L’hydrogène vert, encore dans la course ?
Une maquette du projet d'usine de Hy2gen. Courtoisie
Les instances économiques de Baie-Comeau appuient sans réserve l’usine de Hy2gen qui, grâce à un bloc énergétique de 307 mégawatts obtenu d’Hydro-Québec, souhaite y construire une usine pour produire de l’hydrogène vert. Mais si on se fie aux fluctuations du marché, l’hydrogène vert n’est peut-être pas la panacée promise…
Dans un récent article de la Presse titré Hydrogène : la bulle se dégonfle, la chercheuse Johanne Whitmore, de la Chaire en gestion de l’énergie de HEC Montréal, soulève des doutes sur la pertinence d’utiliser cet élément pour décarboner certaines industries, notamment dans le domaine du transport.
Le PDG de Hy2gen, Cyril Dufau-Sansot, se fait rassurant quant au projet de l’entreprise à Baie-Comeau.
« Il y avait beaucoup d’espoir fondé sur le transport routier, ou même maritime, et il y a des choses qui se décalent dans le temps pare que la réglementation n’impose pas suffisamment vite de se tourner vers ces solutions-là. Dans les faits, c’est plutôt dans le transport et moins dans l’industrie que la bulle se dégonfle », nuance-t-il.
La singularité de l’hydrogène vert qui sera produit à Baie-Comeau est son usage. Celui-ci n’est pas destiné à être utilisé sous forme de carburant, mais servira plutôt à la production d’ammoniac, un ingrédient essentiel dans la fabrication des explosifs du secteur minier, rappelle-t-il.
« L’électricité verte est une ressource rare et de plus en plus coûteuse qui doit être utilisée judicieusement », indique Mme Whitmore, une assertion à laquelle M. Dufau-Sansot adhère.
« Actuellement, toute la chaîne de production d’ammoniac est faite à partir du gaz naturel, très émetteur de gaz à effet de serre. Ce qu’on va faire est vraiment en ligne avec ce que dit Mme Whitmore. Il faut remplacer de l’hydrogène gris produit à partir de matière fossile par de l’hydrogène vert dans des usages industriels. »
Une tonne d’hydrogène gris produit à partir du gaz naturel relâche 10 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. « C’est énorme ! Si on produit l’ammoniac à partir d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau, le procédé est complètement décarboné », explique-t-il.
Autonomie 101
La dépendance de la province aux fournisseurs américains est un point très important à considérer, selon Cyril Dufau-Sansot.
« Présentement, le Québec importe des États-Unis le nitrate d’ammonium essentiel à son industrie minière. Avec les coûts logistiques et les risques de marché, surtout en ce moment avec l’élection de Trump, on ne sait pas comment ça va se passer. Notre but est de rapatrier un produit qui est essentiel pour les minières et faire du développement économique plutôt que d’importer et de dépendre des États-Unis pour l’approvisionnement. »
Hydro-Québec a accordé 307 mégawatts au projet de Hy2gen. Certes, les besoins énergétiques de l’usine de Hy2gen sont énormes, M. Dufau-Sansot ne le nie pas. « Ça prend de l’énergie produire de l’hydrogène vert, et il faut qu’elle vienne de quelque part. Est-ce qu’on veut continuer à polluer ou est-ce qu’on veut décarboner ? Dans ce cas, ça prend de l’électricité. »
L’usine fournira les minières du Québec en exclusivité. « La taille de l’usine servirait à assouvir le besoin du Québec en 2030 », indique le PDG.
Des phases 2 ou 3 pourraient-elles s’ajouter ? « Pour le moment non. Aujourd’hui, on voit la difficulté pour obtenir des mégawatts. Planifier une phase 2 ou 3 alors qu’on ne sait pas si on aura les mégawatts, ce n’est pas raisonnable. Ça ne changera pas. »
Les investissements voisineront les 2 milliards de dollars et environ 250 emplois seront créés.
Hy2gen priorise Baie-Comeau
L’entreprise Hy2gen a plusieurs projets, mais le projet de Baie-Comeau est au top de la liste. « C’est la priorité numéro 1. C’est celui qui est le plus avancé », résume le PDG, Cyril Dufau-Sansot.
L’acceptabilité sociale du projet est « une des considérations les plus importantes ».
« Dès juin, après l’annonce de la sélection du projet par le gouvernement du Québec, on est venu rencontrer les parties prenantes. On va venir à la rencontre du public bientôt. Depuis plus de deux ans, on a noué des liens avec les Innus de Pessamit. On veut travailler sur les enjeux en termes d’emploi, de logement, etc. On sait qu’il y a un processus de BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement) et on va s’y soumettre volontiers. »
Hy2gen souhaite déposer dès janvier l’avis de projet au ministère de l’Environnement. « On va rentrer dans la phase d’études environnementales. Ensuite, avant l’été, on souhaite lancer nos études détaillées. Une fois qu’on aura le permis de l’Environnement, on estime mi-2026, ensuite on pourra passer en phase construction. »
L’écosystème sera rentable au jour 1, selon le PDG, et pas juste pour l’entreprise. Pour ses futurs clients également.
« À partir de 2030, la taxe carbone sera prise en compte et pour les minières, utiliser des explosifs non décarbonés va représenter un coût assez important, de par l’empreinte de GES de ces explosifs. Selon nos calculs rapides, le coût en taxe carbone annuellement sera de 150 à 200 M$ pour les minières de la province en taxe si on n’utilise pas des explosifs décarbonés. Ça joue sur la compétitivité des produits du Québec. »
Baie-Comeau « 100 % derrière le projet »
La « mauvaise » presse sur l’hydrogène vert ne sème pas le doute sur le terrain. Guy Simard, directeur du développement industriel chez Innovation et Développement (ID) Manicouagan, croit encore fermement que le projet de Hy2gen a sa place à Baie-Comeau.
« L’hydrogène vert a beaucoup d’avenir. Pour la mobilité légère, les automobiles, non, ce n’est pas la bonne technologie, mais pour la mobilité lourde, c’est le contraire. Est-ce que les marchés sont prêts aujourd’hui ? C’est une autre question, mais il y a de la place dans l’hydrogène dans le portefeuille énergétique mondial », estime-t-il.
Dans le cas de l’usine de Baie-Comeau, l’hydrogène contribuera à la décarbonation du secteur minier. « Si on n’a pas l’hydrogène pour créer l’ammoniac vert qui rentre dans la fabrication des composantes des explosifs, il faudra se tourner vers les gaz naturels, des hydrocarbures. On ne peut pas le faire autrement. »
Guy Simard estime que l’hydrogène fera sa niche dans des segments de marché ciblés. « Faut pas penser que c’est la solution à tout », conclut-il, confiant toutefois que l’usine de Hy2gen sera bénéfique pour l’économie de Baie-Comeau.
Une visite prévue bientôt
Le PDG d’Hy2gen Cyril Dufau-Sansot sera bientôt de passage dans la ville qui a ouvert grandes ses portes à son projet. « On va venir à la rencontre des Baie-Comois dès qu’on a la confirmation officielle des détails de l’allocation des mégawatts par le gouvernement, ce qui devrait arriver dans les jours qui viennent », indique-t-il.
Cette visite sera l’occasion d’expliquer dans le détail le projet. « Ça n’a pas été fait encore parce qu’il nous manquait des éléments administratifs qui ont une influence sur le design global du projet, mais pas sur son objet en lui-même, soit décarboner les explosifs pour les minières. »
Il souhaite que cette visite de courtoisie ait lieu avant la fin de l’année.
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