Le polarisant retour sur scène d’Éric Lapointe à Sept-Îles

Par Emy-Jane Déry 5:05 AM - 26 novembre 2024
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Éric Lapointe. Photo Jean-Charles Labarre/spinprod.com

Éric Lapointe montera sur scène deux soirs à Sept-Îles, à l’automne 2025. Le retour de celui qui a plaidé coupable de voies de fait sur une femme en 2020 ne fait pas l’unanimité. Avant d’en arriver à cette décision, la Salle Jean-Marc-Dion admet qu’une bonne réflexion a dû être menée, mais il n’est pas le premier ni le dernier artiste controversé à entraîner ce genre dilemme moral. Comment les diffuseurs doivent trancher la délicate question ?

« Je me sens toujours un peu entre l’arbre et l’écorce. Les gens nous le demandent, ils veulent le voir, mais je sais qu’il y a des gens à qui ça ne fait pas leur affaire », dit Émilie Lavoie, directrice générale de la Salle Jean-Marc-Dion. 

La venue d’Éric Lapointe les 26 et 27 septembre 2025 a fait l’objet de nombreuses discussions de coulisse. Le conseil d’administration de la salle, les employés et la directrice ont échangé en long et en large sur la question. 

Essentiellement, on nous dit qu’on se base plusieurs éléments, dont « le message public » diffusé par l’artiste, pour prendre une décision. Chaque cas est unique.

« Sur scène, est-ce que l’artiste va venir livrer un discours qu’on ne veut pas endosser », cite Mme Lavoie en exemple.  

Dans la dernière année, Éric Lapointe a cumulé les entrevues et apparitions publiques, dans le cadre d’un retour progressif. Il a tenu un discours dans lequel il ne semblait pas tenter de se défiler, choisissant plutôt d’assumer ses torts, selon Mme Lavoie.    

N’empêche, sa récente présence au Gala de l’ADISQ n’a pas fait l’unanimité. 

L’annonce de sa venue sur les réseaux sociaux de la Salle Jean-Marc-Dion, le 27 octobre, ne semble pas avoir fait trop de vagues, mais a quand même généré plus d’une centaine de commentaires.

« Il y a des gens qui ont commenté en disant “non merci”, mais on n’a pas de levée de boucliers », a dit Émilie Lavoie. « La majorité des messages étaient que les gens étaient heureux de le revoir. Peut-être que c’est seulement que, les gens que ça n’intéresse pas, n’achèteront juste pas de billets. » 

Le rockeur fera deux soirs de spectacle à Sept-Îles, qui sera d’ailleurs son seul arrêt sur la Côte-Nord. Il traîne avec lui une vingtaine de personnes (équipes techniques, musiciens), ce qui complique un peu les déplacements, qu’il préfèrerait concentrer au même endroit. On peut penser que le fait que sa mère réside à Sept-Îles vient jouer dans la balance du choix de lieu. Qui plus est, Éric Lapointe célèbrera son 55e anniversaire, le 28 septembre. 

« Les gens nous le demandent tellement, c’est un monument de la région », dit la directrice de la Salle Jean-Marc-Dion.  

Protéger les diffuseurs

Au Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est du Québec (ROSEQ), il a fallu avoir une réflexion dans les dernières années, particulièrement à la suite du phénomène MeToo

« Effectivement, c’est très polarisant, c’est très sensible », admet son directeur général, Frédéric Lagacé.  

L’organisation coordonne plusieurs tournées sur le territoire de la Côte-Nord. 

« On sentait le besoin de se protéger et il ne ressortait pas une homogénéité dans les points de vue [des diffuseurs] », résume-t-il.

Les diffuseurs n’ont pas tous la même vision de la conduite à adopter face à ces cas d’artistes controversés souhaitant revenir sur scène. 

« On a décidé de ne pas être juge à la fois du choix du diffuseur et de celui du public », dit M. Lagacé, laissant plutôt chaque entité gérer à sa manière. « C’est une question de valeur et de culture d’organisation, il n’y a pas un modèle qui est pareil. » 

Toutefois, une clause a été ajoutée aux contrats pour protéger les diffuseurs.  

« Si un artiste devait faire l’objet d’une dénonciation ou d’une condamnation, on les avertit à la signature que c’est de la responsabilité de l’équipe de l’artiste de tenir le diffuseur indemne par une annulation, ou un dédommagement », explique-t-il.