 7 minutes »

Par Charlotte Vuillemin 7:00 AM - 9 octobre 2024
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Dave et Francis Dugas reviennent à l’endroit fatidique. Photo Charlotte Vuillemin

La vie de Francis Dugas a basculé en un instant. Le 26 août, deux crises cardiaques ont failli l’emporter, mais un incroyable concours de circonstances et l’intervention héroïque de son fils ont changé le cours de son destin. Aujourd’hui, l’homme de 59 ans raconte son histoire avec une gratitude infinie, conscient d’être revenu de l’inexplicable.

Ce jour-là, rien ne laissait présager le drame qui allait se jouer. « Je travaillais chez nous. J’ai senti une petite douleur. Mais ce n’était pas une grosse douleur. Je ne me fatiguais pas avec ça », se souvient le résident de Pointe-Lebel.

Francis Dugas est habitué à une vie active. Il bouge beaucoup, fait un peu de sport et n’a jamais vraiment eu de problèmes de santé. Ce n’était pas le genre d’homme à s’inquiéter pour une légère gêne.

C’est seulement quand il a commencé à transpirer abondamment, uniquement de la tête, qu’un doute s’est installé. « Je sentais comme des chaleurs. Je me suis dit je ne prendrai pas de chance, je vais aller voir. »

Il monte dans son pick-up et prend la route en direction de l’hôpital Le Royer à Baie-Comeau.

Le trajet va vite devenir une lutte contre la mort. Son état empire, Francis Dugas comprend qu’il ne pourra pas continuer ainsi. Il ne sent plus son côté gauche. Il le sait maintenant. Il fait une crise cardiaque.

« La douleur est arrivée. Je ne me sentais plus le côté gauche. Là j’ai eu des vomissements deux fois. Je commençais à avoir de la misère sur la route, à me concentrer. » Pris de panique, Francis décide de se garer pour éviter un accident.

Et c’est là que le destin intervient de la manière la plus imprévisible : « En me stationnant, je vois le pick-up à mon garçon. Jamais je ne vois mon garçon, il se promène partout dans Baie-Comeau, il travaille partout. » Digne d’un scénario impossible à imaginer, comme si le destin avait placé son fils à cet endroit précis, au moment exact.

Francis appelle désespérément son fils, et Dave sort précipitamment. « Je lui ai dit tout de suite que je faisais une crise de cœur. Je parlais à peine. Il m’a ramassé et il est allé à l’hôpital. »

C’est sur le trajet que Francis s’effondre, son corps est bleu sur le siège passager. « En embarquant dans le pick-up, je suis tombé en grosse crise, et j’ai perdu vie. »

Ce moment précis où son fils crie à l’aide en arrivant à l’hôpital, traînant le corps inerte de son père jusqu’au parvis, marque le début de la bataille pour sauver la vie de Francis. Ce moment, Dave ne l’oubliera jamais.

L’urgence de l’hôpital Le Royer est alertée, et le personnel se précipite à l’extérieur. Francis est allongé sur le sol, à même le parvis de l’hôpital, entre la vie et la mort.

« Ils m’ont réveillé deux fois. La première fois, je suis reparti. La deuxième fois, je suis resté. »

Mais ce n’est pas seulement le personnel médical qui a joué un rôle crucial ce jour-là. C’est son fils, Dave, qui, dans un acte instinctif de bravoure, a tenté de maintenir son père en vie, allant même jusqu’à lui faire du bouche-à-bouche. « Mon fils, il est traumatisé, mais il m’a sauvé la vie. »

À cet instant, Francis réalise à quel point il est proche de la mort. « Je suis mort pendant 7 minutes. C’est limite pour le cerveau. » Sept longues minutes pendant lesquelles son cœur a cessé de battre.

M. Dugas ne se souvient de rien durant ces 7 minutes. Il n’a pas découvert l’au-delà. « Non, moi, je n’ai rien vu. C’est super plate. Mon cas est vraiment en plate », en rigole-t-il.

