Des renards porteurs de la rage

Les renards arctiques sont curieux et moins craintifs envers les humains. Photo iStock
La Côte-Nord pourrait bientôt faire face à une menace sanitaire inattendue avec une surabondance de renards arctiques potentiellement porteurs de la rage.
C’est du moins l’avertissement lancé par la Dre Claudette Viens, médecin-conseil en maladies infectieuses au CISSS de la Côte-Nord, qui tire la sonnette d’alarme sur la situation.
Une prolifération hors norme
Selon la Dre Viens, les dernières observations montrent que ces animaux pourraient migrer vers la région d’ici peu. « Nous ne pourrons pas y échapper, mais nous pouvons éviter d’être contaminés avec de la prudence », prévient-elle.
« Depuis janvier, trois cas de rage ont été confirmés chez un renard arctique, un renard roux et un chien dans les communautés nordiques », souligne-t-elle.
Cette transmission inquiète les autorités, d’autant plus que plusieurs autres cas suspects ont été répertoriés.
Un danger réel pour les habitants
La rage est un virus qui se transmet par la salive, le contact avec le sang ou liquide céphalo-rachidien d’un animal infecté. Cela signifie que l’infection peut survivre non seulement par une morsure, mais aussi par une griffure ou par d’autres fluides corporels d’un animal contagieux.
Or, la plupart des humains ne sont pas immunisés puisque le vaccin est coûteux et non obligatoire. « Nous devons sensibiliser les citoyens, il est essentiel d’éviter tout contact avec les animaux sauvages et de signaler tout comportement anormal chez eux », insiste la médecin.
« Il fut un temps où la Côte-Nord était une zone enzootique pour la rage », rappelle Dre Viens. « Nous avons observé une baisse pendant quelques années, mais les déplacements d’animaux sur la glace, comme ce fut le cas avec l’ours polaire en Gaspésie l’an dernier, nous font craindre un retour de la maladie dans la région », confirme-t-elle en ajoutant que les changements climatiques y sont pour beaucoup.
La migration des renards arctiques pourrait entraîner une contamination des renards roux, qui à leur tour infecteraient d’autres animaux, notamment les chiens errants. « Dans nos communautés nordiques, nous avons beaucoup de meutes de chiens sauvages, c’est un risque considérable », précise-t-elle.
De plus, le transport d’animaux issus de ces régions vers l’ensemble du Québec augmente les risques de propagation. « Il y a des chiots nordiques qui sont envoyés partout à travers le Québec », indique la Dre Claudette Viens en expliquant qu’ils pourraient être porteurs du virus.
Des cas de rage répertoriés récemment
La médecin-conseil rappelle que des cas de rage humaine ont été observés au Canada ces dernières années. « Le dernier cas déclaré au Québec remonte à l’an 2000, un enfant qui a contracté la maladie et depuis, il y a eu des cas en Colombie-Britannique en 2003 et 2019, en Alberta en 2007 et plus récemment en Ontario en octobre 2024 avec un contact de chauve-souris », précise-t-elle. D’ailleurs, tous en sont décédés.
Du côté animal, la rage continue de circuler. En 2024, un raton laveur porteur de la rage a été retrouvé à la frontière du Québec, ce qui a mené à une vaste campagne d’épandage d’appâts vaccinaux et en 2023, d’autres ratons laveurs infectés ont été détectés, indique la spécialiste.
Sur la Côte-Nord, les derniers cas confirmés de rage animale remontent à environ 2012. Il s’agit de deux renards et un chien à Caniapiscau et d’un renard en Minganie. « Mais le problème, c’est qu’on ne fait jamais d’analyses terrain systématiques, se désole la docteure. Il y en a eu dans le Grand Nord, mais ici, sur la Côte-Nord, c’est rare qu’on en fasse. »
Les précautions à prendre
Dre Viens insiste sur les comportements à éviter. « Certaines personnes nourrissent les renards ou tentent de les apprivoiser, ce qui augmente les risques de morsure », rappelle-t-elle.
Pour limiter les risques de transmission, la Direction de la santé publique recommande plusieurs mesures de précaution, dont l’action de vacciner les animaux domestiques contre la rage.
Elle rappelle qu’en cas de morsure ou de griffure par un animal suspect, il faut laver immédiatement la plaie à l’eau et au savon pendant au moins 15 minutes, puis appliquer un agent virucide pour ensuite consulter immédiatement un professionnel de la santé.
« La rage n’est pas une maladie à prendre à la légère, mais avec les bonnes mesures, nous pouvons nous protéger », conclut la Dre Viens.