L’innu-aimun sur Google Traduction : pas pour demain

Par Lucas Sanniti 12:00 PM - 6 novembre 2024 Initiative de journalisme local
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Des livres sur la langue innue à l’Institut Tshakapesh.

L’intégration de l’innu-aimun sur des outils de traduction automatisée comme Google Traduction présenterait plus de risques que d’avantages, selon l’Institut Tshakapesh.

Google a annoncé, le 17 octobre dernier, que l’inuktut, une langue parlée par plus de 39 000 locuteurs au Canada, serait désormais disponible sur son service de traduction en ligne.

Il s’agit de la première langue autochtone canadienne sur la plateforme.

« C’est sûr que quand on regarde ça, ça paraît tellement beau, ça pourrait être un avancement pour les langues autochtones […], mais la traduction automatisée, ça cache une réalité qui n’est pas toujours belle », indique Jérémie Ambroise, conseiller en linguistique de la langue innue à l’Institut Tshakapesh.

Pour M. Ambroise, les traductions offertes par ce genre de service ne sont pas toujours représentatives des réalités de la langue.

« Un problème qui a été souligné avec l’inuktut, c’est que c’est vu comme un ensemble, mais il y a plusieurs dialectes et ces dialectes sont complètement différents les uns des autres », souligne-t-il. « C’est la même chose pour l’innu. On a une langue standardisée à l’écrit, mais pas à l’oral. »

M. Ambroise évoque également la notion de « trou lexical », qui désigne l’absence de plusieurs termes, concepts ou réalités dans la langue innue.

« On pense à “intelligence artificielle”, justement », donne-t-il en exemple.

Au-delà de la langue

En plus de l’enjeu de la fidélité de la langue, M. Ambroise indique que l’acceptabilité sociale et la compréhension de la culture innue sont nécessaires pour qu’un tel projet puisse se concrétiser dans le futur. 

« Est-ce que les Innus veulent que les machines parlent leur langue ? », questionne M. Ambroise. « Souvent, les aînés ne sont pas très confortables [avec de telles questions]. »

Le conseiller soulève également la question de la perdition de la langue et des effets qu’un outil de traduction imprécis pourrait avoir sur sa préservation.

« Dans une communauté comme Uashat, où peut-être 10 % des 20 ans et moins parlent la langue […] si ces gens-là se mettent à aller sur Google Traduction, ou un autre programme et qu’ils pensent avoir accès à un outil précis, on peut imaginer tous les problèmes que ça pourrait engendrer. » 

M. Ambroise rappelle que l’Institut Tshakapesh travaille en continu sur son dictionnaire d’innu-aimun. Il conseille également aux apprenants de la langue de se méfier du contenu éducatif erroné, qui est rampant sur Internet.