Forestville : une octogénaire opérée et laissée à elle-même

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 15 janvier 2025
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Claire Caron de Forestville a été laissée à elle-même après une opération à un genou. Photo Johannie Gaudreault

Le 25 novembre, Claire Caron, 81 ans, de Forestville subissait une opération au genou. Le lendemain, on la renvoie à la maison, seule et sans service d’aide à domicile. 

Cette situation lui laisse un goût amer, pas seulement pour elle, mais pour « tous les autres aînés qui pourraient subir le même sort », dit-elle. 

« Je ne pouvais pas marcher, je suis seule, sans famille, dans mon appartement et je dois m’occuper de moi-même. Comment c’est possible ? Comment je fais pour prendre mes médicaments ou aller à la salle de bain ? », se demande celle qui regrette aujourd’hui son opération.

Comme elle n’a plus d’aide à domicile ni pour faire le ménage ni pour lui faire prendre son bain, son ancienne ayant démissionné, Mme Caron a eu peur de mourir sans qu’on la retrouve. 

« Si je tombe, qui va me retrouver ? questionne-t-elle en entrevue avec le Journal. Je vais mourir seule sur mon plancher. »

Refusée à l’hôpital

Son séjour à l’hôpital n’a pas non plus été de tout repos. Opérée à Baie-Comeau, on lui avait réservé une place à l’hôpital des Escoumins pour deux jours afin qu’elle puisse être entourée pour sa convalescence. Arrivée sur place, vers 17 h le jour de l’opération, sa demande a été perdue. 

« J’étais accompagnée d’un bénévole du Nordest. Par chance qu’il était là. Il a réussi à faire en sorte que je reste à l’hôpital au moins une nuit », raconte l’octogénaire. 

Ce bénévole dont elle fait mention se rappelle encore le piètre accueil qu’on leur a réservé à l’hôpital. « Il semblait ne pas avoir l’information qu’il la gardait à l’hôpital. Sur mon billet de transport, c’était indiqué que je devais l’apporter aux Escoumins. Je ne pouvais pas prendre la responsabilité de la ramener chez elle », clame Pierre Perron.

Le duo a été transféré d’un étage à l’autre jusqu’à ce que M. Perron parle avec la coordonnatrice. « Ensuite, un infirmier de l’urgence est venu nous voir pour nous dire que Mme Caron pourrait rester cette nuit », raconte le bénévole qui a fait des pieds et des mains pour arriver à ce résultat. 

« Ce qui me choque le plus dans cette histoire, c’est que personne ne faisait d’effort pour trouver une solution. C’était sûr et certain qu’ils ne la gardaient pas », ajoute Pierre Perron, qui n’avait jamais connu une pareille situation depuis qu’il est devenu bénévole en transport patient il y a 6 mois.

Un plan B

En contact avec sa travailleuse sociale, qu’elle qualifie d’humaine et attentionnée, Claire Caron a tenté par tous les moyens d’obtenir de l’aide à domicile. Elle a réussi à obtenir des services lors de son premier jour à la maison, mais c’est tout. 

« J’ai eu le temps de me faire laver le dos, de faire changer mon pansement et d’obtenir mes nouveaux médicaments avant qu’elles repartent », se remémore-t-elle. Par la suite, aucune autre aide ne lui a été proposée. 

Elle doit donc se tourner vers un plan B. « Je connaissais Daniel. Il était proche aidant pour sa mère jusqu’à tout récemment. Je n’aime pas demander de l’aide, mais je n’avais pas d’autres choix », laisse-t-elle tomber. 

Ce proche aidant a récidivé avec Mme Caron, sans être payé pour ses services, mais seulement pour aider l’aînée qui était laissée à elle-même. « Il m’a soutenu pendant un mois après mon opération », mentionne la Forestvilloise, reconnaissante.

Aujourd’hui, alors que son genou est guéri et qu’elle peut marcher, l’octogénaire pense aux autres personnes âgées dans sa situation. « Je trouve déplorable que les aînés à domicile ne puissent pas recevoir d’aide. Je ne suis pas la seule », dit-elle, voulant que les choses changent. 

Pas de coupure, dit le CISSS

Claire Caron croit que la coupure dans les chèques emploi-service par Santé Québec est à l’origine du manque de services auquel elle a eu droit. Toutefois, du côté du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord, on assure que non. “ Il n’y a pas de diminution des heures [dans les chèques emploi-service] ”, confirme le conseiller en communication, Pascal Paradis. 

Plusieurs critères déterminent si une personne peut recevoir des services via les chèques emploi-service. D’abord, “ l’intervenant au dossier de l’usager effectue une évaluation afin de vérifier si celui-ci a des besoins pour des services d’assistance personnelle ou activités de la vie domestique ainsi que le nombre d’heures dont il a besoin ”, explique le porte-parole du CISSS.

Par la suite, il y a trois conditions déterminantes afin de déterminer le prestataire de service, quel que soit le type de soins et services : la situation de l’usager, la sécurité pour l’usager, le proche aidant et l’intervenant et finalement, l’expertise, les compétences et l’encadrement requis pour la prestation.

Le CISSS de la Côte-Nord ne peut commenter le cas précis de Claire Caron pour des raisons de confidentialité.