«Donnez-nous juste la chance de chanter» – Mathieu McKenzie

Le Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants s’attaque à la sous-représentation des artistes autochtones sur la scène artistique québécoise grâce au nouveau projet EKOTE. Photo REFRAIN
Les artistes autochtones veulent briller davantage sur la scène culturelle québécoise et le Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants met maintenant l’épaule à la roue. «On veut juste avoir le micro», implore le producteur innu Mathieu McKenzie.
Le Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants (REFRAIN) s’attaque à la sous-représentation des artistes autochtones sur la scène artistique québécoise. Lancé en grande pompe lors d’une vitrine dans le cadre du Phoque OFF PRO, le 18 février dernier, à Québec, le projet EKOTE vise à pallier les nombreux défis rencontrés par la relève autochtone.
Pendant les deux prochaines années, le projet permettra la mise sur pied de résidences artistiques et de «spectacles satellites» dans les communautés autochtones en plus d’assurer le «mentorat» d’artistes émergents en danse, en musique et en théâtre.
La genèse
Mathieu McKenzie, musicien et cofondateur de Makusham Musique, est l’instigateur du projet. Membre du groupe Maten, il a lui-même été confronté au caractère parfois rébarbatif du milieu artistique. «Il y a beaucoup d’éducation à faire au niveau des diffuseurs et des producteurs. Ils ne nous connaissent pas», laisse-t-il tomber.
«C’est toujours la même cassette. Donnez-nous juste la chance de chanter», souffle Mathieu McKenzie.
Face à ces défis, le musicien sollicite l’aide d’Hydro-Québec, l’«un des bailleurs de fonds principal dans la culture au Québec», qui le guide vers le Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants (REFRAIN).
Dès lors, Mathieu McKenzie et Patrick Kearney, directeur général du REFRAIN, observent un besoin criant de visibilité et d’accompagnement des artistes autochtones. Des consultations auprès de différents acteurs du milieu le confirment également.
Ils posent alors les bases du projet que deviendra EKOTE – Lumières sur les scènes autochtones.
«On veut que ces artistes-là soient reconnus parce qu’ils sont bons et on sait qu’ils sont bons. On veut juste leur donner l’opportunité de se faire valoir.»
«Si tu ne laisses pas les gens goûter à la musique autochtone, comment veux-tu qu’ils en demandent?» illustre Mathieu McKenzie. «Comment veux-tu demander de la musique autochtone alors qu’on n’est même pas dans le menu?»
«Une barrière de plus»
Mathieu McKenzie, comme Patrick Kearney, souligne les nombreuses embûches qui jonchent le parcours des artistes autochtones, toutes disciplines confondues.
«Être un artiste de la relève, c’est déjà difficile, mais quand tu viens d’un milieu autochtone, il y a une barrière de plus», avance le directeur général du REFRAIN.
Généralement établis loin des centres urbains favorables au développement artistique, les artistes autochtones doivent se déplacer sur de grandes distances pour performer, ce qui ne manque pas de refroidir les diffuseurs et les programmateurs, croit Mathieu McKenzie.
La distance entretient également une méconnaissance des subtilités du milieu artistique chez les Premières Nations, avance-t-il. «On a besoin d’être accompagné dans cette démarche pour se professionnaliser. Nous, la majorité des artistes autochtones, on est autodidacte.»
L’accompagnement des artistes s’impose ainsi comme un élément central du projet EKOTE. «On veut être en mesure de donner de l’information et de répondre aux questionnements pour que, si certains artistes autochtones veulent aller plus loin, on puisse leur donner les outils pour suivre dans leur milieu.»
Un premier tour de roue
Avec la mise sur pied d’une première vitrine et le déploiement du projet, Patrick Kearney et Mathieu McKenzie espèrent donner un premier tour de roue vers une présence plus convaincante des Autochtones sur les scènes du Québec.
Les deux hommes ont bon espoir que la visibilité offerte par le projet EKOTE permettra notamment aux artistes autochtones de se frayer un chemin de façon plus systématique sur les programmations des salles de spectacles et des festivals de la province.
«On va faire ça quelques années, mais éventuellement, ça va se faire naturellement, espère Mathieu McKenzie. On n’aura pas besoin de pousser autant qu’on pousse aujourd’hui.»
Pour ce faire, Patrick Kearney souhaite «assurer une pérennité» au projet EKOTE. «Dans deux ans, ce ne sera pas tout réglé, mais on aimerait que, éventuellement, les événements, les télédiffuseurs et les festivals qui ont l’opportunité de booker des artistes autochtones le fassent et qu’on ne soit pas obligé de le répéter.»
«Je vois la lumière au bout. C’est encourageant, mais même si la lumière est là, il y a encore beaucoup de chemin à faire», conclut Mathieu McKenzie.
Prix Karim-Ouellet 2025
L’artiste wendat Sandrine Masse, participante à la vitrine EKOTE du 18 février, est la lauréate 2025 du prix Karim-Ouellet.
Décernée par le Grand Théâtre de Québec le 16 février dernier, la bourse vise à commémorer le legs de l’auteur-compositeur-interprète de Québec.
Sandrine Masse devient ainsi la seconde récipiendaire du prix, après l’artiste Valence en 2024.
La récipiendaire met la main sur une bourse d’une valeur de 10 000 $. Elle espère que les fonds lui permettront «d’amplifier l’impact de [sa] démarche sur la scène musicale québécoise». Son deuxième mini album, Là où la terre est, est disponible depuis octobre dernier.