CHRONIQUE | Sœur Rose, une force de la nature

Par Johannie Gaudreault 11:45 AM - 12 février 2025
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Sœur Rose Dorr a soufflé 106 bougies le 10 février. Photo Johannie Gaudreault

Elle a 106 ans, une santé de fer et l’énergie d’une soixantenaire. Sœur Rose Dorr a embrassé la religion à temps plein il y a 40 ans et, aujourd’hui, elle est une figure marquante de la Famille Myriam Beth’léhem. On la qualifie de « force de la nature ». 

Rien n’est ordinaire dans le parcours de cette dame persévérante et déterminée. Née en 1919 à Saint-Coeur-de-Marie au Lac-Saint-Jean, elle a perdu sa maman très jeune. Son père ayant refait sa vie avec une autre femme, elle s’est retrouvée avec son oncle prêtre qui l’a encouragée à étudier et travailler. Il a été sa figure de proue pendant de longues années.

Rose Tremblay, de son nom de jeune fille, a écouté les conseils de celui qui l’a toujours supportée. Elle est devenue infirmière et a même œuvré comme technicienne en laboratoire. C’est ce choix de carrière qui l’a amenée sur la Côte-Nord en 1955, plus précisément à Labrieville, où elle a rencontré Roger Dorr, l’homme qui deviendra son mari. 

C’est 10 ans plus tard que le couple emménage à Baie-Comeau avec son enfant. Sœur Rose devient veuve en 1975 après qu’un anévrisme ait emporté son époux. Elle continue à travailler dans les différents hôpitaux de la Manicouagan et à faire son nom auprès des médecins de l’époque qui ont tous de bons mots à son endroit.

À l’âge de 65 ans, elle prend sa retraite du monde de la santé même si ses collègues étaient nombreux à ne pas vouloir la perdre. Elle souhaitait d’abord et avant tout prendre du temps pour elle et pour voir du pays. Mais, c’est une autre passion qui l’attendait : l’amour de Dieu.

Changer de vie

La centenaire a toujours accordé de l’importance à la religion. Elle faisait partie des groupes de prières de Saint-Nom-de-Marie. C’est à cet endroit qu’elle a entendu l’appel de Dieu.

« Dans la prière, elle a entendu le Seigneur qui lui a dit “donne-moi ta retraite. Donne-la-moi, je vais faire fructifier ta retraite”. Elle a rencontré des personnes pour le discernement, elle est venue ici et en fin de compte, elle est restée », raconte Lise Henrichon, une petite sœur Myriam présente depuis les débuts de la communauté religieuse fondée à Baie-Comeau.

La nouvelle retraitée a vendu sa maison pour aller vivre à la communauté du boulevard La Salle. C’est plutôt rare qu’une petite sœur joigne le mouvement à cet âge avancé. 

« Il y en a eu quelques-unes, mais la règle habituelle dans les communautés, c’est pas plus de 40 ans. Comme on est une fondation nouvelle, on peut faire des exceptions », précise Sœur Lise Henrichon.

Tous ceux qui ont côtoyé Sœur Rose Dorr savent qu’elle ne fait pas les choses à moitié. Quand elle s’implique dans une tâche, elle se donne à 110 % et avec perfectionnisme. Elle ne laisse rien au hasard. Elle l’a prouvé à maintes reprises durant son parcours dans la Famille Myriam.

D’ailleurs, elle ne se gêne pas pour apprendre à la politesse aux jeunes. « Elle a beaucoup de caractère. C’est un chef », commente petite sœur Johanne Lavoie, qui s’occupe de la centenaire tous les jours. 

Pendant ses 40 années de vie au sein de la Famille Myriam, Sœur Rose s’est impliquée dans plusieurs départements, mais principalement à la couture et à la sacristie. 

« Quand elle était à la couture, elle était vraiment extraordinaire. Ensuite, elle s’est lancée à temps plein dans la sacristie. Elle faisait de la broderie. Alors, les voiles de tabernacle, il y en a plusieurs que c’est elle qui a fait. Les habits des prêtres aussi », se rappelle Sœur Johanne.

Même son amour de Dieu n’a pas de fin. Elle n’a jamais manqué une messe, et malgré sa condition de santé qui est moins bonne, il n’est pas question qu’elle reste dans sa chambre pendant la célébration. « Elle a toujours son chapelet à la main », relate celle qui en prend soin ajoutant que le chant est aussi un de ses grands plaisirs.

Sœur Rose Dorr, entourée de Myriam Larrivière, Lise Henrichon et Johanne Lavoie, des petites sœurs qui prennent soin d’elle. Photo Johannie Gaudreault

Perte d’autonomie

Quand on dit que Sœur Rose est une force de la nature, il ne faut pas remonter bien loin pour parler de sa perte d’autonomie. Ce n’est que depuis quelques années seulement qu’elle ne peut plus faire ce qu’elle faisait avant, notamment la couture et le jardinage. Deux de ses passions qu’elle a dû abandonner en raison de sa condition physique.

« Elle a jardiné jusqu’à 90 ans environ, raconte Sœur Johanne. Un jour, elle est tombée et s’est blessée à la tête. Elle a réussi à venir nous voir, les vêtements pleins de sable, pour qu’on l’amène à l’hôpital. Ça a été terminé après cet événement. »

Pour la couture, c’est sa motricité aux mains qui l’empêche de continuer. Mais ce n’est pas un manque de volonté, loin de là. « Quand elle a commencé à faire de l’errance, il y a deux-trois ans, elle voulait se rendre à la couture durant la nuit », illustre petite sœur Johanne pour démontrer qu’il s’agit d’une vraie passion.

Rose Dorr était également une sportive. Elle a fait du ski de fond jusqu’à 80 ans. C’est peut-être sa vie active qui lui a permis de traverser les années sans trop de problèmes de santé. 

Malheureusement, la semaine dernière, elle a subi un petit accident cardiovasculaire, selon les observations de sa préposée, ce qui l’a épuisée plus qu’à l’habitude. Elle n’a donc pas pu me divulguer le secret de la longévité. À la demande d’un conseil pour être heureux, elle a toutefois répondu : « Ça dépend des tempéraments. »

Une famille toujours vivante

La Famille Myriam Beth’léhem est une communauté religieuse, composée de petites sœurs et petits frères, toujours très active. Quand nous circulons devant la grande bâtisse du boulevard La Salle, on ne s’attend pas à autant d’activités à l’intérieur. 

C’est comme un nid rempli d’abeilles qui butinent un peu partout, dans plusieurs départements, pour rendre la vie en communauté plus radieuse. Il y a des comptables, des cuisiniers, des préposées, des sacristains, des organisateurs, des administrateurs, etc. Tout le monde utilise ses talents au bénéfice de la famille. 

Certains pourraient penser qu’on y retrouve que des aînés. Et bien non, je vous l’assure. Il y a des petites sœurs et des petits frères de tous les âges. Même si les nouveaux membres se font rares, il y en a tout de même qui se joignent à la communauté, mais plutôt ceux des autres maisons situées dans d’autres pays comme Haïti. 

Une des grandes qualités de la Famille Myriam, c’est l’accueil. On se sent les bienvenus dans cette belle et grande résidence, anciennement l’auberge du Roc. Que nous soyons des futurs mariés ou baptisés, des personnes en réflexion spirituelle ou tout simplement à la recherche de soi, il y a une place pour nous.

Sœur Rose Dorr écoute avec plaisir les témoignages de sa communauté. Photo Johannie Gaudreault