Le choc de la réanimation est gravé dans sa mémoire. Les soignants ont pris le relais. À la quatrième défibrillation, il est en train de reprendre conscience. Il sent un petit pincement. La cinquième lui traverse entièrement le corps. Cette fois, il la sent. Il est revenu. Cette sensation intense marque son retour à la vie, après un combat acharné.

Stabilisé, Francis est immédiatement transféré à Québec pour une intervention d’urgence.

« J’avais trois blocages sur la même artère, à 50 %, 75 % et 99 %. Ils m’ont mis trois stents, et j’ai tout vu pendant l’opération. » Francis raconte avec fascination ce qu’il a vécu. « C’est un chaos, c’est le bordel, mais orchestré. J’ai été très bien traité. »

Cette expérience a laissé des traces indélébiles, non seulement sur le corps de Francis, mais aussi dans sa relation avec son fils. « J’avais déjà une bonne relation. Mais elle est différente. » Dave, en voyant son père à deux doigts de la mort, a été confronté à la réalité brutale de la fragilité de la vie. « Il a réagi comme un capitaine. Il m’a sauvé la vie. Je suis très très fier de mon garçon. »

À 59 ans, Francis Dugas porte désormais un regard différent sur la vie, conscient que chaque jour est un cadeau. « J’aime le monde, je suis un gars qui aime le monde, et ça, ça ne changera jamais. Je suis reconnaissant au plus haut point. » Grâce à son fils, et au dévouement des équipes médicales, il a une seconde chance. Une chance de continuer à vivre, à aimer, et à profiter de tout ce que la vie a encore à lui offrir.

« Comme le médecin me l’a dit, mon fils m’a permis de faire d’autres choses. » L’histoire de Francis est celle d’une survie miraculeuse, d’un sauvetage inespéré, mais aussi d’une profonde connexion entre un père et son fils qui, ensemble, ont vaincu l’inimaginable.

Un hommage aux héros silencieux de l’hôpital

Francis Dugas tient à exprimer toute sa gratitude envers les équipes médicales de l’hôpital Le Royer de Baie-Comeau. Pour lui, les hommes et les femmes qui l’ont pris en charge ce jour-là sont les véritables héros de son histoire.

À travers ces mots empreints d’émotion, il rend hommage à ceux qui, trop souvent, sont dans l’ombre, mais sans qui il ne serait plus parmi nous.

Reconnaissant, Francis Dugas a tenu à remercier personnellement les médecins et le personnel soignant pour leur dévouement. Face à ce remerciement sincère, il a senti que son médecin était touché. « Elle a pleuré. Elle n’en revenait pas. J’ai dit, je suis fier de pouvoir te donner la main et de vous remercier. »

Dans un quotidien où la pression est constante et où les remerciements se font de plus en plus rares, ce moment de reconnaissance a été un véritable baume pour le personnel. « Ça se perd des fois de remercier les gens. Et des fois, un merci, tu sais, sincère, quelqu’un qui se déplace pour venir vous voir, pour vous dire merci, ça se fait de plus en plus rare. »

Alors qu’il était inconscient pendant ses deux réanimations, Francis n’a rien vu des efforts déployés pour le sauver, mais sa famille, elle, a tout vécu.

Cette prise en charge rapide et bienveillante n’a pas seulement sauvé Francis, elle a aussi apporté un réconfort immense à ses proches, dans un moment d’angoisse extrême. Cet aspect est souvent oublié lorsque l’on parle des soins hospitaliers, mais il est tout aussi crucial.

Ainsi, ce sont les équipes médicales de l’hôpital Le Royer qui méritent tous les honneurs. Ces médecins, infirmiers et autres membres du personnel sont souvent confrontés à des situations de vie ou de mort, et leurs compétences, leur dévouement et leur humanité font toute la différence.

À travers cet hommage, il faut rappeler que, malgré les difficultés, des miracles se produisent chaque jour dans les hôpitaux grâce à ces héros silencieux.

« Ils m’ont sauvé la vie », se remémore Francis Dugas.

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