Atteint d’un cancer du poumon, Richard Perron veut bien préparer son départ
Richard Perron a immortalisé des souvenirs avec toute sa famille avant son départ et il a écrit une lettre à chaque membre de sa famille proche. Photo Marie-Noëlle Tremblay
Richard Perron est atteint du cancer du poumon et, depuis un an, il a cessé ses traitements de chimiothérapie. Il profite plutôt du moment présent et surtout, il s’affaire à bien préparer son départ.
Originaire de Sacré-Cœur en Haute-Côte-Nord et résident de Baie-Comeau depuis près de 40 ans, Richard Perron a eu le temps de réfléchir à la mort.
C’est à l’automne 2021 qu’il a reçu son diagnostic. On lui a enlevé un poumon quelques mois plus tard, mais malgré des traitements médicaux, son état ne s’est pas amélioré.
Le 14 décembre 2023, il a choisi de finir sa vie dans la dignité et a commencé les soins palliatifs. Son médecin lui donnait alors 9 à 12 mois à vivre. « Il m’a dit de profiter de mon été », se remémore Richard Perron, qui est confiant de pouvoir vivre un dernier Noël.
Quand on reçoit un tel pronostic, les réactions peuvent être différentes et nombreuses. Pour M. Perron, le concept de profiter du moment présent est rapidement entré en jeu. Il n’a pas écrit sa liste de souhaits noir sur blanc, mais il en avait une dans sa tête.
« Pour moi, c’était l’élément le plus positif de cette démarche-là. Parce que depuis cette année, depuis qu’on sait que je ne guérirai pas, et même avant, on avait une philosophie de vie qui était dans le temps présent », raconte-t-il, rencontré chez lui par Le Manic.
« On a fait beaucoup de choses avec notre famille et nos enfants. Et là, on a amplifié ça parce qu’on savait que le temps était précieux », ajoute celui qui a cessé de travailler il y a tout juste un mois.
L’autre point important aux yeux de Richard Perron : se préparer à quitter ses proches. « Ça, c’était une autre chose pour laquelle on a eu du temps pour réfléchir. Quand les gens apprennent qu’ils vont décéder dans un mois, ils n’ont pas cette période de réflexion. Nous, on l’a eue cette opportunité », dit-il.
Aide médicale à mourir
Une de ses premières décisions a été de s’informer sur l’aide médicale à mourir. Il ne voulait surtout pas répéter l’expérience de la mort qu’il avait vécue avec son père il y a 40 ans. « Mon père, à 53 ans, il a eu la même maladie que moi », dévoile M. Perron.
« Ce n’était pas très heureux comment ça s’est passé. Il souffrait énormément et à l’époque, il n’était pas question d’aide médicale à mourir. Et puis l’entourage, surtout nous, on était de jeunes enfants, ça n’a pas été de beaux souvenirs. Alors moi, je ne voulais pas rentrer dans cette dimension-là », se désole encore aujourd’hui l’homme de 65 ans.
Son épouse Nora Pineault, aussi originaire de Sacré-Cœur, l’accompagne dans sa démarche depuis le tout début. Ensemble, ils ont obtenu les informations nécessaires pour bien comprendre l’aide médicale à mourir. Tous les 90 jours, Richard Perron doit signer un document avec ses volontés. Le dernier qu’il a approuvé l’amène au 20 janvier.
Les parents ont également tenu à être transparents avec leurs garçons, tous deux dans la trentaine. « Il y a des revers à ça parce qu’à chaque mauvaise nouvelle, ils sont en attente de connaître cette nouvelle. Il faut la communiquer, puis ça, c’est dur. Moi, je trouve que c’est l’étape la plus difficile », admet le grand-papa de six petits-enfants.
Un de ses critères le plus important pour la fin de ses jours est la dignité. « Je veux garder ma dignité en tout temps auprès des enfants parce que quand je repense à mon père, à la fin, ce n’était pas drôle. Je ne veux pas me rendre là, ce n’est pas utile », laisse-t-il tomber.
Il y a aussi une question de souffrance. « Actuellement, je souffre, mais c’est contrebalancé par des médicaments, mais ça a une fin. Ça peut devenir très douloureux. Pour les proches, c’est très douloureux aussi de voir partir quelqu’un graduellement en perdant ses facultés », poursuit-il.
