De 10 à 14 collisions mortelles de moins par an, si le taux d’alcoolémie est abaissé

Par Patrice Bergeron, La Presse Canadienne 11:00 AM - 5 décembre 2024
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Le député de l'opposition Monsef Derraji questionne le gouvernement lors de la période des questions, le mercredi 26 avril 2023, à l'Assemblée nationale du Québec. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Après la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) et les coroners, c’est au tour de la Sûreté du Québec (SQ) de pencher en faveur de la réduction du taux d’alcoolémie permis au volant de 0,08 à 0,05, puisqu’il pourrait y avoir ainsi de 10 à 14 morts de moins par année sur la route. 

C’est ce qu’a appris La Presse Canadienne à partir de documents obtenus en vertu de la loi d’accès à l’information. 

Le gouvernement Legault a toujours refusé d’imposer des sanctions administratives aux conducteurs affichant un taux entre 0,05 et 0,08, mais il semble de plus en plus isolé, conclut le Parti libéral du Québec (PLQ), qui fait croisade sur cet enjeu. 

Les documents confidentiels de la SQ démontrent, chiffres à l’appui, que le Québec améliorerait son bilan routier s’il abaissait le taux permis de 80 mg d’alcool/100 ml de sang à 50 mg d’alcool/100 ml de sang, comme toutes les autres provinces.

Ainsi, selon les projections de la SQ établies à partir des résultats obtenus en Alberta et en Colombie-Britannique, le Québec pourrait voir une diminution de 10 à 14 collisions mortelles annuelles, dont 4 à 6 sur le territoire de la SQ, peut-on lire. 

Si le même exercice est échafaudé à partir du bilan en Ontario, il y aurait 5 collisions mortelles de moins sur les routes du Québec, poursuit-on.  

«Le risque de collision et de blessure est accru de manière significative à partir de 50 mg %», peut-on lire, dans une note datée du 7 décembre 2022.

«En ce qui concerne les collisions mortelles, ce risque est multiplié de  deux à neuf fois», poursuit-on. 

«À la lumière de la littérature scientifique, il appert que la performance générale des conducteurs décline  significativement dès l’atteinte du seuil des 50 mg %. (…) Une étude québécoise précise que le fait de conduire avec une alcoolémie variant entre 50 à 80  mg % augmente d’environ quatre fois le risque d’être impliqué dans une collision mortelle.»

On peut également lire dans l’analyse que les restaurateurs et bars «risquent de s’opposer» à l’adoption de nouvelles mesures en raison de «l’effet appréhendé sur la fréquentation et les ventes dans leurs établissements». 

On évoque précisément l’Association Restauration du Québec et la Nouvelle Association des bars du Québec.  

Caviardage «épouvantable»

Cependant, les recommandations sont caviardées dans les trois documents obtenus. 

Ce caviardage est «épouvantable», a dénoncé le député libéral Monsef Derraji, dans une entrevue avec La Presse Canadienne diffusée jeudi.

«Le ministre (de la Sécurité publique, responsable de la SQ) François Bonnardel doit sortir de son silence, est-ce que lui aussi va jouer à l’autruche et laisser le document caviardé?»

Les rapports de 2022 et de 2023 sont partiellement caviardés, mais celui de 2024 est pratiquement entièrement caviardé pour l’essentiel.   

Le député libéral de Nelligan a rappelé que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, n’avait pas rendu public un avis de la SAAQ qui considérait que des sanctions administratives pour les taux d’alcoolémie entre 0,05 et 0,08 étaient une «mesure porteuse». 

Elle avait dit ne pas avoir lu cet avis. 

En outre, un rapport du coroner Yvon Garneau avait déjà recommandé en 2021 d’étudier la faisabilité de cette mesure, mais trois autres rapports de coroner concernant la mort de trois autres usagers de la route vont encore plus loin. Ils recommandent clairement d’abaisser la limite à 0,05. 

Selon M. Derraji, il ne faut pas tolérer d’autres morts sur la route et adopter dès le début de l’an prochain une loi pour imposer des sanctions administratives à partir de 0,05.  

Le député libéral a lui-même déjà déposé un projet de loi en ce sens, mais le gouvernement caquiste ne l’a pas appelé pour étude, comme c’est le cas la plupart du temps pour les projets de loi de l’opposition.