Le rêve de la Ferme Lu-Dy et fils menacé

Par Emelie Bernier 6:00 AM - 19 novembre 2024 Initiative de journalisme local
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« J'ai été élevé sur une ferme bovine. Mon objectif a toujours été de démarrer ma ferme pour mes enfants, pour transmettre ce savoir important comme valeur familiale. J'aurais peut-être fait ça différemment si j'avais su... » - Ludovick Gélinas « J'ai été élevé sur une ferme bovine. Mon objectif a toujours été de démarrer ma ferme pour mes enfants, pour transmettre ce savoir important comme valeur familiale. J'aurais peut-être fait ça différemment si j'avais su... » - Ludovick Gélinas Photo Valérie Reus

La déviation de la route 138 et toute l’incertitude qui l’accompagne menacent de faire voler en éclat le rêve fermier de Ludovick Gélinas et Wendy Gauthier, à Rivière-Pentecôte.

« L’objectif en s’installant à Pentecôte a toujours été d’avoir une ferme, d’en tirer un revenu, de développer notre autonomie alimentaire et celle de notre secteur, de faire de l’agrotourisme », indique Ludovick Gélinas, également policier à la Sûreté du Québec.

Sa compagne, Wendy Gauthier, est native du village. 

Ils ont acquis leurs premières terres en 2015. Les animaux y ont élu domicile en 2017. La ferme a été constituée officiellement en entreprise, en 2022. Un verger de 500 pommiers devait commencer à émerger de terre au printemps 2025. Mais une épée de Damoclès plane : le projet de déviation de la route 138. 

« Notre objectif était de planter ces arbres-là dans l’emprise du tracé projeté. On s’en est rendu compte, quand on va vu la carte, en 2021. J’avais questionné le MTQ, qui disait que ce n’était pas un tracé définitif, qu’on serait consulté, mais on n’en a plus jamais entendu parler », raconte M. Gélinas. « Avant de planter des arbres, faut qu’on sache s’ils vont être coupés dans 5, 8, 10 ans, en pleine production ! J’ai les deux pieds sur le frein. »

Le sujet a refait surface au conseil municipal (voir autre texte), quand la demande au Bureau en érosion et submersion côtières a été officialisée.

Les fils du couple, Nathan Gélinas, 9 ans et Christophe Gélinas, 5 ans, ont leur propre petite entreprise sur la ferme. Leurs 2 500 plants de fraises pourraient disparaître sous une couche d’asphalte. 

Déplacer le champ de fraises, tout comme relocaliser le futur verger, ne sont pas des options simples sur leur propriété actuelle.

Les producteurs ont débroussaillé et préparé une partie de leurs terres pour y planter 500 pommiers. C’est à cet endroit que le nouveau tracé de la route pourrait passer. Photo courtoisie

« On a racheté un 30 hectares pour faire des phases 2 et 3, mais je ne peux même pas dire “je vais déplacer mon verger et mes champs”, parce que la partie cultivable est exactement la section qu’eux visent dans leur tracé préliminaire », explique Wendy Gauthier. « Si la route passe là, le projet est terminé… » se désole la femme, qui complète actuellement un AEC en culture de vergers nordiques. Elle travaille également pour le CISSS Côte-Nord. 

« Et même si on réussissait à trouver un autre endroit, y’a rien qui dit qu’ils ne vont pas changer le tracé et passer carrément dans notre verger ! On dirait qu’ils ont fait le tracé sur Google map ! En plein dans le seul secteur où il y a de la terre arable », s’indigne Ludovick Gingras. 

Les propriétaires de la Ferme Lu-Dy ont eu accès à des captures d’écran. En rouge, leur lot principal. En noir, le « corridor d’étude » préliminaire qui couperait leur terrain en deux, en plus d’empiéter sur la majorité de la zone cultivable. Image courtoisie

À l’instar du maire Thibault, ils souhaitent être tenus au courant des tractations qui pourraient avoir de sérieux impacts sur leur entreprise. 

« On a mis toute notre énergie, financière comme physique, pour bâtir un projet qui respecte les normes. On a engendré des dizaines de milliers de dollars de frais. Est-ce que c’était en attendant qu’un jour, un fonctionnaire vienne cogner à ma porte pour me dire qu’ils vont venir saboter ce qu’on a construit ? Faut que le MTQ comprenne qu’il y a des gens dont le projet de vie est en suspens. Il faut minimalement nous consulter. »

« Pas juste pour nous »

Si le duo Gélinas Gauthier se sent particulièrement concerné par le projet de déviation, celui-ci aura des impacts majeurs sur toute la communauté de Rivière-Pentecôte.

« Notre projet à nous, c’est la ferme, mais ça touche tout le monde ! On n’a pas de service d’aqueduc, on s’arrange, mais toutes les sources d’eau sont dans l’emprise du futur tracé. On s’est toujours organisé, c’est pas toujours champion, mais si tu viens couper le seul accès à l’eau, on boit de l’eau de mer ? Ça marche pas », lance M. Gélinas.

Pourtant, une autre option est possible. Et viable, selon eux. « S’iIs dévient le projet de 250 mètres vers le nord, ils vont être sur des terres publiques, dans le sable. Et ils ne nous entendront plus jamais chialer ! On parle pas juste pour nous. On parle des sources d’eau de tout Pentecôte ! », conclut le couple. 

Le MTQ consultera… le temps venu