Un party d’adieu
« Préparer sa mort, c’est beaucoup de travail », partage Richard Perron qui a voulu soutenir sa conjointe dans cette épreuve. Il s’est d’ailleurs investi pour l’organisation de son party de funérailles auquel il a assisté le 9 novembre.
« Quand le médecin a dit à Richard de profiter de son été, il m’a rapidement parlé d’organiser un rassemblement, mais on était tous les deux très fatigués. Finalement, l’idée est revenue quand on a discuté des funérailles et je lui ai dit pourquoi on ne l’organise pas le rassemblement que tu souhaitais », se rappelle Nora Pineault.
Ce sont finalement près de 250 personnes qui ont assisté à l’événement d’adieu tenu à l’hôtel Le Manoir. « On ne s’attendait pas à recevoir autant de monde », témoigne Mme Pineault précisant que des personnes de partout au Québec se sont déplacées pour l’occasion.
Que ce soit des membres de la famille, des amis ou encore des collègues de travail, tous voulaient dire un dernier au revoir à M. Perron. « Ça a généré beaucoup d’anxiété chez des personnes qui ne savaient pas trop à quoi s’attendre », s’est aperçue l’organisatrice.
Un horaire chargé était au programme de la journée qui a débuté à 14 h pour se finir aux petites heures du matin. Bien entendu, Richard Perron a pris la parole remerciant les gens pour leur présence.
« Je dois maintenant regarder la mort dans les yeux, a-t-il lu. Cette mort implacable qui disposera de mon corps inerte. Cette mort qui gagne le combat inégal, mais qui ne vaincra pas mes souvenirs : mon amour pour la vie, pour le plaisir et pour le rire. »
Ensuite, se sont enchaînés les hommages, la présentation de vidéos et de souvenirs, le tout bien enveloppé de pièces musicales choisies par M. Perron.
« Je voulais que ce soit un événement sobre. Oui, il y a eu des émotions, mais ça a été festif aussi. On a eu du plaisir, on a ri et il y avait de l’humour », s’enchante le Baie-Comois précisant que les personnes présentes ont apprécié la cérémonie. « Je le faisais pour moi au départ, mais ça leur a fait du bien à elles aussi. »
Bilan et réflexion
Ces funérailles peu communes ont suscité la réflexion chez la famille et les amis de Richard Perron. « Est-ce que j’atteins l’équilibre dans les différentes sphères de ma vie ? Est-ce que j’ai négligé ma famille par rapport au travail ? Si ça m’arrivait, quels choix est-ce que je ferais ? Est-ce que l’aide médicale à mourir, ça me parle ? », se sont-ils questionnés.
« Je trouve que l’événement, si ça a permis ça, bien, je suis très content. Moi, je n’ai pas de regrets. Il n’y a rien de parfait dans la vie. Mais les valeurs que j’ai reçues, que j’ai continué à transmettre, pour moi, ça a été gagnant. Je ne peux pas demander de mieux », affirme sereinement le père de famille.
De la politique à l’hydroélectricité
Richard Perron est bien connu dans la région d’abord par son passage dans le monde de la politique. Il a été l’attaché politique de son oncle Ghislain Maltais pendant 11 ans avant de partir vivre un an à Vancouver avec sa conjointe Nora et ses deux enfants.
À son retour au pays, il a œuvré quelques années au sein du ministère de la Culture. Finalement, il a été recruté par Hydro-Québec dans le volet des communications et c’est à cet endroit qu’il a terminé sa carrière il y a un mois.
« J’ai été responsable de Bersimis-1 et Bersimis-2 à Forestville. J’ai été 4 ans à Manic-5. Et après, j’ai été nommé directeur pour la Baie-James », énumère M. Perron qui a donc cumulé 25 années de carrière chez Hydro-Québec.
Outre son travail, le Baie-Comois s’est également impliqué dans la communauté dans plusieurs sphères, mais notamment en éducation. C’est lui qui a lancé le programme Un choix pour l’avenir qui a permis aux jeunes d’effectuer un stage d’un jour en milieu de travail durant 11 ans. « Ça m’a apporté beaucoup de redonner à la communauté », soutient-il.
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