Mines et acceptabilité sociale: comment faire passer la pilule?
Le Québec déroule le tapis rouge au secteur minier. La province est notamment la première au pays à détenir un plan pour la mise en valeur des minéraux critiques et stratégiques et accueille près de 50% des projets de lithium au Canada. Le développement minier fait partie intégrante de la vision d’avenir du gouvernement, mais encore faut-il que la population se range à ses côtés…
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Chaque année, la firme Ernst et Young établit un palmarès des risques encourus par le secteur minier. L’acceptabilité sociale y figure, bon an mal an.
Au printemps 2023, le MRNF a mené la démarche participative Pour un développement harmonieux de l’activité minière. Des représentants de la société civile, des intervenants ciblés et des chercheurs ont été invités à y participer. Au total, 2 482 interventions ont été recensées et les résultats ont été dévoilés en octobre 2023.
Le respect de l’environnement, le respect des communautés et leur implication le plus en amont possible, la transparence de l’État et l’accès à une information vulgarisée, l’amélioration de la prévisibilité et l’encadrement de « l’après-mine » sont parmi les préoccupations qui ont émané de la démarche et des quelque 118 mémoires déposés dans ce cadre, dont 13 en provenance de communautés et d’organismes autochtones.
« De plus, de possibles conséquences sur la qualité de vie, telles que les nuisances sonores, le volume de transport et le risque de pollution, ont été rapportées par les participantes et les participants », peut-on également lire dans le rapport du MRNF.
Mais la perception n’est pas que négative envers le secteur minier. Les retombées positives du secteur, son rôle structurant, entre autres pour la transition énergétique et le développement d’une économie verte ont fait l’objet de mention dans la consultation.
Les minières et leurs partenaires gouvernementaux ont tout de même fort à faire pour faire passer la pilule.
Un Indice d’acceptabilité en développement
Au récent congrès Québec Mines+énergie, le thème de l’acceptabilité sociale n’a pas été éludé, bien au contraire. Plusieurs conférences y étaient consacrées. On y a entendu des représentants de l’industrie, de la Société du Plan Nord et du MRNF, de même que des chercheurs comme Christophe Krolik qui enseigne le droit des ressources naturelles et de l’énergie à l’Université Laval.
Ce dernier a notamment participé à l’élaboration d’un Indice d’acceptabilité sociale des projets miniers spécifiquement dédié aux peuples autochtones.
« L’acceptabilité sociale, il y a plusieurs définitions, mais il n’y en a aucune qui est dans la loi. C’est ça la difficulté. (…) S’il n’y a pas de définition légale unique, il y a quelques consensus sur le fait qu’il faut adapter le projet aux aspirations du milieu », dit M. Krolik.
Les communautés n’ont pas les mêmes objectifs que les entreprises minières et elles ne parlent pas le même langage, affirme le chercheur.
« Chaque communauté, chaque projet minier, chaque entreprise a ses propres conditions. C’est important d’avoir des outils qui soient adaptés au contexte, à la spécificité locale », indique-t-il.
La démarche de l’Indice d’acceptabilité sociale est venue de la base.
« Ce sont les communautés qui sont venues nous voir pour nous dire “on aimerait pouvoir évaluer la perception de notre communauté d’un projet, qu’est-ce qui va bien, moins bien, selon telle ou telle catégorie de population, pour savoir si on va de l’avant ou pas, et savoir ce qui sera important à négocier”, résume-t-il.
L’outil, présentement en phase test, permet justement d’évaluer le niveau d’acceptabilité sociale d’un projet “qu’il soit énergétique ou minier, de comprendre les perceptions et de coconstruire, ensuite, le projet sur ces conditions d’acceptabilité sociale”, d’expliquer M. Krolik.
Décliné en deux questionnaires, l’un à l’intention des leaders des communautés et l’autre à l’intention de ses membres, l’outil se veut “simple et efficace”. Il sera disponible dans moins d’un an, pour toutes les Premières Nations du Québec. L’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador agit à titre de partenaire et d’intermédiaire sur le terrain.
Investir dans le capital humain
Julie-Simone Hébert, de la Société du Plan Nord, était également panéliste de la conférence Délicate équation entre développement minier et acceptabilité sociale : quand les institutions incarnent leurs rôles dans le développement responsable.
Son poste à la direction des programmes et des relations territoriales l’amène à travailler étroitement avec les communautés. Très impliquée dans le déploiement du programme Fonds d’initiatives nordiques, Mme Hébert a présenté divers projets déployés au nord du 49e parallèle, avec le soutien financier de la Société du Plan nord.
Il a été entre autres question de la maison de la famille IQITSIVIK à Salluit, le chantier-école en charpenterie menuiserie de Uashat mak Mani-utenam, l’écocentre en économie circulaire Taïga, à Radisson, ou le recyclage des résidus d’aluminium à Baie-Comeau.
La création du Plan Nord avait comme objectif de « contribuer au développement intégré du territoire nordique ». Au développement économique, bien sûr, mais au développement social également.
« La concertation est un thème très important pour l’orientation de nos mandats », indique Mme Hébert. En 2022-2023, l’équipe a visité 60 % des communautés du territoire nordique.
Non seulement la Société du Plan Nord supporte-t-elle les grandes infrastructures routières, portuaires ou de télécommunications, par exemple, mais elle a développé des outils financiers dédiés aux communautés nordiques, afin de mettre en place des projets au bénéfice de ces dernières.
Une des intentions dans la mise en œuvre du plan était de « supporter la prospérité des communautés en renforçant leur tissus social, ce qui connecte les membres ensemble et avec l’environnement », rappelle Mme Hébert.
Pour qu’elles ne soient « ni témoin ni victime » du développement économique qui a lieu dans leur milieu, les communautés sont intégrées dans l’implantation de projets concrets qui améliorent leur condition de vie, et, dans la foulée, ne nuisent probablement pas à l’acceptabilité sociale des grands projets industriels.
« C’est beaucoup de temps et d’investissements, mais les résultats sont très positifs. Toutes les communautés nordiques ont un potentiel de devoir travailler avec les minières. L’acceptabilité sociale passe par leur prospérité et par l’engagement de tous les acteurs », a conclu Mme Hébert.
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