Clinique du sommeil Beaulieu : des dizaines de clients insatisfaits

Par Anne-Sophie Paquet-T. 6:50 AM - 13 novembre 2024
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Jessy Marin Bouchard a finalement reçu son appareil d'apnée du sommeil il y a quelques semaines après presque deux ans d'attente. Photo Anne-Sophie Paquet-T.

Temporairement fermée depuis plusieurs mois, la Clinique du sommeil Beaulieu de Baie-Comeau a laissé sa clientèle à l’abandon. Le manque de service et de transparence en fait rager plus d’un. Une dizaine de clients ont souhaité témoigner publiquement de leur insatisfaction.

En septembre 2023, Stéphanie Beaulieu, propriétaire de la Clinique du sommeil Beaulieu et inhalothérapeute, confiait au journal Le Manic que son entreprise avait rencontré de nombreuses difficultés dans la dernière année. Soucis informatiques et pénurie de main-d’œuvre étaient au cœur de ses ennuis.

Se voulant rassurante, Mme Beaulieu confirmait que la Clinique du sommeil Beaulieu était ouverte 36 heures par semaine, soit du mardi au jeudi. Elle précisait alors qu’il était possible de prendre rendez-vous par téléphone, et ce, « pour un meilleur service ».

La propriétaire disait également avoir contacté toute sa clientèle pour lui expliquer les procédures du rappel de Santé Canada de la compagnie Philips, effectif depuis 2023, qui vise les appareils à pression positive continue (CPAP), à pression positive à deux niveaux (BIPAP) et les ventilateurs mécaniques de marque Philips Respironics.

Pourtant, à l’unanimité, les clients questionnés par le Journal soutiennent n’avoir jamais été informés de ce rappel par la clinique baie-comoise. « Une fois qu’on a acheté notre machine, on n’entend plus parler d’elle », ont déploré neuf d’entre eux.

Le Manic s’est entretenu avec 16 personnes ayant fait affaire avec la Clinique du sommeil Beaulieu. Leur histoire est différente, mais dans tous les cas, les clients trouvent inacceptables les agissements de Stéphanie Beaulieu.

Voici une partie des témoignages recueillis. Notons que les prénoms de ceux qui ont souhaité témoigner à visage couvert ont été modifiés.

Yves

Diagnostiqué avec l’apnée du sommeil sévère en 2020, Yves s’est rendu à la Clinique du sommeil Beaulieu pour faire l’acquisition de son appareil et obtenir des suivis. Son appareil faisant partie du rappel Philips, le client s’est fait prêter une nouvelle machine par la clinique aux frais de ses assurances.

« Elle m’a clairement dit qu’elle s’arrangerait avec ça elle-même », raconte-t-il. Perplexe de la légalité de cette action, Yves a appelé ses assurances pour leur expliquer la situation. Un enquêteur s’est rendu sur les lieux pour clarifier le tout. Yves reproche à Stéphanie Beaulieu son manque de professionnalisme et le langage inapproprié auxquels il a eu droit. Il dit avoir signalé ces comportements à l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OPIQ) lors des événements.

Snadrina, Amélie, Jonathan et Nadine

Les deux femmes ont une histoire similaire. Vivant à l’extérieur de la région, elles ont respectivement fait affaire avec la Clinique du sommeil Beaulieu pour passer des tests d’apnée du sommeil. Dans les deux cas, elles n’ont jamais reçu les résultats de leurs examens. Pourtant, des factures de 75 $ ont été chargées à leurs assurances personnelles. « C’est inacceptable, c’est frauduleux », déclare Snadrina.

Amélie s’est rendue directement à la clinique pour demander ses résultats après neuf mois d’attente. Vivant en Estrie, il lui était obligatoire de mettre la main sur ses résultats pour sa condition médicale. Sur les lieux, elle constate que la porte de la clinique est débarrée. Elle confie avoir vu des dossiers et documents confidentiels pêle-mêles partout sur le plancher.

La propriétaire lui explique alors que son système informatique et téléphonique s’est fait pirater par un ancien employé. « Elle m’a dit que les données ont été volées et vendues », se souvient-elle. Stupéfaite, elle réalise que ses propres données font partie de la vente et elle ne comprend pas ne jamais avoir été avisée. « Je dénonce son manque de professionnalisme », lance Amélie.

