Les tarifs de Trump et la Côte-Nord : des milliers de travailleurs sur le qui-vive

François Legault était en visite chez Aluminerie Alouette, jeudi, pour tenter de rassurer les travailleurs face à l'incertitude provoquée par la menace des tarifs américains. Photo Lucas Sanniti
L’entrée en vigueur des tarifs américains aura rapidement un impact sur l’économie canadienne et certaines régions du Québec seront plus touchées que d’autres, prévient un économiste du Mouvement Desjardins. Dans ce contexte, des milliers de travailleurs de la Côte-Nord sont sur le qui-vive.
Des tarifs douaniers américains de 10 % sur l’énergie canadienne et de 25 % sur tout le reste des produits du pays entrent en vigueur aujourd’hui.
« Ça va avoir un impact significatif et ressenti assez rapidement sur l’économie canadienne. On s’attend à des conditions de récessions, dès le deuxième trimestre, si les tarifs sont appliqués et maintenus », a dit Marc-Antoine Dumont, économiste du Mouvement Desjardins.
« L’inquiétude est grande dans nos régions et on va être très attentifs aux économies régionales qui pourraient être frappées de plein fouet », écrivait dimanche, le premier ministre François Legault, sur ses réseaux sociaux.
Or, il faut faire un peu la part des choses, estime Marc-Antoine Dumont.
« La Chine est le principal importateur du fer canadien, à 38 %, uniquement 6,4 % de notre fer va vers les États-Unis », a-t-il souligné. « Pour la Côte-Nord, les exportations de fer ne vont pas principalement vers les États-Unis, donc ça vient aider. »
Le Syndicat des Métallos représente plus de 5 000 travailleurs liés à l’industrie du fer sur la Côte-Nord, que ce soit chez ArcelorMittal, Minerai de fer Québec, Rio Tinto, ou à la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire (SFPPN).
« On craint le pire et on espère le mieux », a lancé Stéphan Néron, coordonnateur des Métallos sur la Côte-Nord. « Essentiellement, sur la Côte-Nord, c’est le minerai de fer. Est-ce que les clients vont absorber la hausse et que ça va continuer de produire ? On ne le sait pas. »
Les Métallos font des représentations contre les tarifs, par le biais de leur présence comme syndicat aussi de l’autre côté de la frontière et rappellent que ces tarifs sont dangereux pour les travailleurs des deux pays.
« Ce qu’on appréhende, dépendamment de ce qui va se passer avec les achats de la production (…) s’il y a une baisse quelque part, ça va se concrétiser par des mises à pied », a dit M. Néron, qui précise que pour le moment, le syndicat est sur le qui-vive et dans l’incertitude.
Au niveau de l’aluminium, le tarif pourrait être plus bas que le 25 % annoncé, avance l’économiste, Marc-Antoine Dumont.
Selon le décret signé par le président Donald Trump, il pourrait tomber dans la catégorie des minéraux critiques et écoper plutôt d’un tarif de 10 %. « Mais il y a encore beaucoup d’incertitudes et nous n’avons pas le détail », a-t-il indiqué.
À la fin de la semaine dernière, l’Aluminerie Alouette de Sept-Îles recevait la visite de François Legault. Il a tenté de venir rassurer les 950 travailleurs de l’entreprise, qui n’anticipait pas de modifications à son plan de production en 2025. Son président, Claude Gosselin, ne s’est toutefois pas caché qu’il se dessinait quatre années d’incertitude à l’horizon, avec l’arrivée de Trump aux commandes.
« Selon l’évolution de ce dossier, plusieurs marchés, autres que celui des États-Unis, sont également disponibles pour notre aluminium », a indiqué l’entreprise exportatrice, qui dit suivre de très près la situation.
Pas de répits
Les entreprises n’auront pas eu beaucoup de temps pour se préparer à faire face à ces mesures, digne du jamais-vu, depuis l’après seconde guerre mondiale.
« Pour une région comme la Côte-Nord, c’est sûr qu’il y a une certaine vulnérabilité », a commenté l’économiste, Marc-Antoine Dumont. « On parle d’industries qui pourraient se retrouver dans des conditions plus difficiles. Il n’y a pas eu de temps de préparation qui leur a été donné pour stocker de manière préventive, produire en avance, essayer de battre ces tarifs-là. »
Ce sera donc une course pour s’ajuster à cette nouvelle réalité. Actuellement, on estime que 100 000 emplois au Québec sont à risque en raison des tarifs, des chiffres « probablement sous-estimés », souligne M. Dumont.
La Chambre de commerce de Sept-Îles Uashat mak Mani-utenam (CCSIUM), qui est toujours à la recherche d’un nouveau directeur général, indique suivre de près la situation. Un sondage sera lancé auprès de ses quelque 300 membres, la semaine prochaine, « pour leur donner l’occasion de se faire entendre », a affirmé Ana Paola Ortega, responsable des communications de la CCSIUM.
Chez Développement économique Sept-Îles, pour le moment, aucun signe de ralentissement dans les projets en développement.
« Les projets que nous avons ne sont pas nécessairement ciblés directement sur les États-Unis. Donc, je dirais qu’à court terme, ça ne fait pas l’affaire de personne, mais nous ne sommes pas dans des deal breaker sur les projets que nous avons présentement », a indiqué Paul Lavoie, directeur de l’organisation.
M. Lavoie abonde dans le même sens que l’économiste du Mouvement Desjardins, le fer de la Côte-Nord profite d’autres marchés que de celui des Américains.
« Par rapport à nos entreprises, elles ne sont pas nécessairement toutes concentrées sur le marché américain, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Par exemple, le minerai de fer qui part de Sept-Îles ne s’en va pas tout vers les États-Unis. Ça circule vers l’Europe et en partie vers l’Asie. Il y a quand même déjà une certaine diversification de marché », note-t-il.
Pour Paul Lavoie, le contexte d’incertitude actuel vient rappeler une fois de plus l’importance de se diversifier.
« Encore une fois, il faut appuyer sur l’importance de ne pas mettre nos œufs dans le même panier tout le temps et diversifier le plus possible notre économie pour être moins fragile. »
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