Le gouvernement fédéral réduit significativement ses cibles d’immigration
Le premier ministre Justin Trudeau ainsi que le ministre de l'Immigration, Marc Miller, prennent part à une conférence de presse à Ottawa pour annoncer de nouvelles cibles en matière d'immigration, le jeudi 24 octobre 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick
Ottawa abaisse considérablement le nombre de nouveaux résidents permanents que le Canada acceptera durant les trois prochaines années, ce qui ralentira temporairement la croissance de la population du pays.
Le premier ministre Justin Trudeau a présenté jeudi les nouvelles cibles d’immigration comme un plan «pragmatique» visant à s’adapter à la réalité actuelle.
Ainsi, le «seul objectif» est de stabiliser la croissance démographique afin d’offrir à tous les ordres de gouvernement «le temps de rattraper leur retard, le temps de réaliser les investissements nécessaires dans les soins de santé, dans le logement, dans les services sociaux pour accueillir davantage de personnes à l’avenir», a-t-il soutenu en conférence de presse.
La cible de nouveaux résidents permanents est ainsi réduite à 395 000 en 2025, soit une diminution de 21 % par rapport à l’objectif de 500 000 fixé précédemment. Le seuil passera ensuite à 380 000 personnes en 2026, puis à 365 000 en 2027.
Ottawa s’était jusqu’ici refusé à revoir à la baisse ses cibles, décidant plutôt de plafonner le nombre de nouveaux résidents permanents.
«Ce plan est probablement le premier en son genre», a dit le ministre responsable de ce dossier, Marc Miller, puisque, pour la première fois, les immigrants temporaires sont inclus dans le plan dévoilé annuellement, chaque automne.
Ottawa compte donc réduire de 445 901 personnes le nombre de résidents non permanents en 2025pour atteindre 673 650 immigrants temporaires. Puis, la baisse prévue est de 445 662 en 2026 pour atteindre 516 600 personnes. Une hausse de 17 439 personnes est ensuite planifiée pour 2027. L’objectif est que les immigrants temporaires représentent 5 % de la population canadienne d’ici la fin de 2026, alors que ce groupe constituait un apport de 6,5 % en mars dernier.
Ces cibles de réduction en 2025 et 2026 incluent les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants internationaux, mais pas les demandeurs d’asile qui sont en attente de savoir s’ils obtiennent ou non le statut de réfugié.
Le premier ministre du Québec, François Legault, qui exhorte depuis des mois le fédéral à réduire de 50 % l’immigration temporaire, a indiqué jeudi qu’il restait sur sa faim.
«Ce n’est pas une grosse baisse», a-t-il commenté en se rendant à la période des questions de l’Assemblée nationale.
M. Trudeau a, une fois de plus, soutenu que Québec a de nombreux leviers pour réduire l’immigration temporaire. «J’attends encore le plan de M. Legault», a-t-il déploré et faisant référence à une feuille de route provinciale qu’il a demandée en juin au premier ministre québécois.
Le ministre de l’Immigration du Québec, Jean-François Roberge, est plutôt d’avis qu’Ottawa détient le gros bout du bâton. «Ils ont pris quelques mesures pour les travailleurs étrangers, très peu sur le Programme de mobilité internationale, rien sur la répartition des demandeurs d’asile à travers le Canada. Alors j’invite M. Trudeau à faire sa part», a-t-il rétorqué.
Les nouvelles cibles fédérales sont fixées après des années d’augmentation rapide du nombre de nouveaux résidents permanents au Canada et d’un nombre croissant de personnes venant au pays sur une base temporaire. Plusieurs ministres fédéraux ont reconnu que cette hausse a exercé une pression sur le logement et l’abordabilité.
«C’est une question de nuances. On ne peut pas tout blâmer ou mettre sur les épaules des immigrants. Le sous-investissement en logement au niveau fédéral se fait depuis 30 ans», a dit jeudi M. Miller.
Le ministre fédéral de l’Immigration a indiqué que le gouvernement entend prioriser les immigrants temporaires qui sont déjà au Canada dans l’accès à une résidence permanente. Ces personnes auront droit à de meilleurs scores au moment d’être sélectionnés à travers des canaux existants tels que le programme Entrée express. «On passera par les scores naturels. Ce n’est pas une question de sauter la file», a affirmé M. Miller.
Des fonctionnaires ont indiqué aux médias qu’en 2023, environ 40 % des personnes obtenant la résidence permanente étaient arrivées au pays sur une base temporaire. Ces représentants gouvernementaux n’ont pas précisé à quel pourcentage ils souhaitent hausser cette proportion.
Le chef conservateur Pierre Poilievre estime que «la volte-face» du gouvernement de Justin Trudeau en réduisant l’immigration n’est rien d’autre qu’un «aveu d’échec».
«Les revirements préélectoraux de Justin Trudeau de dernière minute ne sont pas crédibles. Il ne peut pas réparer ce qu’il a brisé en matière d’immigration ni en quoi que ce soit d’autre», a-t-il tranché.
Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh s’est montré favorable à une révision des seuils, sans toutefois indiquer si les nouvelles cibles du gouvernement Trudeau lui conviennent.
«Le chiffre de l’immigration, c’est quelque chose qu’on doit toujours ajuster. C’est normal. On doit avoir un chiffre qui répond à nos besoins», a-t-il déclaré lors d’un point de presse dans un parc de Montréal en évitant de préciser quelles cibles seraient selon lui appropriées.
Le Bloc québécois n’a pas non plus voulu s’avancer sur les niveaux qu’il aimerait voir. Le porte-parole bloquiste en matière d’immigration, Alexis Brunelle-Duceppe, n’a pas non plus voulu quantifier la capacité d’accueil du Québec. Quoi qu’il en soit, le parti d’opposition s’attribue le crédit de l’annonce de jeudi, jugeant que les libéraux ont fait marche arrière grâce aux pressions qu’il a exercées.
Ottawa a annoncé au passage qu’il augmentera ses cibles d’immigration francophone hors Québec à 8,5 % en 2025, à 9,5 % en 2026 et à 10 % en 2027, soit une hausse de 1,5 point pour les deux premières années et une nouvelle cible pour la troisième.
L’an dernier, la Fédération des communautés francophones et acadienne s’était dite très déçue de la cible qui était de 6 % pour 2024, et réclamait qu’elle soit établie à 12 %, ce qu’elle considère être «le minimum» afin de rétablir et faire progresser le poids démographique des francophones.
– Avec des informations de Frédéric Lacroix-Couture à Montréal et de Patrice Bergeron à Québec
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