« En cherchant dans ses piles, elle nommait les noms des dossiers à voix haute, aucun dossier ne se trouvait dans les classeurs et n’importe qui aurait eu accès facilement », déplore celle qui a d’ailleurs fait une plainte formelle à l’OPIQ, toujours en attente de leur part.

Jonathan et Nadine ont fait des tests d’apnée du sommeil en 2022 et 2023. Ayant déboursé chacun 50 $, les deux clients n’ont jamais reçu de nouvelles de la clinique de Baie-Comeau concernant leurs résultats.

Jean

Livreur, il tombait endormi partout. « J’ai manqué frapper deux cyclistes », rapporte-t-il. Référé par son médecin, Jean s’est rendu à la Clinique du sommeil Beaulieu en 2019. Stéphanie Beaulieu lui a fait passer un test et a confirmé elle-même qu’il souffrait d’apnée du sommeil. Elle lui aurait vendu un appareil CPAP qui est principalement utilisé pour traiter l’apnée obstructive du sommeil. Petit problème, le débit d’air de sa machine était dysfonctionnel. N’étant pas en mesure de régler le problème, Mme Beaulieu a recommandé Jean à la clinique du sommeil de l’hôpital de Chicoutimi. On lui prescrit alors un second appareil BiPAP pour traiter l’apnée centrale du sommeil, l’apnée complexe du sommeil ou la BPCO. Mme Beaulieu a demandé à Jean de rapporter sa machine CPAP qu’il avait déjà payée 2 500 $ lui expliquant qu’elle était ciblée par un rappel et qu’il en recevrait une en échange par la compagnie Philips.

Pendant ce temps, le client utilise sa machine Bipap adaptée à sa condition médicale, mais il attend de recevoir son nouvel appareil CPAP qu’il pourra offrir à sa mère qui en a besoin. Il tente d’appeler la clinique et de se rendre sur place à plus d’une reprise. Il réussit finalement à parler à la propriétaire. Elle lui aurait mentionné avoir bien reçu sa machine, mais que celle-ci ne lui servirait pas puisqu’il doit utiliser une BiPAP. Jean se défend de l’avoir déjà payé. « Elle m’a dit qu’est-ce que tu vas faire avec ça », dit-il. Mme Beaulieu n’aurait jamais voulu offrir un remboursement ou donner l’appareil à Jean. « Je me suis fait voler 2 500 $ », témoigne-t-il amèrement.

Jessy

Jessy doit se prévaloir d’un appareil d’apnée du sommeil en 2022 après un diagnostic sévère. Stéphanie Beaulieu lui confirme qu’elle a commandé sa machine lorsqu’elle a fait le paiement total, soit de 3 025 $ le 30 janvier 2023. Jessy tente de comprendre la situation par courriel avec Mme Beaulieu pendant plusieurs mois. Celle-ci lui aurait répondu que Jessy n’était pas urgence. Irritée de la situation, la cliente a contacté l’OPIQ et s’est plainte de Stéphanie Beaulieu. « J’ai parlé à un homme qui m’a dit être au fait de la situation et qu’il allait s’occuper de mon dossier personnellement », raconte-t-elle.

Après avoir mis beaucoup d’énergie, Jessy a finalement reçu son appareil il y a quelques semaines. « Est-ce que je me serais fait frauder de milliers de dollars si je n’avais rien dit ? » se demande-t-elle encore.

Karine

Karine a fait l’achat d’un appareil Airmini pour son conjoint qui souffre d’apnée du sommeil. Elle a payé la totalité, soit 1 525 $ le 4 mai 2024. Après de nombreux échanges courriel avec Stéphanie Beaulieu prétextant toujours qu’elle allait s’occuper « de ça » plus tard, Karine s’est tournée vers le bureau du syndic de l’OPIQ le 24 juillet.

« Il n’était plus possible d’appeler ni d’écrire de courriel », se rappelle-t-elle. « Un homme m’a répondu être bien au fait de la situation de Stéphanie Beaulieu et que je n’étais pas son premier appel à ce sujet. » « Le 11 septembre, il m’a confirmé que le bureau du syndic envoyait une lettre à Mme Beaulieu pour intervenir d’ici les deux prochaines semaines », ajoute-t-elle. Toujours sans appareil, Karine n’a pas de nouvelles de la Clinique du sommeil Beaulieu ni de l’OPIQ.

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